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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le plus grand accélérateur de particules du monde est opérationnel

Les chercheurs auront une meilleure compréhension des mystères de l'univers

Par Dan Conway
18 novembre 2008

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Le 10 septembre, des scientifiques du CERN, le Centre européen de recherche nucléaire, ont envoyé avec succès un faisceau de protons parcourir un anneau de 27 kilomètres qui s'étend de part et d'autre de la frontière franco-suisse. Ce fut le début de la plus grande, la plus ambitieuse, expérience scientifique de l'histoire humaine : le Large Hadron Collider [grand collisionneur de hadrons]. C'est le résultat des efforts conjoints de plus de dix mille scientifiques et ingénieurs venant de plus de 80 pays et 500 universités.

Le grand collisionneur de hadrons (LHC) est une merveille d'ingénierie au sens le plus fort du terme. Le collisionneur est situé à 100 mètres sous terre et est destiné à faire se percuter des particules subatomiques à des vitesses très élevées pour révéler l'existence de particules encore plus fondamentales. Le LHC réalisera cette tâche en accélérant deux faisceaux séparés de protons, petites particules chargées positivement qui se trouvent dans le noyau des atomes, et dans certains cas des ions de plomb, dans des directions opposées autour du grand anneau.

Cependant, avant d'entrer dans le grand anneau, les protons sont préparés au cours de quatre étapes distinctes pour pouvoir atteindre les vitesses requises.

Dans un premier temps, des atomes d'hydrogène, qui sont normalement constitués d'un unique électron et d'un unique proton, sont débarrassés de leur électron et accélérés dans un accélérateur linéaire appelé LINAC 2, ils sont ensuite accélérés à nouveau dans une structure composée de quatre anneaux appelée le Booster Protons-Syncrotron qui débouche dans le synchrotron à protons de 628 mètres de circonférence.

Le synchrotron à protons, construit en 1959, fut le premier accélérateur de particules du CERN, il est toujours utilisé de nos jours par le LHC, mais avec d'importantes modifications. L'énergie des protons est ensuite augmentée à nouveau dans un anneau plus grand, le super synchrotron à protons, avant de pénétrer dans l'anneau principal de 27 kilomètres de long.

Le LHC contient un ensemble d'aimants supraconducteurs, chacun d'eux refroidis à 1,9° kelvin, soit -271,25° celsius, faisant du LHC le plus grand système de refroidissement jamais réalisé. Des températures aussi basses, nécessitant 120 tonnes d'hélium liquide pour être obtenues, sont nécessaires pour induire la supraconductivité, c'est-à-dire, une résistance nulle au passage du courant électrique. Les forts courants électriques produisent alors les puissants champs magnétiques requis.

Pour infléchir la trajectoire des protons autour de l'anneau, l'accélérateur utilise 1232 dipôles magnétiques, et 392 quadripôles sont utilisés pour concentrer les rayons avant la collision. Les ondes radio poussent les protons autour de l'anneau et les « rassemblent » en groupes d'environ 100 millions chacun.

Les protons sont accélérés le long de deux pistes adjacentes dans l'anneau principal, se déplaçant en directions opposées et atteignent ainsi la vitesse de 99,999 999 pour cent de celle de la lumière.

Les deux principales qualités d'un accélérateur qui maximise la vitesse des particules sont la force de ses champs magnétiques et sa circonférence totale. Pour atteindre ce résultat, la puissance engendrée par le LHC et sa taille en font l'accélérateur le plus puissant jamais réalisé. Les protons qu'il accélère atteignent une énergie de 7 tera-électronvolts (TeV) en fin de parcours. Un électronvolt, correspond à l'énergie requise pour déplacer un électron à travers une différence de potentiel d'un volt, le préfixe tera signifie mille milliards, soit un suivi de douze zéros.

L'un des détecteurs, le CMS (Compact Muons Solenoid) consiste principalement en un grand cylindre de 20 mètres de long et de 15 mètres de diamètre. Le CMS pèse 12 500 tonnes et produit un champ magnétique de 4 teslas, soit 100 000 fois plus que celui de la Terre. Une fois que les protons se percutent, ils créent des millions de particules plus petites qui vont réagir à la présence du champ magnétique de manière différente suivant leurs propriétés respectives.

Les détecteurs du genre du CMS ne « voient » pas vraiment les particules comme une sorte de microscope géant. Ils emploient en fait des couches successives d'équipements finement calibrés pour enregistrer différents aspects des particules produites par les collisions.

Par exemple, la première couche du CMS utilise des détecteurs en silicone, larges d'un millionième de centimètre chacun, pour mesurer l'énergie et les positions des particules créées.

Les protons traversent les détecteurs en groupes de 100 millions chacun. Sur les 200 millions de protons présents dans la zone de collision prévue, seule une vingtaine vont réellement entrer en collision, en raison de la petite taille des protons. Cependant, les paquets de protons voyagent principalement en impulsions, à la fréquence d'une toutes les 25 nanosecondes, ce qui signifie que les collisions dans le détecteur se produiront en moyenne 80 millions de fois par seconde.

