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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Espoirs et illusions en Europe suite à la victoire d’Obama

Par Ulrich Rippert
7 novembre 2008

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Jamais l’élection d’un président américain n’aura été suivie aussi attentivement  et avec autant d’excitation de ce côté-ci de l’Atlantique que celle opposant Barack Obama et John McCain. Les deux principaux réseaux télé publics de l’Allemagne, ARD et ZDF, ont établi des studios à Washington et ont commenté sans interruption, du jour de l’élection jusqu’à tôt mercredi matin.

Des dizaines de journalistes ont interviewé en direct des électeurs qui attendaient en ligne aux bureaux de scrutin américains. De nombreux animateurs et reporters n’ont pas caché leur appui pour Obama. Parmi les invités du studio ARD à New York se trouvait le ministre allemand de l’Intérieur Otto Schily, du Parti social-démocrate (SPD), qui arborait fièrement son badge électoral Obama devant les caméras.

Le président allemand Horst Köhler (Union chrétienne-démocrate, CDU) a envoyé un télégramme de félicitations à Obama le soir de sa victoire, soulignant les liens étroits entre l’Allemagne et les Etats-Unis. En s’attaquant aux problèmes auxquels il sera confronté, Köhler a écrit qu’Obama pourrait compter sur l’Allemagne en tant que « partenaire fiable et ami de longue date ». Le président fédéral a indiqué que cela représentait une nouvelle initiative pour des « politiques mondiales en coopération ».

Des célébrations électorales en Allemagne furent organisées dans des restaurants, des hôtels et des établissements culturels de nombreuses villes. On pouvait lire sur l’invitation d’un tel rassemblement à Hambourg : « La fête commence à 22h00 et se poursuit jusqu’à la victoire d’Obama. »

Commentant cet événement, Der Spiegel écrit : « Au bar, des expressions d’enthousiasme côtoyaient d’autres d’amertume — de nombreux invités sont plongés dans de calmes discussions, plutôt qu’occupés à fêter sans arrêt — certains visages ont une grave expression. Le pays du fier et du courageux a honte de lui-même. “Dans quel pays vivons-nous où plus de 40 millions d’Américains ne peuvent se payer une assurance-santé décente ?” demande Sarah de New York. Le sourire de l’étudiante aux cheveux blonds qui avait auparavant accueilli les visiteurs disparaît : “Aujourd’hui, nous sommes connus à travers le monde comme des guerriers, des pollueurs; en bout de ligne nous sommes la risée du monde”, rouspète la jeune femme de 22 ans. Deux guerres ont été déclenchées à cause des Américains, l’instabilité du monde causée par une seule nation… »

« L’Amérique est libérée d’un fardeau » constituait le message provenant du chef du service étranger de la Süddeutsche Zeitung. Mais, un tel enthousiasme n’était pas limité qu’aux Etats-Unis.

On pouvait entendre un soupir de soulagement à travers toute l’Europe, nota Die Zeit, ajoutant : « Peut-être que c’est seulement le soulagement que le choc des années Bush est terminé. » Le journal, qui est proche du SPD, déclare qu’il n’y a jamais eu de président américain qui a fait autant de dommage à la réputation et à l’image des Etats-Unis que l’administration Bush.

Die Zeit continua : « Jamais l’Amérique n’a perdu autant de pouvoir pendant la période de deux mandats. Une guerre d’agression, Abou Ghraïb, Guantanamo, une halte au désarmement, un blocus à l’amélioration de l’environnement, un déficit record, la Nouvelle-Orléans, des scandales de corruption, une crise économique — qui peut en vouloir aux Américains de souhaiter du changement ? »

La chronique note que les électeurs ne pensaient pas que Bush était en mesure de faire passer les réformes dont le pays avait besoin : « Barack Obama fut capable de tourner l’élection en un référendum sur les politiques de George Bush. Maintes fois, McCain a répété que ce n’était pas Bush qui était le candidat présidentiel. Mais, cela n’a pas aidé : Obama fut en mesure de présenter la candidature de McCain comme le sinistre présage d’un troisième mandat de Bush à la Maison-Blanche. »

En France, l’enthousiasme n’était pas seulement limité aux Américains vivant là-bas. Selon le Spiegel Online, la victoire d’Obama a mené à de « véritables éclatements d’enthousiasme » dans le Quartier latin à Paris, où plusieurs étudiants demeurent. Les journaux français rivalisait dans l’exubérance de superlatifs. Libération a décrit l’élection comme une « décision idéologique » pour une « autre Amérique » ; Le Monde a louangé la « grande victoire » et Le Figaro a célébré une « élection historique. »

