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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Les élections locales françaises révèlent le discrédit de l'établissement politique

Par Alex Lantier
21 mars 2008

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Les résultats du deuxième tour des élections municipales et cantonales en France, le 16 mars, ne peuvent échapper à la contradiction, étant données l'impopularité grandissante du gouvernement conservateur du président Nicolas Sarkozy et l'hostilité largement répandue envers le Parti socialiste (PS), qui s'est coupé de la population par sa politique pro-patronale.

D'un côté, le PS a enregistré des gains réels, et les résultats des listes des partis de la prétendue « extrême-gauche » témoignent d'un mouvement vers la gauche parmi les électeurs, coïncidant avec un effondrement du soutien pour Sarkozy. Malgré ce mouvement, cependant, l'UMP (Union pour un mouvement populaire) de ce dernier a pu maintenir le contrôle de beaucoup de villes et de départements importants, dans des élections marquées par la désillusion populaire et une abstention record.

Le PS a solidifié son contrôle de plusieurs des principales zones urbaines de France. Ses listes ont remporté 12 des 20 arrondissements de Paris, y compris les arrondissements plus peuplés de l'est, et le maire PS sortant, Bertrand Delanoë, a été réélu avec 58 pour cent du vote. Les listes PS ont également remporté 7 des 9 arrondissements de Lyon, reconduisant le maire PS Gérard Collomb. Dans la région de Lille, Lille et Turcoing ont réélu des maires PS, l'ancienne ministre du Travail Martine Aubry et Michel-François Delannoy.

Plusieurs villes ont basculé vers le PS : Toulouse (la quatrième ville de France, centre de l'industrie aérospatiale), Strasbourg (capitale de l'Alsace sur la frontière allemande), Caen (un centre pharmaceutique et de services en Normandie), et Reims (la plus grande ville en Champagne). Le PS installe également ses élus à Nantes, Besançon, Amiens, Metz, et Blois. Des 37 villes de France avec plus de 100.000 habitants, douze seulement sont aux partis de droite.

L'UMP a néanmoins conservé plusieurs villes importantes. L'ancien premier ministre Alain Juppé, qui s'est maintenu dans la vie politique malgré une condamnation pour fraude en 2004, a facilement réussi à se faire élire de nouveau à Bordeaux, obtenant 56 pour cent des voix. La presse bourgeoise a attribué cette victoire à l'habileté de Juppé à trouver des fonds publics et privés pour payer des initiatives locales.

L'UMP a maintenu le contrôle des principales villes de la Côte d'Azur — Marseille, Nice et Toulon — grâce à une intervention calculée du gouvernement national, faisant appel à des sentiments sécuritaires et anti-immigrés et promettant une certaine aide économique limitée.

La victoire de justesse de l'UMP à Marseille, un centre important du mouvement ouvrier français et qui a récemment assisté à une vague de grèves inhabituelles dans la distribution, a suivi une décision personnelle par Sarkozy de soutenir la candidature du maire sortant UMP, Jean-Claude Gaudin. Le 10 mars, le gouvernement a publié une lettre de Sarkozy à Gaudin, promettant d'embaucher davantage de policiers à Marseille, de rénover son port, et de faire en sorte que le TGV Rome-Madrid s'arrête à Marseille.

Le 11 mars, Sarkozy s'est arrêté dans la région pour faire un discours attaquant les immigrés à Toulon, une ville qui a déjà élu des maires du Front national (FN) néo-fasciste. Il a appelé de ses voeux une « immigration maîtrisée », soulignant que « la France ne peut pas accueillir tout le monde » et ajoutant que « Les quotas, moi, je suis pour. » Le PS, comme la gauche en général, n'apporte aucune réponse aux attaques de la droite sur l'immigration.

Les élections cantonales ont confirmé les tendances que l'on aperçoit dans les élections municipales : une victoire nette pour le PS (51 pour cent des voix) par rapport à l'UMP (44 pour cent), mais qui est loin d'être totale. Le soutien apporté au PS est bien moins que le niveau d'opposition à Sarkozy, qui s'élevait à 61 pour cent dans un sondage CSA du 29 février. Le vote UMP est aussi beaucoup plus important que la proportion (22 pour cent) qui se déclarent « proches de l'UMP ».

Le piètre résultat du PS se place dans le contexte d'un niveau record d'abstention, 38 pour cent dans des villes de plus de 3500 habitants. L'abstention était particulièrement forte dans les banlieues ouvrières des grandes villes : 60 pour cent à Roubaix dans la banlieue de Lille, 58 pour cent à Saint-Denis en banlieue parisienne, et 53 pour cent à Villeurbanne en banlieue lyonnaise.

N'importe quel observateur sérieux se sentirait obligé de comprendre pourquoi la colère et l'opposition envers Sarkozy ne trouvent pas d'expression plus puissante.

Un facteur important est la compréhension généralisée que le PS, le parti d'opposition le mieux établi, est un parti du patronat, offrant donc peu ou rien de plus aux travailleurs de l'UMP. Dans le sondage CSA du 29 février, 75 des sondés ont déclaré avec raison qu'ils ne croyaient pas que le PS résoudrait mieux que Sarkozy et l'UMP les questions nationales les plus pressantes. Le PS a une longue histoire de privatisations et d'austérité sociale quand il était au pouvoir, et à présent il fournit plusieurs membres du gouvernement de Sarkozy dont le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner et la secrétaire d’Etat à la politique de la Ville Fadela Amara.

Un autre facteur était la décision de Sarkozy et du premier ministre François Fillon de marteler qu'ils ne feraient aucune attention à l'opinion publique exprimée dans le résultat de l'élection. Dans une interview du 6 mars avec Sarkozy, le journal de droite Le Figaro a demandé, « Entendez-vous réformer au même rythme, quel que soit le résultat des élections ? »  Sarkozy a répondu : « Je dis à tous ceux qui m'ont fait confiance que je mènerai cette politique du changement avec la même force, la même envie, le même volontarisme tout au long des quatre prochaines années. »

Après le deuxième tour des municipales, Fillon a offert l'explication absurde que la défaite de l'UMP était attribuable à un ralentissement du rythme des « réformes », c’est-à-dire des attaques sociales, de son gouvernement. Malgré des sondages qui n’indiquaient que 39 pour cent de soutien pour une accélération des réformes, il a dit que la solution des difficultés de l’UMP passait par « accélérer le rythme des réformes et montrer que tous les engagements seront tenus ».

Le gouvernement n’a annoncé que quelques changements mineurs du personnel, notamment le remerciement du porte-parole présidentiel David Martinon.

Des questions sociales plus larges sous-tendent l’abstention populaire. Le caractère international des problèmes quotidiens des masses laborieuses en France devient de plus en plus clair. Ces problèmes, une inflation rapide et au niveau mondial des prix de l’alimentation, les ondes de choc financières qui émanent de la crise du crédit aux Etats-Unis, la montée de l’euro contre le dollar et la chute conséquente de la compétitivité de l’industrie européenne, menaçant l’emploi à travers la zone euro, dépassent les autorités locales et même nationales en France.

Après de grandes grèves pendant les six derniers mois contre la politique d’austérité de Sarkozy et parmi une menace de plus en plus évidente de dévastation économique, la population s’ouvre vers de nouvelles idées politiques. Cependant, aucun des partis actuels en France n’articule les intérêts des travailleurs.

Le journal centre-gauche Le Monde a brièvement fait allusion à ce problème, en passant, dans son analyse des élections avec le politologue François Miquet-Marty de LH2. Ce dernier remarqua: « De manière générale, on assiste davantage à une désaffection à l'encontre de la droite qu'à un vote de soutien en faveur de la gauche. C'est la raison pour laquelle il est difficile de parler d'un vote-sanction à l'encontre de Nicolas Sarkozy, mais plutôt d'un vote de défiance qui bénéficie à la gauche. [...] Aujourd'hui, les Français n'excluent aucune hypothèse pour améliorer leur situation quotidienne. Mais, en l'état actuel des choses, il n'existe pas à leurs yeux de solution plus crédible que les solutions proposées par l'exécutif. En d'autres termes, la gauche a un travail de reconstruction programmatique urgent à réaliser. Ce qui fait défaut, c'est l'offre électorale. »

« L'extrême-gauche » française, surtout les organisations pseudo-trotskystes  la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et Lutte ouvrière (LO), a tenté non pas de combler, mais de cacher le vide politique à gauche du PS. Ils ont travaillé sans relâche et de façon opportuniste à nouer des alliances électorales avec le PS, malgré la crise de perspective politique sans précédent à laquelle sont confrontées les masses.

LO, qui a disait avoir 5000 candidats aux élections municipales et cantonales, a demandé à ses candidats au début de la campagne de rejoindre les listes PS, quand celles-ci le permettaient. A l'automne 2007, la LCR a décidé de proposer des listes indépendantes dans le contexte d'une décision de fonder un nouveau parti, prétendument indépendant du PS. La réaction électorale a été nettement positive, avec 109 des 200 listes de la LCR obtenant plus de 5 pour cent du vote et 29 recevant plus de 10 pour cent. La LCR a même reçu 15,7 pour cent à Clermont-Ferrand et 17,6 pour cent à Saint-Nazaire.

Malgré les apparences, cependant, le nouveau parti de la LCR n'est pas du tout politiquement indépendant du PS, et son indépendance organisationnelle vis-à-vis du PS est extrêmement fragile. Pendant les derniers mois, au courant d'une série de réunions avec divers éléphants du PS, les chefs de la LCR, y compris Alain Krivine et Daniel Bensaïd, ont tenté d'assurer le PS que leur nouveau parti se destinait à combattre la droite, non pas le PS.

Dans le contexte économique et politique actuel, le PS refuse de faire le moindre geste en direction des sentiments anti-capitalistes, écartant toute possibilité d'alliance politique avec des groupes tels LO ou la LCR. Il préfèrerait de loin que l'élite dirigeante française comprenne qu'il mène une politique conservatrice et pro-patronale.

A Lille, la candidate PS Martine Aubry a préféré nouer une alliance avec les Verts et le MoDem (Mouvement démocratique, centre-droite) de François Bayrou. Selon Aubry, « C'est un accord politique, pas électoraliste, puisque nous pouvons aisément gagner sans le MoDem. »

A Toulouse, où la liste LCR avait obtenu 5 pour cent des voix, les électeurs LCR étaient considérés comme étant essentiels pour la victoire du candidat PS Pierre Cohen. Interrogé sur France2 au sujet des instructions que donnerait la LCR à ses électeurs, le porte-parole LCR Olivier Besancenot a dit, « On appelle généralement à battre la droite, là-dessus il n'y a pas de suspense. » Par la suite, la LCR a formellement proposé une fusion de listes avec le PS, mais le PS a refusé.


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