Le détecteur doit ensuite enregistrer les résultats de ces collisions, ce qui demande des capacités informatiques de calcul et de stockage énormes. Les techniciens du CERN estiment que les données obtenues par le LHC vont représenter un pour cent de toutes les données informatiques conservées sur la planète.

Pour souligner l'importance d'une opération informatique aussi gigantesque, certains physiciens des particules pensent que le boson de Higgs, la particule encore inobservée que les scientifiques du LHC espèrent découvrir, aurait déjà été créé au Tévatron, l'accélérateur du Fermilab près de Chicago dans l'Illinois, cependant l'installation n'aurait pas eu la puissance de calcul suffisante pour le reconnaître et l'analyser, ou n'aurait pas eu les capacités de stockage suffisantes pour l'enregistrer.

Pour réaliser une tâche aussi monumentale de rassemblement de données et d'analyse, le CERN a créé le plus grand réseau d'ordinateurs au monde, qui réunira 200 centres de calcul dans le monde, réunissant 100 000 processeurs centraux au total.

Cet énorme réseau informatique peut analyser les données à la vitesse d'un gigaoctet par seconde et l'on s'attend à ce qu'il produise 15 petaoctets, soit 15 millions de gigaoctets, de données chaque année.

Il comprendra également la plus grande session de database clustering au monde. Le database clustering est une technologie de pointe qui répartit une même base de données entre plusieurs ordinateurs. La base de données du LHC sera également reproduite en dix sites dans dix pays différents.

Sur les milliards de collisions enregistrées, seule une infime partie aura un intérêt potentiel pour les chercheurs, et seulement une petite minorité de celles-ci aura finalement une importance scientifique. L'analogie classique de « chercher une aiguille dans une meule de foin » ne rend même pas justice à la réalité dans ce cas.

Les espoirs scientifiques

Ces collisions dans les détecteurs créeront des températures 100 000 fois plus chaudes qu'au cœur du Soleil. Les conditions ainsi obtenues seront également identiques à celles qui régnaient durant le premier millionième de seconde après le big-bang, l'origine de l'univers connu. C'est dans de telles conditions que les scientifiques espèrent confirmer l'existence du lien manquant du modèle standard de la physique des particules, le Boson de Higgs.

Selon le modèle standard, il existe deux types principaux de particules : les quarks, qui sont les briques qui constituent les protons qui sont envoyés à travers le LHC, et les leptons. Un hadron est le nom générique attribué à un groupe de quarks, quel qu'il soit. Une combinaison de deux quarks « up » et d'un quark « down » produit un hadron plus connu sous le nom de proton, d'où le nom Large Hadron Collider.

Ces particules subissent différentes interactions, ou forces, des unes sur les autres selon leurs propriétés respectives. L'interprétation donnée par la physique classique – soit la physique pratiquée jusqu'aux premières années du vingtième siècle – était que les forces jouaient entre les particules par l'intermédiaire de champs, situés entre ces particules et que l'on n'expliquait pas. Des découvertes ultérieures dans un domaine de la physique appelée la mécanique quantique ont cependant révélé que les champs étaient en fait des interactions concrètes entre des particules que l'on a appelées les bosons de jauge.

Par exemple, un proton placé à proximité d'un autre proton sera soumis à une force électrique répulsive due à l'échange de photons, les bosons de jauge spécifiques à la force électromagnétique, avec l'autre proton.

Les physiciens actuels conçoivent l'univers comme étant gouverné par quatre forces fondamentales, ou interactions : la force forte, qui est responsable des liaisons entre les quarks et, par un effet résiduel, de lier les protons et les neutrons dans le noyau de l'atome ; la force faible, qui est responsable de la dégénérescence radioactive comme celle qui produit les radiations du Soleil ; la force électromagnétique ; et la force gravitationnelle.

Toujours selon le modèle standard, les types de bosons de jauge sont : les gluons pour la force forte, les photons pour la force électromagnétique, et les bosons W et Z pour la force faible. Le modèle standard n'explique pas la force gravitationnelle.

Les forces électromagnétiques et faibles sont maintenant considérées comme deux manifestations différentes de la même force, la force électrofaible. Cependant, les bosons de jauge sont assez différents dans ces deux cas, les photons n'ont pas de masse, alors que les bosons W et Z sont très lourds.

On suppose que le boson de Higgs, associé au « mécanisme de Higgs », est la source de la masse. Le boson de Higgs n'a cependant jamais été observé, les énergies requises pour le produire étant très élevées. On espère que la découverte du boson de Higgs lors d'une collision au LHC contribuera à expliquer la différence entre le photon et les bosons W et Z. Plus généralement, la découverte du boson de Higgs va expliquer les raisons de la création des masses de toutes les particules fondamentales.

La présence d'une énergie aussi colossale dans les détecteurs du LHC pourrait apporter un éclairage sur d'autres mystères tout aussi passionnants, comme l'existence d'autres dimensions de l'espace. Elle pourrait également établir la nature de la matière sombre, dont on suppose qu'elle existe en grandes quantités dans l'univers, mais qui n'a jamais été détectée.

