wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : Entretien avec un travailleur d’Airbus

« Les travailleurs de Boeing et d’Airbus ont le même ennemi. Il faut lutter ensemble contre cet ennemi. »

Par Antoine Lerougetel
24 octobre 2008

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Plus de 27 000 employés de l’avionneur américain Boeing de Washington, de l’Oregon et du Kansas sont en grève depuis le 6 septembre cherchant à faire cesser l’externalisation de leurs emplois, empêcher l’augmentation des coûts de santé et améliorer leurs fonds de pension et salaires. Le principal concurrent de l’entreprise sur le marché mondial des grands avions est la compagnie européenne Airbus, basée principalement en France et en Allemagne.

Le syndicat des travailleurs de Boeing, l’IAM (International Association of Machinists) fait pression sur l’entreprise pour qu’elle abandonne les concessions que le syndicat avait acceptées dans le contrat de 2002 et qui permettent à Boeing d’avoir recours à des vendeurs extérieurs, au lieu de travailleurs syndiqués, pour livrer directement les pièces détachées à la chaîne de montage.

Mais l’IAM ne cherche pas à supprimer la possibilité pour Boeing d’avoir recours à des vendeurs extérieurs, mais cherche seulement à étendre le droit du syndicat de rivaliser avec eux pour ces emplois. La bureaucratie syndicale cherche à conserver ses privilèges en travaillant avec les cadres de l’entreprise pour faire baisser les salaires et miner les conditions de travail, ce qui permettra aux syndiqués de l’IAM d’être « en compétition » avec les sous-traitants.

Le WSWS a interviewé Claude Néau, 52 ans qui travaille à l’usine Airbus de Nantes, dans l’ouest de la France, depuis 9 ans. Membre du syndicat CGT (Confédération générale du travail, proche du Parti communiste, et qui représente sur le site les travailleurs des ateliers) il est ajusteur, monteur de cellules d’avions.

Claude Néau : J'ai participé pendant deux semaines à la grève du printemps 2007, à Airbus Nantes. Lorsque le PDG a démissionné pour incompétence, à cause du retard de l'A380 et de l'A350, avec une prime de départ et des stocks options de 8,4 millions d'euros, en même temps la direction nous annonçait que nous aurions moins de 3 € de prime de participation aux bénéfices, alors qu'elle était, l'année précédente, de 3000 €.

Les départs en retraites ne sont plus remplacés par des nouvelles embauches, ils licencient pour le moindre prétexte, la moindre petite faute. Les cadences de production augmentent sans embauche, de plus en plus de travail part en sous-traitance vers des entreprises extérieures. La situation est tendue dans les ateliers à cause du plan « Power8 ». Mais les syndicats arrivent à contenir la colère des ouvriers par des mensonges des patrons et des appels à rester calme.

WSWS : Que sais-tu de la rivalité entre Airbus et Boeing ?

CN : C'est à qui sera le numéro 1 mondial. Boeing à envoyé sa fabrication dans les pays à bas coût, Airbus emboîte le pas en faisant plus, il installe une FAL (Final Assembly Line- chaîne de montage finale) en Chine (ce que n'a pas encore fait Boeing), et oblige les sous-traitants à suivre la même procédure, le même plan de restructuration.

WSWS : Les ouvriers de Boeing sont en grève parce que Boeing veut améliorer sa compétitivité en réduisant le niveau d’assurance maladie et autres avantages, en externalisant les emplois. Les travailleurs veulent annuler les concessions que le syndicat (IAM) de l’industrie aéronautique a cédées à Boeing, qui a engrangé 1,4 milliard de bénéfices l’année dernière. Le salaire des nouveaux embauchés peut ne pas dépasser 12,37 $ de l’heure.

CN : A Airbus c'est la même chose. Avec la complicité des syndicats, Airbus diminue nos salaires et nos conditions de travail se dégradent. Des responsables syndicaux qui sont à des postes clé (chef d'équipe, chef d'atelier) sont là pour harceler, punir, faire du chantage, discriminer les ouvriers qui ne suivent pas le syndicat principal (Force ouvrière, FO) tenu par les patrons d’Airbus. Les augmentations générales sont en dessous du coût de la vie. FO et deux syndicats plus petits, nous les appelons « l’entente », sont les serviteurs d'Airbus, ils signent toutes les négociations salariales en dessous du coût de la vie. Et ils ne défendent que les augmentations individuelles.

WSWS : Le président de B, Jim McNerny, a envoyé la semaine dernière un message aux travailleurs de B qui se termine ainsi : « Notre entreprise est plus forte quand nous tous – syndicats et non-syndiqués tous ensemble, travaillons pour nos clients et contre nos concurrents, j’espère que ces jours reviendront. » (Souligné dans l’original)

Il insiste pour dire que « la question de la compétitivité en ce qui concerne la grève est d’une « extrême importance ».

