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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Sarkozy veut la nationalisation partielle des « entreprises stratégiques »

Par Peter Schwarz
4 novembre 2008

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Nicolas Sarkozy veut protéger les « entreprises stratégiques » françaises contre des offres publiques d’achat (OPA) étrangères. Le président français avait annoncé son projet jeudi à Annecy (Haute-Savoie) lors d’un discours devant des chefs d’entreprise.

A cette fin, il projette la création d’un « fonds public d’intervention » de 175 milliards d’euros d’investissements directs avec lesquels l’Etat pourrait acquérir les parts des entreprises menacées d’OPA, autrement dit, elles seraient partiellement nationalisées. Par la suite, ces parts d’entreprises seraient à nouveau remises en vente.

Sarkozy veut avant tout éviter que de riches fonds chinois ou des pays du Golfe n’exploitent les fortes chutes des cours sur les bourses européennes en rachetant les principaux groupes. Il a dit que le fonds public d’intervention pourra « intervenir massivement chaque fois qu’une entreprise stratégique aura besoin de fonds propres. » Il a précisé qu’il ne fallait pas permettre l’acquisition de grandes entreprises françaises par des intérêts étrangers simplement parce que nous avons manqué « d’apporter une réponse industrielle » à la crise financière.

Le secrétaire d’Etat à l’Emploi, Laurent Wauquiez, a déclaré qu’EADS, le groupe français d’aérospatiale et d’armement (qui comprend Airbus), le fabricant de pneus Michelin et le groupe nucléaire Areva se trouvaient parmi les firmes susceptibles de faire l’objet d’une OPA.

Deux jours plus tôt, devant le Parlement européen, Sarkozy avait fait une proposition similaire pour un fonds européen, mais l’Allemagne s’y était fortement opposée. Son initiative pour un fonds d’investissement français a également été farouchement critiquée par l’Allemagne.

Le gouvernement allemand a fait savoir qu’il était « très sceptique » face à la tentative de Sarkozy de « jouer cavalier seul ». Le ministre allemand de l’Economie, Michael Glos (Union chrétienne-démocrate, CDU) a dit que les projets de Sarkozy contredisaient « tous les principes d’une politique économique couronnées de succès. »

Le secrétaire du groupe parlementaire CDU-CSU au Bundestag a mis en garde contre le protectionnisme. « L’Europe est un espace économique qui est résolument contre le protectionnisme, » a-t-il dit au quotidien FAZ. Il a réclamé que la France « surmonte les différences traditionnelles dans le domaine de la politique économique et ne les cultive pas au quotidien. »

Des réactions plus négatives encore contre l’initiative de Sarkozy ont été exprimées par la presse économique qui y voit une attaque directe contre le principe de libre marché.

La France n’a pas connu autant de dirigisme « depuis les premiers temps de l’ère mitterrandienne [président François Mitterrand], il y a 30 ans », a critiqué Welt Online dans un article intitulé « Dompter Nicolas Sarkozy ! » « Si chaque gouvernement essayait de renforcer sa propre économie aux dépens des autres, soit par une dévaluation monétaire, soit par des restrictions commerciales ou des interventions à la Sarkozy : le genre de conséquences funestes qui s’ensuivront ont été révélées suffisamment clairement dans le cours de l’histoire après 1929. »

Le journal économique Financial Times Deutschland a affirmé que Sarkozy a « trouvé son sujet et qu’il avance à présent avec persistance même à l’encontre de la résistance d’importants partenaires tels l’Allemagne : un revirement fondamental, et fondamentalement faux, de la politique économique européenne. » Le journal a instamment pressé le gouvernement allemand de s’opposer à Sarkozy : « Il ne peut pas y avoir de compromis de la part de l’Allemagne quant à cette tentative du président de jeter par-dessus bord le modèle économique européen. »

Le magazine allemand Wirtschaftswoche a placé la proposition de Sarkozy dans la « tradition du légendaire ministre des Finances de l’époque de Louis XIV, Jean-Baptiste Colbert, dont la théorie de base, "l’Etat doit tout contrôler et avant tout l’économie et les finances" a été depuis la prière secrète de presque tous les politiciens français. » L’Europe devant être protégée contre le capital étranger par le protectionnisme, et ce, dans une crise financière où le semi-continent Europe ne peut se permettre de renoncer au moindre investisseur financier.

Le Wirtschaftswoche poursuit : « L’intention française de fournir en temps de crise des avantages à ses propres entreprises et banques est tellement évidente que même les Européens les plus stupides n’iraient pas à l’abattoir parisien de Bruxelles. Les Britanniques y veilleront déjà en s’opposant de toutes leurs forces aux sinistres agissements nationalistes des Français. »

Une autre proposition faite par Sarkozy à Annecy a été refusée par l’Allemagne : la création d’un « gouvernement économique européen ». Selon Sarkozy, un tel organisme devrait émerger des « pays du groupe euro au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement ». L’Europe a besoin d’une politique commerciale, industrielle et économique. Désormais, « la politique jouera un plus grand rôle parce que l’idéologie de la dictature des marchés et de l’impuissance de l’Etat est morte avec la crise financière », a déclaré Sarkozy.

Il faut remarquer que la critique allemande n’était pas dirigée contre le fait que la proposition de Sarkozy signifie que la moitié des membres de l’UE qui ne font pas partie de l’Eurogroupe seraient exclus du processus de prises de décisions importantes. D’ailleurs les décisions importantes concernant la politique financière prises ces dernières semaines l’avaient été par un cercle restreint d’Etats. Au lieu de cela, l’initiative de Sarkozy est critiquée pour être une tentative de supprimer l’indépendance de la Banque centrale européenne, car étant « une tentative de subordonner la BCE à la primauté de la politique » (Financial Times Deutschland) et de lui arracher ses « dents d’organisme indépendant » (Wirtschaftswoche).

Cependant, les propositions de Sarkozy ont trouvé un soutien dans le camp politique de la « gauche ».

Le dirigeant du groupe des sociaux-démocrates du Parlement européen, Martin Schulz, a déclaré qu’il n’avait « pas d’objection ». « S’il est possible de mettre en place une organisation parapluie pour les banques, alors il devrait aussi être possible d’en faire de même pour les autres entreprises », a dit Schulz. Il a comparé l’initiative du président français à la « Stamokap [capitalisme monopoliste d’Etat], une théorie des Jeunes Socialistes [Parti social-démocrate, SDP] dans les années 1970 » et fait l’éloge de Sarkozy dont il a dit qu’il parlait « comme un véritable socialiste européen ». Sarkozy a répondu à Schulz : « Suis-je devenu socialiste ? Peut-être. Mais convenez que vous, vous ne parlez pas comme un socialiste français. »

Le président du Parti La Gauche, Oskar Lafontaine, a également loué l’initiative de Sarkozy. Dans une interview accordée au quotidien FAZ, il l’a qualifiée d’un « pas dans la bonne direction ». Selon Lafontaine, un gouvernement économique européen est « attendu de longue date ». « C’est tout simplement une question de logique qu’une politique monétaire européenne soit enfin accompagnée par une politique financière et économique européenne. »

En réalité, l’initiative de Sarkozy n’a rien en commun avec une politique de gauche ou socialiste. Son objectif est l’introduction de mesures protectionnistes afin de sauvegarder les entreprises françaises les plus puissantes et avec lesquelles Sarkozy entretient des relations des plus étroites.

De telles mesures nationalistes sont dirigées contre les intérêts de la classe ouvrière. Elles ne servent qu’à exacerber les tensions entre pays capitalistes rivaux et montent les travailleurs d’un pays contre l’autre en ayant pour dernière conséquence la guerre commerciale et la guerre tout court.

La proposition de Sarkozy montre clairement qu’il n’est pas un idéologue intégriste de l’économie de libre marché. Mais ceci ne fait pas nécessairement de lui un socialiste. En qualité de ministre de l’Economie et des Finances, Sarkozy était déjà intervenu à de nombreuses reprises pour protéger les entreprises françaises contre des OPA étrangères. En 2004, au grand dam du gouvernement allemand, il avait investi des milliards de fonds publics pour empêcher le rachat partiel du géant français de l’énergie Alstom par le groupe allemand Siemens.

Cette forme de nationalisme économique n’est pas inhabituelle pour les gouvernements conservateurs. Un tel protectionnisme jouit d’une longue tradition, et pas seulement en France. Même des dirigeants fascistes, tels Hitler et Mussolini, avaient placé une partie de l’économie sous contrôle de l’Etat. Ce qui ne changea en rien le caractère réactionnaire du capitalisme. Au contraire, la concentration des ressources économiques entre les mains de l’Etat servit à converger l’ensemble de l’énergie nationale vers la destruction économique et militaire de leurs rivaux.

La réaction positive de Schulz et de Lafontaine au nationalisme économique de Sarkozy devrait servir d’avertissement. La social-démocratie et La Gauche sont tout à fait disposées à rejoindre le camp conservateur dès qu’il s’agira de défendre les « intérêts nationaux » contre des rivaux capitalistes.

Dans le même temps, la défense du libre-échange qui a prouvé sa faillite totale par la crise actuelle n’est pas la réponse au nationalisme économique de Sarkozy. Ce n’est que le revers de la médaille. Une alternative socialiste authentique est nécessaire.

Ceci implique non seulement le placement sous contrôle de l’Etat des grandes entreprises et des institutions financières, mais également leur subordination au contrôle démocratique pour être au service de la société dans son ensemble. Au lieu de dépenser des milliards à renflouer les banques, des milliards doivent être investis dans des programmes d’embauche et de travaux d’utilité publique. Pas le moindre centime ne devrait être payé à l’oligarchie financière qui a engrangé de vastes sommes d’argent en transactions spéculatives et qui est responsable de la crise actuelle.

Une telle politique requiert une stratégie internationale qui unit les travailleurs de tous les pays et de tous les continents dans une lutte commune contre le capitalisme.

(Article original paru le 29 octobre 2008)


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