Le supercollisionneur à superconducteurs

Bien que l'achèvement du LHC représente un passionnant bond en avant dans la compréhension humaine, on peut dire que cette compréhension arrive avec dix ans de retard. L'annulation du projet de Superconducting Super-Collider (SSC), prévu au Texas, en 1993, après que 22,5 kilomètres de tunnels aient été creusés et que plus de deux milliards de dollars furent déjà dépensés, a représenté un coup terrible porté à la communauté scientifique internationale et à la connaissance scientifique en général.

Si le SSC avait été achevé, il aurait eu une circonférence de 86,8 kilomètres et provoqué des collisions entre particules dont l'énergie aurait été de 40 TeV, plus de 3 fois ce qui sera obtenu au LHC. Le site du SSC a depuis été vendu à un groupe d'investissement privé et le projet n'a plus aucune chance d'être réactivé.

Dans son livre Science, argent et politique, le journaliste Daniel S. Greenberg accorde une place importante à la décision de mettre fin au financement du SSC. Il décrit l'administration Clinton comme étant « comptée parmi les partisans du SSC », alors qu'en réalité, « l'intérêt pour le SSC était minime et les efforts entrepris pour sauver ce projet ont été symboliques ».

Greenberg rapporte également une déclaration intéressante de John Gibbons, ex-conseiller du président à la science et la technologie. Dans un entretien accordé à Greenberg, Gibbons a déclaré qu'en ce qui concernait le financement du SSC, « C'était trop peu, trop tard, et le Congrès voulait faire tomber des têtes de toute façon. C'en était une. Et nous ne nous sommes pas battus assez durement pour celle-là. Mais on ne peut pas se battre pour tout. »

Au surplus, après l'effondrement de l'Union soviétique, le gouvernement américain voyait de moins en moins de raisons d’investir dans la recherche scientifique fondamentale et fit du SSC l'une de ses premières victimes. L'abandon du SSC a été un exemple typique de l'étroitesse d'esprit répandue dans la classe dirigeante américaine, qui ne soutient aucun projet n'apportant un avantage politique, militaire, ou économique immédiat.

Les conceptions du sénateur démocrate de l'Iowa, Tom Harkin, en sont un exemple parfait, en septembre 2000 il répéta ses raisons pour avoir voté contre le financement du SSC : « Est-ce que nous sommes dans une plus mauvaise situation en tant que pays parce que nous avons repris nos esprits et n'avons pas terminé le SSC ? Pas du tout. Nous nous portons mieux parce que nous en avons économisé l'argent. »

Alors que l'Europe progressait avec le CERN et le LHC, le projet avait été sur le point d'être interrompu à plusieurs reprises. Devant la déchéance du SSC, les politiciens européens ont vu dans le LHC un moyen de rivaliser avec les États-Unis sur le terrain de la science fondamentale. Au-delà de ça, le collisionneur lui-même est une preuve du caractère international de la recherche scientifique et de son incompatibilité avec le système dépassé des États-nations.

Aucune nation n'aurait été capable de réaliser seule un projet scientifique aussi ambitieux. De plus, les données obtenues sur les collisions de particules vont nécessiter la collaboration étroite de scientifiques d'une centaine de pays différents, dont les États-Unis. Ce genre de collaboration a été le point commun, et en fait une condition nécessaire, à toutes les avancées scientifiques des dernières décennies.

Le sort du SSC illustre les contraintes qui pèsent sur les progrès scientifiques à venir du fait d'un système social qui subordonne tout au profit privé, aux considérations géopolitiques et à l'accumulation de richesses personnelles.

À ce propos, cela vaut la peine de se remémorer les difficultés auxquelles devait faire face la physique des particules à une période antérieure, durant les premières décennies du vingtième siècle. À cette époque, les physiciens connurent une immense croissance de leur compréhension du monde subatomique. Avant l'éclatement de la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses découvertes eurent lieu grâce à une collaboration internationale soutenue. Beaucoup de ces mêmes chercheurs se trouvèrent dans des camps opposés durant la guerre, leurs gouvernements capitalistes respectifs étant en compétition pour produire la bombe atomique.

Ce changement complet et catastrophique dans le rôle de la recherche scientifique n'était pas accidentel. Ces mêmes évolutions techniques et industrielles qui avaient contribué à d'énormes progrès scientifiques et à l'intégration internationale étaient également en train de pousser les différentes puissances capitalistes, s'appuyant sur le système des États-nations, en conflit les unes avec les autres.

Au moment où l'on se penche sur les réussites du CERN dans le monde entier au milieu de la montée de la crise géopolitique et économique, de tels précédents semblent prophétiques. Alors que la science a beaucoup avancé, l'organisation sociale de l'humanité est toujours terriblement à la traîne.

L'auteur recommande les liens suivants à ceux qui souhaitent en apprendre plus sur le CERN et le LHC.

Vidéo sur l'histoire du CERN [en anglais]

Brève revue du Boson de Higgs, du Modèle standard et d'autres théories

Images du CERN et du LHC

Brochure sur le LHC


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