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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Divisions dans le parti au pouvoir

L´ancien premier ministre Villepin signe un appel dirigé contre le président français Nicolas Sarkozy

Par François Duval
10 mars 2008

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Alors que le président français Nicolas Sarkozy se trouve confronté à une opposition grandissante tant de la part de l´establishment politique que de la population en général, le magazine politique Marianne a publié un appel signé par des hommes et des femmes politiques de divers partis et appelant à la « vigilance républicaine ».

Cet appel daté du 15 février est la première expression d´opposition par une partie importante des médias et de la politique officielle à la manière dont Sarkozy et son gouvernement conduisent les attaques contre la classe ouvrière et réagissent à la crise économique et politique au niveau international. Il a été lancé en pleine campagne pour les élections municipales dont le premier tour doit avoir lieu le 9 mars.

La liste de dix-sept signataires comporte les noms de dirigeants de l´UMP (Union pour un mouvement populaire), le parti de Sarkozy, ainsi que ceux des dirigeants des principaux partis d´opposition. En tête de liste figure Pierre Lefranc (86 ans) ancien directeur de cabinet du général de Gaulle, suivi de Dominique de Villepin, qui fut premier ministre jusqu´en 2007, de Ségolène Royal, la candidate PS à l´élection présidentielle de 2007 et de François Bayrou, le dirigeant du Mouvement démocratique (MoDem), un vestige de l´UDF (Union démocratie française), le parti de l´ancien président Giscard d´Estaing.

On trouve aussi sur cette liste Jean Pierre Chevènement, du Mouvement des citoyens et Noël Mamère, ancien candidat écologiste à l´élection présidentielle.

L´appel ne fait pas explicitement mention de Sarkozy. Les signataires soulignent que malgré le fait qu´ils soient « de sensibilités très diverses » et aient « des positions très différentes » sur « un certain nombre de sujets importants », ils ont « malgré tout en commun un certain nombre de convictions et de valeurs qu'ils entendent réaffirmer ».

Ces valeurs comprennent : l´opposition à un gouvernement personnel, la défense d´une presse libre, la défense de la laïcité, le maintien de rapports de coopération entre partis politiques rivaux et la fidélité au cours général suivi par la politique étrangère française ces cinquante dernières années.

Marianne avait publié cet appel avec une introduction qui ne laissait aucun doute sur le fait qu´il représentait une attaque contre Sarkozy. Il est reproché à celui-ci entre autres choses d´avoir marginalisé le premier ministre et son gouvernement en imposant des décisions prises par une « cour » présidentielle de conseillers et de tenter d´imposer une forme de pouvoir « purement personnel confinant à la monarchie élective ».

Et Marianne de conclure : « si des personnalités politiques de premier plan qui ont l'habitude de s'affronter sur la scène publique depuis des années, prennent le risque de s'afficher au bas d'un même texte à quelques jours d'un scrutin dont le président lui a annoncé qu'il serait politique, si cet appel a recueilli la signature de plusieurs hommes et femmes politiques de la droite républicaine, c'est bien que le contexte politique créé par huit mois de sarkozysme est totalement inédit. »

La ligne générale de l´appel est une attaque contre Sarkozy du point de vue de la défense des formes traditionnelles de pouvoir et des institutions de la Cinquième République, en particulier celle de la présidence qu´il a, suggère-t-on, mis en discrédit.

La réaction du camp de Sarkozy, qui semble avoir été pris à contre-pied, fut virulente et pleine de fiel. Sans répondre à l´appel sur le fond, le gouvernement a qualifié les signataires de l´appel de « coalition de revanchards » et de « coalition des aigris et des éliminés ».

En visite de campagne électorale pour les élections municipales en Bretagne, le premier ministre François Fillon a lancé cette tirade aux signataires de l´appel : « Cet acharnement que mettent certains responsables politiques qui n'ont pas été élus par les Français (...) à tenter de déstabiliser le président de la République est de mon point de vue profondément choquant et profondément antidémocratique » déclara-t-il.

Fillon avait en particulier en vue Bayrou et Royal, les adversaires de Sarkozy lors de la dernière élection présidentielle et Villepin qui avait tenté d´être candidat de l´UMP contre Sarkozy. Fillon a même parlé de « chasse aux sorcières » contre le président. 