Le président Nicolas Sarkozy a louangé le « brillant succès » d’Obama et a envoyé ses félicitations « au nom de tous les Français ». Sarkozy a déclaré que, durant sa propre campagne électorale, il avait rencontré Obama aux Etats-Unis en 2006 et a ajouté : « Je n’ai jamais cru au succès d’Hillary Clinton. »

En plus du soulagement évident de la fin de l’ère Bush, plusieurs commentateurs des médias se sont illustrés par les grandes illusions qu’ils entretenaient envers l’administration Obama. Sous le titre « La résurrection du rêve américain », le Spiegel Online a écrit :

« Obama est l’offre de réconciliation des Etats-Unis après toutes ces années de provocations politiques préméditées, d’actions militaires hors du droit international, d’affirmations par les Etats-Unis du droit aux frappes militaires préventives. La doctrine Bush a été jetée au rebut hier soir. La position unilatéraliste de la superpuissance de l’Occident est probablement chose du passé maintenant. »

Il ne faudra pas longtemps avant que de tels espoirs et illusions se brisent sur les écueils de la réalité. Dans le discours qu’il a donné à Berlin l’été dernier, Obama avait déjà clarifié qu’il espérait que les Européens soignent leurs « inhibitions pacifistes » et se préparent à intervenir de façon beaucoup plus vigoureuse aux côtés des Etats-Unis en Afghanistan et dans d’autres guerres.

La réaction en bourse aux résultats électoraux de mardi fut pour le moins mitigée. Le principal indice boursier allemand, le DAX, a ouvert mercredi clairement en baisse pour reprendre une partie du terrain perdu au cours de la journée. Le Frankfurter Allgemeine Zeitung a cité un courtier en bourse qui soulignait le manque d’expertise économique d’Obama : « La crise financière n’est pas réglée du simple fait de cette victoire électorale. »

Le premier ministre britannique Gordon Brown a fait preuve d’enthousiasme dans son message de félicitations à Obama : « Je connais Barack Obama et nous partageons plusieurs valeurs », a-t-il écrit dans son courriel. « Nous avons tous les deux la détermination de montrer qu’un gouvernement peut agir pour aider la population de façon juste dans ces temps difficiles pour l’économie mondiale. »

De l’autre côté de la Chambre des communes, le chef de l’opposition conservatrice David Cameron s’est enthousiasmé : « Les Etats-Unis ont fait l’histoire et prouvé au monde que c’est une nation qui veut le changement. Dans ces temps difficiles, les gens de partout exigent du changement. Barack Obama est le premier d’une nouvelle génération de dirigeants qui vont le lui donner. »

L’élite politique de la Grande-Bretagne est heureuse des résultats pour deux grandes raisons.

La première est l’espoir de tous côtés qu’Obama aidera à rétablir la réputation malmenée des Etats-Unis sur le plan international, une question centrale pour un pays qui dépend autant de son alliance avec Washington. Cameron a insisté sur ce point lorsqu’il a déclaré que « La victoire de Barack Obama donnera à la population l’occasion de regarder de nouveau du côté des Etats-Unis et d’y voir ce que je crois qu’ils sont vraiment : une terre d’opportunités, de liberté et de démocratie. »

La deuxième est l’espoir qu’Obama pourrait extirper la Grande-Bretagne de sa débâcle en Irak, le prix payé pour la « relation privilégiée » entre les deux pays, et qu’il fasse plutôt de l’Afghanistan, pays dans lequel la Grande-Bretagne est très impliqué, le centre de l’action militaire américaine.

En s’associant avec l’homme qui est, lui, associé au « changement », la direction du Parti travailliste désire faire oublier l’image qui plombe le gouvernement Brown d’être un allié de la grande entreprise et des néoconservateurs. « La relation entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne est vitale à notre prospérité et notre sécurité », a insisté Brown. « Barack Obama a mené une campagne inspirante, insufflant une énergie à la politique avec ses valeurs progressistes et sa vision de l’avenir. »

Il y a une différence importante entre l’enthousiasme dont ont fait preuve de larges couches de la population suite à la victoire d’Obama et les réactions des gouvernements européens. Pour de nombreuses personnes, le changement à la Maison-Blanche est vu comme la fin d’un gouvernement qu’ils détestaient et qui a choqué et mis en colère le monde avec son arrogance et ses agressions militaires. L’élite dirigeante en Europe, toutefois, a d’autres objectifs.

Ils espèrent qu’une collaboration plus étroite avec la nouvelle administration américaine contribuera à justifier une intervention européenne en Afghanistan et un possible assaut militaire contre l’Iran, tout en contrecarrant au même moment la large opposition au militarisme au sein de la population européenne.

(Article original anglais paru le 6 novembre 2008)


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