Au moins huit soldats américains ont été tués en Irak au
cours du week-end dans une intensification de la violence qui souligne
l’instabilité de l’occupation militaire conduite par l’armée
américaine. Le nombre de soldats américains qui sont morts en Irak atteint à
présent les 4000.
L’explosion de deux bombes au bord d’une route à
Bagdad, l’une samedi et l’autre dimanche, a coûté la vie à sept
soldats. Selon l’armée américaine, le huitième soldat a été tué vendredi
dans le sud de Bagdad lors d’attaques au lance-roquette ou de tirs de
mortier (« indirect fire »). A ce jour, 27 soldats américains ont été
tués durant le mois de mars.
Des dizaines d’Irakiens ont été tués au cours du
week-end dans des attentats suicides et dans des attaques pratiquées par l’armée
américaine.
L’armée américaine a déclaré avoir tué 17 personnes et
en avoir capturé 30 autres lors d’opérations dans la province de Baqouba
située à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Bagdad. Selon
l’agence Associated Press, « la police irakienne a fait état
d’une dizaine de civils tués dans un raid aérien » à Bagdad, mais
l’armée a dit que toutes les personnes tuées étaient des
« insurgés. »
Toujours, selon l’armée, cinq Irakiens qui auraient
des liens avec al-Qaïda ont été tués près de la frontière avec l’Iran. Toutefois,
aucune des affirmations concernant les prétendus liens avec al-Qaïda ne peut
être prise pour argent comptant. Le gouvernement américain a redoublé ses
efforts ses dernières semaines pour fabriquer des liens entre l’Iran et al-Qaïda
susceptibles de servir de prétexte pour une quelconque opération militaire
contre l’Iran.
Dans un autre incident survenu samedi près de Samarra, l’armée
américaine a tué six Irakiens qui seraient apparemment des membres de
« Sons of Iraq » (« Fils de l’Irak ») également
connus sous le nom Awakening Councils (miliciens Sahwa). Il s’agit de
groupes sunnites qui ont fait une alliance avec l’occupation américaine.
Les forces militaires américaines ont dit avoir tiré sur les Irakiens après avoir
découvert qu’ils « s’adonnaient à des activités terroristes
suspectes dans une zone historiquement connue pour être un emplacement pour
dispositifs explosifs improvisés. »
Le New York Times a cité Abou Farouk, le dirigeant d’Awakening
Council de Samarra, disant ; « Les forces américaines ont dit que les
gens qu’elles avaient tués étaient des tireurs, mais c’étaient mes
hommes et ils portaient même l’uniforme d’Awakening. »
Les détails concernant l’incident ne sont toujours pas
clairs, mais la fusillade souligne à la fois la légèreté avec laquelle les
forces américaines tirent sur les Irakiens pour tuer aveuglément, et le
caractère ténu de l’alliance avec les groupes sunnites. Bon nombre de
ceux qui jusqu’à récemment faisaient partie de l’Awakening Councils
combattaient l’occupation américaine. Les membres de ces organisations
sont à présent rémunérés par les Etats-Unis autour de 300 dollars par mois.
Dans le cas d’un autre incident, des tirs de roquette sur
la zone verte de l’enceinte gouvernementale de Bagdad, ont fait dix morts
irakiens lorsque des missiles sont tombés dans le voisinage. L’agence
Associated Press a commenté ces faits en disant que les attaques représentaient
« l’assaut le plus soutenu de ces derniers mois contre le centre
nerveux de la mission américaine. »
Un attentat au camion suicide a tué 13 soldats irakiens et
en a blessé 42 autres à Mossoul. Une attaque au fusil dans le quartier de
Zaafariniya à Bagdad a fait sept morts et 16 blessés, un autre attentat suicide
à la bombe dans le nord-ouest de Bagdad a fait sept morts.
Les attaques contre la zone verte sont devenues moins
fréquentes ces derniers mois partiellement en raison du cessez-le-feu négocié
entre les forces occupantes américaines et la milice de l’Armée du Mahdi
de l’imam Moqtada Al-Sadr. Le mois dernier, Sadr a renouvelé le cessez-le-feu,
mais il existe des divisions sévères au sein de la population chiite en grande
partie appauvrie qui forme sa base et qui est fortement hostile à
l’occupation.
Reuters a fait le commentaire suivant : « Il est
possible que le cessez-le-feu soit en train de se défaire après les
affrontements de la semaine dernière entre des combattants de l’Armée du
Mahdi et des forces irakiennes et américaines de la ville de Kut dans le sud du
pays et dans le sud de Bagdad. »
Les forces américaines et de la coalition sont en train de
planifier d’importantes opérations dans le sud du pays dominé par les
chiites, y compris dans la ville de Basra. Le journal britannique, Sunday
Mirror, a rapporté que les Etats-Unis avaient demandé aux forces
britanniques de préparer des « renforts » (« surge »)
dans Basra. Le journal a cité des sources anonymes provenant de la hiérarchie
militaire disant qu’après les opérations américaines à Mossoul, « l’idée
est de porter l’attention de la coalition sur Basra et nous presserons
les Britanniques de monter en puissance dans la ville. Au cas où ils ne
disposeraient pas de suffisamment de troupes, des Marines américains seraient
mis à leur disposition pour les dépanner. »
Les nouvelles violences sont survenues quelques jours après
le discours du président américain, George W. Bush, marquant le cinquième
anniversaire de l’invasion américaine. Bush et le vice-président Dick
Cheney ont émis des déclarations répétées pour la défense de la guerre qui est
extrêmement impopulaire en promettant de prolonger la présence d’un grand
nombre de soldats américains indéfiniment.
Des militaires haut-gradés vont soumettre à Bush une
proposition pour maintenir 140.000 soldats en Irak au moins durant l’été
et probablement encore plus longtemps. Ce chiffre est légèrement supérieur à
celui relevé en Irak avant le début de la « montée en puissance » (« surge »)
de l’année dernière. Les recommandations seront officiellement présentées
cette semaine à Bush.
Il est prévu que quelques brigades soient retirées du
contingent principal s’élevant à environ 170 000 hommes. Citant des
dirigeants militaires et gouvernementaux, le New York Times a rapporté
samedi que le général David Petraeus, commandant des forces américaines en
Irak, et d’autres dirigeants, « ont clairement fait entendre
qu’ils souhaitaient disposer de plus de temps pour pouvoir évaluer ce qui
se passera quand les retraits auront été faits, laissant sur place 15 brigades
de combat ».
Petraeus ainsi que des ténors du gouvernement Bush sont
inquiets de ce que même un retrait partiel de la puissance de feu américaine
pourrait entraîner une recrudescence de la résistance à l’occupation
parallèlement au conflit sectaire.
Toutefois, de profondes divisions se font jour au sein de
l’establishment militaire et politique. Il y a notamment une grande
inquiétude au sein des gradés militaires, y compris de l’état-major
interarmées (Joint Chiefs of Staff) que l’intégrité de l’armée ait
été sérieusement compromise en raison des tensions de la guerre en Irak. En
guise de concessions partielles faites à ces points de vue, le Pentagone
annoncera probablement que la rotation des troupes sera réduite à douze mois au
lieu de la période élevée qui est de 15 mois actuellement.
Le mois dernier, l’amiral William J. Fallon, le chef des opérations
militaires américaines qui supervise les opérations militaires outre-mer pour
la zone du Proche-Orient et d’Asie centrale, a démissionné. Fallon aurait
demandé un retrait plus important de l’Irak, il s’était également
opposé publiquement à une action américaine contre l’Iran.
Un porte-parole du Pentagone a dit samedi que l’armée ne permettrait
pas à Fallon de témoigner devant le comité des forces armées du Sénat américain
le mois prochain. Le témoignage avait été réclamé par la candidate à
l’investiture du Parti démocrate pour l’élection présidentielle,
Hillary Clinton, qui siège au comité.
Plusieurs membres du haut commandement militaire, y compris le chef
d’état-major interarmées américain, l’amiral Michael Mullen,
partageraient des points de vue identiques à ceux ouvertement exprimés par Fallon.
Commentant le 20 mars ces divisions, le Los Angeles Times a déclaré,
« A court terme, les partisans de Petraeus aimeraient qu’environ 140 000
hommes, y compris 15 brigades de combat, restent en Irak jusqu’à la fin
du gouvernement Bush. Les membres de l’état-major interarmées et leurs
conseillers préconisent un retrait plus rapide. Certains pressent en faveur
d’une réduction à 12 brigades ou moins d’ici janvier 2009, ce qui
correspondrait à environ 120 000 hommes, selon l’arrangement des
forces. »
Le journal poursuit en remarquant, « En quelque sorte, les différences
entre Petraeus et l’état-major interarmées, notamment son chef, Navy Adm.
Michael G. Mullen, sont une fonction de leurs différentes responsabilités. La
principale tâche de Petraeus consiste à gagner la guerre en Irak. Mullen et
l’état-major interarmées ont pour responsabilité première de sauvegarder
la force du contingent à long terme de l’armée et de se tenir prêt à tout
imprévu, » à savoir les guerres à venir.
Voici à peu près l’ampleur des différences qui existent au sein de
l’establishment politique quant à la politique en Irak. La guerre
en Irak a été un désastre pour l’impérialisme américain et elle crée des
conflits virulents au sein de l’élite dirigeante. Les principaux candidats
démocrates ont appelé à un retrait limité des forces américaines, une position
qu’ils cherchent à présenter comme étant une opposition à la guerre.
Toutes les factions, cependant, ont comme point de départ la nécessité de
sauvegarder les intérêts de la classe dirigeante américaine au Proche-Orient et
sur le plan international.