Cet appel anti-Sarkozy reflète des sentiments répandus au sein de l´élite dirigeante. Il y a en son sein des différences de plus en plus importantes sur des questions de fond concernant tant la politique intérieure que la politique extérieure.

Une des critiques les plus importantes de Villepin vis-à-vis de Sarkozy est que celui-ci a répudié la doctrine gaulliste d´une France qui n´est pas alignée sur les autres puissances, en particulier les Etats-Unis. Il partage ces inquiétudes avec certaines parties de l´élite politique, déconcertées par le déclin économique et politique de la France et qui demandent une réponse plus « rationnelle » à cet état de choses.

Il existe le sentiment que si la crise à laquelle est confrontée la bourgeoisie française ne peut pas être résolue autrement que par une attaque systématique de tous les acquis sociaux, Sarkozy n´est pas forcément capable de réaliser cette politique.

Ce qui est remarquable, ce n´est pas seulement qu´il s´agit d´une attaque ouverte contre le chef de l´Etat, mais que des politiciens de tous bords se soient rejoints sur la base d´une plateforme commune. Il y a bien eu un effacement des différences entre les divers partis politiques de la bourgeoisie dans les récentes années, mais c´est la première fois que leurs dirigeants ont pris une initiative commune.

C´est une initiative qui pourrait déboucher sur un réalignement des forces au sein de la politique officielle et qui s´annonce peut-être dans la campagne actuelle pour les élections municipales.

Ségolène Royal l´a elle-même indiqué. Le Monde a ainsi rapporté, deux jours après la publication de l´appel dans Marianne, que « Mme Royal estime que cet appel révèle des "convergences". »

Le quotidien poursuit en citant ainsi l´ancienne candidate du Parti socialiste à l´élection présidentielle : « Il [l´appel] est en cohérence, en prolongement des valeurs défendues pendant la campagne [présidentielle], qui avaient permis à un dialogue de s'amorcer entre les deux tours avec François Bayrou. Nous assistons à un dévoiement des principes fondamentaux de la République tels que la laïcité, l'impartialité de l'Etat. La méthode solitaire et unilatérale d'exercice du pouvoir déconsidère la France à l'étranger et empêche, finalement, toute réforme. C'est précisément parce que je suis pour les réformes qu'un bon fonctionnement des institutions est indispensable. »

Selon Le Monde, Bayrou a commenté l´appel en ces termes : « La multiplication des dérapages handicape la mise en œuvre des réformes nécessaires. » « On ne peut pas croiser un responsable majeur, aujourd'hui — sauf s'il est au gouvernement, et encore —, qui ne s'inquiète. »

Bayrou dit aussi qu`il n´avait « aucun doute sur les sentiments » d'autres hommes politiques en vue de la « droite républicaine » qui partagent selon lui les critiques exprimées par l´appel. « Si certains ne l'ont pas signé, c'est uniquement pour des raisons d'opportunité politique » expliqua-t-il.

L´initiative prise par Marianne a été louée par un certain nombre de journaux et de publications politiques. Ce n´est pas la première fois que Jean François Kahn, fondateur de l´hebdomadaire et ancien éditeur de l´Evénement du jeudi, organise une telle « plate forme unifiée ».

Ce ne fut autre que Marianne qui organisa le fameux meeting du Bataclan à Paris entre les deux tours de l´élection présidentielle en 2002. Ce meeting servit de cadre à une plateforme unifiée comportant presque tous les partis politiques ayant participé au premier tour de l´élection de cette année. Le résultat des élections avait choqué l´élite politique parce que le premier ministre sortant, Lionel Jospin, était arrivé troisième derrière le néo-fasciste Jean-Marie Le Pen, ce qui avait mené à un deuxième tour opposant ce dernier au président gaulliste sortant, Jacques Chirac.

Tous les partis de l´échiquier politique officiel, y compris le Parti communiste et les Verts, finalement rejoints par le parti d’« extrême gauche » LCR (Ligue communiste révolutionnaire), avaient apporté leur soutien à Chirac qui fut présenté comme le sauveur de la Ve République. Le meeting du Bataclan servit de lancement au « rassemblement » de tous ces partis derrière la campagne de Chirac. Celui-ci fut réélu avec 82 pour cent des voix et put, dans les années qui suivirent, imposer toute une série d´attaques contre la classe ouvrière.

(Article original anglais publié le 27 février 2008)


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