CN : C'est aussi l'argument premier de la part des patrons d'Airbus de dire que l'ennemi c'est Boeing. Ils sont pour la division entre les travailleurs de chaque pays. Les syndicats vont encore plus loin. Ils entretiennent la division au sein d'Airbus, entre les sites français et les sites des autres pays d'Europe. La CGT se vante de ne pas faire de nationalisme, de division contre les Allemands (dénoncés comme responsables des problèmes de retard de l'A380). Mais dès qu'il a été question d'envoyer la production des A320 en Allemagne ils ont su dire que les Allemands sont les plus avantagés.

WSWS : McNerny insiste sur le fait que « la grève commence à nuire à nos relations avec nos clients… Préserver notre compétitivité n’a jamais été aussi important. » Il fait une analyse détaillée de la compétition entre Eads/Airbus et Boeing faisant remarquer que « Eads/Airbus devient plus fort aussi. Il se restructure de façon remarquable et réduit les dépenses face à un dollar faible, et se transforme rapidement en un modèle de production mondiale à bas coût qui s’étend aussi à des marchés clés, dont les Etats-Unis. » McNerney fait remarquer que Eads/Airbus vient juste d’ouvrir une chaîne de montage en Chine et qu’il « étend sa présence en Afrique du Nord, au Mexique, en Inde et en Russie. » Il conclut, « Airbus va gagner un important avantage en matière de coût si nous ne réussissons pas à rivaliser avec eux, avec nos propres gains de productivité. »

CN: La compétitivité, c’est un argument avancé aussi par Airbus et les syndicats de « l'entente » lors de notre grève de 15 jours au printemps 2007. Il démontre que le système capitaliste, ce n'est que de la concurrence, une bataille perpétuelle d'une usine contre une autre, d'un pays contre un autre. « Votre grève nous fait perdre des clients qui vont chez Boeing » disent les dirigeants d'Airbus, ainsi que les syndicats.

WSWS : Dans son message McNerny dit que les entreprises automobiles américaines « se sont endommagées presque fatalement par le passé en promettant des niveaux de salaire et d’avantages qu’ils ne pouvaient maintenir, en acceptant des conditions contractuelles (y compris des garanties d’emploi) qui ont limité leur flexibilité pour gérer leurs entreprises dans un contexte de concurrence mondiale intense. Aujourd’hui leurs parts de marché ne cessent de chuter et ils licencient par milliers. »

CN : C'est ce que disent les patrons d'Airbus des travailleurs français. La main-d'oeuvre française et européenne coûte trop cher et enlève de la compétitivité face à Boeing.

Je pense que si des deux côtés ils utilisent les mêmes armes, les mêmes arguments, la descente aux enfers peut durer éternellement pour les travailleurs de chez Boeing et Airbus. Pendant ce temps, les bénéfices des capitalistes de chez Boeing et Airbus n'arrêtent pas de grossir en accéléré.

WSWS : Un travailleur de Boeing que le WSWS a interviewé a dit : « Les gens critiquent les travailleurs d’Airbus. Pourquoi ? Ils sont comme nous. Ils veulent nourrir leur famille – gagner leur vie décemment, les travailleurs d’Airbus et nous. » Quel est ton message aux travailleurs de Boeing en grève ? Quelle perspective devrait être celle des travailleurs d’Airbus et de Boeing ?

CN : Nous devrions nous battre pour que l'aéronautique et les autres industries, banques, agroalimentaires, etc., n'appartiennent pas à une poignée de capitalistes, mais qu’elles soient seulement créées pour les besoins de la planète.  Qu'il n'y ait pas de propriétaire, mais uniquement des salariés responsables d'un travail : pour la gestion, production, recherche, etc. Pas de mise en concurrence. Il est possible de subvenir aux besoins de la planète en ne travaillant que 25 heures par semaine, voire moins. Il faut avoir une transparence totale des comptes, de la gestion.

Aujourd'hui avec ce système les syndicats se font acheter et diriger par le patronat.

WSWS : Y a-t-il des partis politiques en France qui proposent une lutte pour la réorganisation socialiste de la société ? Que penses-tu de la LCR/NPA (Ligue communiste révolutionnaire qui est en train de fonder le Nouveau Parti anticapitaliste), et de LO (Lutte ouvrière) ?

CN : A ma connaissance les partis de gauche ne proposent que de combattre les injustices dans ce système et au niveau national. Mais dans la réalité ils ne font rien et accompagnent le système capitaliste et nationaliste.

WSWS : Quel avenir pour la classe ouvrière internationale ?

CN : Ce sera l'après capitalisme. Nous sommes obligés d'y venir et il n'y a pas d'autre alternative ! Il faut commencer par changer les mentalités des peuples, formatés au capitalisme et au nationalisme depuis des centaines d'années. Il faut détruire par une révolution mondiale ce système.


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés