Les places boursières mondiales se sont effondrées vendredi
après avoir connu une semaine durant laquelle les valeurs boursières ont enregistré
leur plus grosse dégringolade depuis 1929. La menace imminente d’une dépression
mondiale a fourni la toile de fond à une réunion des ministres des Finances du
G7 des pays les plus industrialisés qui se sont retrouvés à Washington pour des
entretiens d’urgence avec le secrétaire américain au Trésor Henry Paulson et le
président de la Réserve fédérale américaine (Fed, banque centrale) Ben
Bernanke.
Après une journée de ventes paniques sur les marchés de par l’Asie,
l’Europe et jusqu’en l’Amérique latine, et de fluctuations incontrôlées sur les
marchés boursiers américains, le G7 a publié un communiqué promettant de mettre
les ressources de leur pays respectif à la disposition des plus puissantes banques,
mais sans définir quelles en seront les actions spécifiques coordonnées pour endiguer
la progression vers un désastre économique.
Après la réunion, Paulson a publié un communiqué et a tenu une
conférence de presse. Il a annoncé que le gouvernement américain ferait usage
de son autorité quasi illimitée, reçue par le biais du plan de sauvetage de 700
milliards de dollars pour Wall Street, adopté la semaine précédente par le Congrès
à majorité démocrate, afin de démarrer immédiatement le rachat des actifs des
banques et des institutions financières, soit un accroissement du transfert, par
le gouvernement, de l’argent des contribuables vers les sections les plus
puissantes de l’aristocratie financière.
Les principales places boursières d’Asie et d’Europe ont
enregistré vendredi des pertes encore plus grandes que celles causées par la chute
de jeudi de 7,3 pour cent du Dow Jones Industrial Average (DJIA) de Wall Street.
Au Japon, l’indice Nikkei a plongé de 9,6 pour cent à son niveau le plus bas
depuis cinq ans. Depuis le début de la semaine, il a perdu 24 pour cent de sa
valeur. Les actions de Toyota ont dégringolé de 6,2 pour cent et une grosse
compagnie d’assurances vient de se déclarer en faillite.
Le Hang Seng Index de Hong Kong est tombé de 7,2 pour cent.
L’indice australien S&P ASX 200 a plongé de 8,3 pour cent et l’indice All
Ordinaries a reculé de 8,2 pour cent. L’indice Shanghai Composite s’est replié
de 3,6 pour cent, soit un recul de 12,8 pour cent par rapport à la semaine
précédente. La bourse indonésienne qui avait suspendu les transactions en début
de semaine en raison de ventes paniques a renoncé à rouvrir.
En Europe, l’indice pan-européen Dow Jones Stoxx 600 a plongé
de 7,5 pour cent, soit la pire perte de son histoire en une seule journée.
A Londres, le FTSE a terminé vendredi en baisse de 8,9 pour
cent. Depuis son niveau record en juin 2007, il a chuté de 43 pour cent.
Vendredi a marqué la cinquième journée consécutive de baisse de l’indice
britannique durant laquelle il a cédé 20 pour cent de sa valeur.
L’indice CAC-40 français a dégringolé de 6,8 pour cent et le
DAX allemand a plongé de 7 pour cent. Les opérations de bourse en Italie, en
Russie et en Autriche ont été suspendues. La dernière grande banque d’Islande
s’est effondrée et a été rachetée par l’Etat, et les cotations sont restées
suspendues.
De par l’Amérique latine les marchés sont à la baisse. La
banque centrale mexicaine a été contrainte de mettre aux enchères 6,4 milliards
de dollars d’options de vente de devises étrangères pour soutenir le peso.
L’indice MSCI World, indice de référence en termes d’indice
mondial, a baissé cette semaine de 19 pour cent, sa pire performance depuis la
création des archives en 1970.
Le signe que la crise financière est à présent en train de
plonger l’économie mondiale dans une récession majeure est le fait qu’aux côtés
des valeurs boursières, les valeurs pétrolières, les valeurs des métaux et
d’autres valeurs premières ont fortement chuté.
« Ce à quoi nous assistons est une vente massive à
l’échelle mondiale en raison à la fois de la panique et de la crainte liées à
une incertitude sur l’avenir des principales économies mondiales, » a dit
Martin Slaney, responsable des produits dérivés chez GTF.
Aux Etats-Unis, la plupart des valeurs ont terminé en baisse
après les plus amples fluctuations durant les opérations d’achat/vente
réalisées tout au long de la journée. Pour la première fois en 112 ans
d’existence, l’indice Dow Jones Industrial Average a fluctué au-dessus des 1000
points.
Le Dow Jones est tombé de 696 points dans les 15 premières
minutes après l’ouverture, en chutant sous la barre des 8000 points. Plus tard
dans la journée, il reprenait 320 points pour terminer la séance en baisse de
128 points, soit 1,5 pour cent, à 8451.
Ceci a marqué huit séances d’affilée de pertes de l’indice qui
a cédé plus de 1870 points ou 18,2 pour cent dans le courant de la semaine. Les
pertes hebdomadaires ont excédé les pertes de la semaine s’achevant le 22
juillet 1933, au plus fort de la Grande Dépression qui avait enregistré une
chute de 17 pour cent, à un moment où l’on comptait six jours ouvrables par
semaine.
Depuis son niveau record il y an an, le Dow Jones a perdu 40,3
pour cent, détruisant 8,4 billionsde valeurs boursières.
L’indice Standard & Poor’s 500 (S&P 500) a reculé de
10,7 points, passant sous la barre de 900 à 899. Le SP 500 a baissé de 42,5
pour cent par rapport à son plus haut niveau en 2007. Le Nasdaq Composite Index
a terminé la journée avec un léger gain de 4,4 points mais avec une baisse de
15 pour cent durant la semaine.
C’était la pire semaine de l’histoire de Wall Street avec à la
fois le Dow et le S&P 500 enregistrant leurs plus grosses pertes
hebdomadaires en termes de points et de pourcentage.
La plupart des valeurs financières avaient connu une hausse
dans l’attente du G7 et de l’annonce de mesures de renflouement par Paulson. Toutefois,
Morgan Stanley qui est largement considérée comme la prochaine banque à faire
faillite a chuté de 22 pour cent et Goldman Sachs a perdu 12 pour cent.
L’action Ford a une fois de plus chuté de 4,33 pour cent et
ExxonMobil a reculé de 8,29 pour cent.
La bourse de Toronto a terminé en baisse de 535 points.
« Il y a une spirale baissière de la crainte », estime
Richard Sparks, analyste du marché d’actions chez Schaeffer’s Investment Research.
Le resserrement des marchés de crédit ne présente aucun signe
de levée. Les banques thésaurisent leurs avoirs liquides et refusent de prêter
à d’autres banques ou prennent des taux usuriers parce qu’elles n’ont pas
confiance dans la solvabilité des autres banques.
Le taux Libor [London interbank offered rate, ‘taux
interbancaire offert à Londres’] trois 3 mois, un taux de référence clé pour
les prêts interbancaires en dollars a grimpé à 4,82 pour cent, le plus haut niveau
depuis près de dix mois. Le refuge des capitaux vers la dette gouvernementale
américaine réputée être un abri sûr s’est accru en ayant pour conséquence de
rendre quasiment nul les rendements des bons du Trésor à un mois et à trois
mois.
Les hedge funds dont les profits hors norme d’antan ont tourné
en pertes sont en train de contribuer à la vente panique d’actifs. Pour nombre
de ces entreprises qui se débarrassent de leurs actions, les clients réclament
le rachat et les créanciers bancaires exigent davantage de caution pour prêts
et des marges plus importantes sur leurs emprunts dans le but de se procurer du
liquide.
Au milieu du bouleversement qui règne sur le marché, la
réalité de la décrépitude du capitalisme américain a été résumée par le fait
que la compagnie General Motors s’est vue obligée d’annoncer qu’elle
n’envisageait pas de dépôt de bilan. Après des décennies de fermetures d’usine,
de réductions des salaires et d’attaques contre les prestations sociales et les
retraites des travailleurs de l’industrie automobile, le tout justifié par l’affirmation
que tout cela était indispensable pour restaurer le rendement du plus grand
fabricant automobile américain et pour améliorer sa position concurrentielle,
cette icône d’antan du capitalisme américain est au bord de l’effondrement.
L’annonce de GM souligne le nouveau stade atteint par la crise
économique et qui a de loin dépassé la situation qui existait il y a trois
semaines encore, quand le gouvernement Bush avait annoncé le plan de sauvetage
des banques et en insistant que c’était le seul moyen d’éviter un effondrement
du marché et une récession grave. Cette prétendue panacée, visant à couvrir les
pertes des plus grandes banques et à faciliter une plus grande consolidation du
pouvoir financier entre leurs mains, n’a rien fait pour enrayer la crise. Et
pour cause, vu qu’elle ne s’attaquait pas à la décrépitude qui sous-tend le
fondement industriel du capitalisme américain.
A présent, la crise engloutit rapidement l’économie en général
avec l’annonce d’une vague de fermetures d’usines et de réductions dans tous
les secteurs de la vie économique.
Le Wall Street Journal a rapporté vendredi que le
consensus des économistes interrogés était que le produit intérieur brut des
Etats-Unis se contracterait aux troisième et quatrième trimestres de cette
année ainsi qu’au premier trimestre de 2009. « C’est la première fois que les
prévisions d’une enquête réalisée sur ces périodes sont négatives », a
écrit le journal. « Si ces prévisions s’avéraient correctes, cela signifierait
que le PIB américain connaîtrait pour la première fois trois trimestres consécutifs
de croissance négative en l’espace de plus de cinquante ans. »
Le président Bush a fait une apparition à la Maison-Blanche
vendredi matin en vue d’une tentative de revigorer la confiance dans les
marchés financiers. Mis à part le fait de préciser que son gouvernement avait
décidé de démarrer le rachat des actifs afin d’injecter davantage de capital
dans les banques américaines, il n’avait rien de plus à ajouter à ses précédents
commentaires sur la crise.
Il a déclaré que le « gouvernement fédéral a une
stratégie globale » pour résoudre la crise, sans expliquer le lamentable
échec de sa précédente « stratégie », le plan de sauvetage de 700
milliards de dollars, pour endiguer la panique financière.
Bush symbolise le désarroi qui règne non seulement dans les
marchés financiers, mais aussi au plus haut niveau du gouvernement. Au moment
même où il tenait son discours, le Dow commençait sa chute pour perdre plus de
300 points à la fin de son discours.
Pour résumer l’attitude révélatrice vis-à-vis de Bush et des
autres dirigeants politiques, Howard Silverblatt, analyste haut placé chez
Standard &Poor’s, a dit, « Les gens sont effrayés. Personne ne croit
ce que disent les politiciens ou les présidents des groupes. »
Les preuves s’accumulent que des mesures encore plus coûteuses
pour soutenir les banques sont envisagées y compris une garantie du
gouvernement à hauteur de centaines de milliards sur les dettes des banques et
les prêts interbancaires ainsi qu’une assurance gouvernementale pour tous les
dépôts bancaires.
Toutes les propositions pour venir à bout de la pire crise économique
depuis la Grande Dépression, émanant soit du gouvernement Bush et des démocrates
et des républicains aux Etats-Unis ou des gouvernements d’Europe et d’Asie, ont
une chose en commun : elles découlent toutes de la nécessité de maintenir
et de défendre les intérêts de l’aristocratie financière.
Aucune de ces mesures ne confronte le tsunami social qui est
sur le point d’engloutir la classe ouvrière.
Pour ce qui est des multimillionnaires et des milliardaires
qui monopolisent l’économie et qui dominent le gouvernement américain, ils resteront
aussi impitoyablement préoccupés que jamais par leur enrichissement personnel. Comme
le signalait le New York Times vendredi, il y a un point de friction
dans le plan gouvernemental de rachat d’actifs bancaires avec l’argent des
contribuables à savoir l’existence de dispositions symboliques dans la loi sur
le sauvetage et qui imposent certaines restrictions aux rémunérations des grands
patrons. Le Times a écrit : « Ce n’est pas clair, les
responsables gouvernementaux ont dit que les plus grosses banques américaines seraient
d’accord en raison surtout du plafonnement des salaires des grands
patrons. »
En raison des événements de vendredi, qui furent le point
culminant de deux semaines de crise financière grandissante et d’une série de
mesures gouvernementales pour renflouer leurs systèmes bancaires avec l’argent
du contribuable, la population laborieuse du monde sera confrontée à une
perspective de chômage, de pauvreté et de misère sociale en rapide expansion.
Ces événements soulèvent urgemment le besoin d’une stratégie socialiste
internationale coordonnée pour la défense des intérêts de la population du
monde contre les élites financières qui sont responsables de la catastrophe qui
se déroule sous nos yeux et qui cherchent à imposer le fardeau de la crise à la
classe ouvrière.