La semaine dernière, le Guardian a
confirmé qu’Israël envisageait sérieusement une attaque militaire contre les
installations nucléaires iraniennes au printemps dernier. Le journal a rapporté
que lorsque le premier ministre israélien d’alors, Ehoud Olmert, avait soulevé
la question en mai dernier lors de la visite du président américain, George W
Bush, en Israël, Bush avait opposé son veto.
Le spécialiste du Guardian pour le Moyen-Orient,
Jonathan Steele, cite du personnel diplomatique de haut rang travaillant pour un
chef de gouvernement européen et qui a rencontré Olmert quelque temps après la
visite de Bush.
Selon les sources du Guardian, les
discussions étaient tellement sensibles qu’elles avaient dû être menées en
privé et en l’absence de secrétaires. Ces sources disent qu’Olmert « a
reçu (le refus du feu vert américain) comme étant la situation du moment et que
la position américaine ne changerait vraisemblablement pas tant que Bush serait
aux affaires ».
Il semble que le refus de Bush de cautionner
une attaque contre l’Iran se fonde sur plusieurs facteurs. Tout d’abord les
Etats-Unis craignaient qu’une telle attaque ne provoque une réplique de l’Iran,
ce qui signifierait certainement une vague d’attaques contre le personnel
militaire et civil en Irak, en Afghanistan et contre la flotte américaine basée
dans le Golfe persique. Le gouvernement irakien à dominante chiite mis en
place par les Etats-Unis, entretient des liens étroits avec Téhéran dont il
dépend largement.
Deuxièmement, il est peu probable qu’une
attaque aérienne israélienne, même avec des dizaines d’avions, réussisse à
anéantir les installations nucléaires iraniennes, qui sont largement dispersées
dans plusieurs lieux souterrains fortifiés qui sont dispersés de par le pays.
En plus, le chemin le plus court pour se
rendre à Natanz, l’usine iranienne d’enrichissement d’uranium, est à plus de
1000 kilomètres d’Israël et impliquerait le survol de l’espace aérien irakien,
contrôlé par les Américains. Il ne serait pas possible pour Israël de
déclencher une telle attaque sans l’accord explicite des Américains.
Ceci mettrait les Américains dans
l’impossibilité de démentir officiellement avoir eu connaissance de l’attaque.
L’Iran aurait toutes les raisons de déduire la participation de Bush à un tel
acte de guerre et cela conduirait l’Iran à riposter.
L’Iran a plusieurs fois déclaré que le pays se
défendrait contre toute attaque sur ses installations nucléaires (dont elle
continue à maintenir le caractère civil). Une attaque aérienne accélérerait le
déclenchement d’une guerre à grande échelle, sortant largement du cadre de
l’Iran et soulignant l’isolement croissant des Etats-Unis dans la région. Cela entraînerait
des attaques du Hezbollah contre Israël et même des attaques terroristes sur le
sol américain.
Un responsable a déclaré « Plus de dix
années se sont écoulées depuis la dernière attaque terroriste du Hezbollah en
dehors d’Israël, provoquant la mort de 85 personnes lors de l’attaque d’un
bâtiment de l’association Argentine-Israël ». Il a ajouté : « Il
y a une diaspora libanaise importante au Canada, au sein de laquelle il doit y
avoir des sympathisants du Hezbollah. Il pourrait s’introduire aux Etats-Unis
et y mener des actions. »
En niant que Bush ait refusé de donner son feu
vert à Israël pour attaquer l’Iran lors de toutes leurs rencontres, l’attaché
de presse d’Olmert n’a fait que confirmer ce que le Guardian avait
avancé.
Le porte-parole du Conseil national de sécurité
américain, Gordon Johndroe, a refusé de faire le moindre commentaire sur la
teneur d’une conversation privée entre Bush et Olmert et il a précisé : « La
position du président est qu’aucune option n’est à exclure, mais la diplomatie
demeure notre priorité. »
Même s’il apparaît que Bush a mis son veto en
privé aux intentions d’Israël d’attaquer l’Iran, il continue publiquement d’afficher
une attitude belliqueuse envers l’Iran et rien n’indique qu’au moins pour le
moment il ait exclu l’option militaire.
Le lendemain, dans son discours à la Knesset,
Bush a dit aux députés : « L’Amérique se tient à vos côtés pour
s’opposer fermement aux ambitions iraniennes d’acquérir l’arme nucléaire. Autoriser
les principaux promoteurs du terrorisme mondial à posséder les armes les plus meurtrières
au monde serait une trahison impardonnable envers les futures générations. Dans
l’intérêt de la paix, le monde ne doit pas permettre à l’Iran d’avoir l’arme
nucléaire. »
Les intentions israéliennes d’attaquer les
installations nucléaires iraniennes n’ont pas du tout cessé, et ceci malgré le
fait que 16 agences américaines de renseignement aient publié en décembre
dernier un NIE (Estimation nationale de renseignement) longtemps ajourné qui
concluait que Téhéran a mis fin depuis décembre 2003 à son programme d’armement
atomique.
Les dirigeants politiques et militaires israéliens,
qui considèrent l’Iran comme le principal rival d’Israël dans la région, ont
rejeté le rapport du NIE et ont à plusieurs reprises voulu s’assurer que l’administration
Bush « s’occuperait » de l’Iran avant de quitter le pouvoir.
Ces dirigeants veulent absolument garder leur
suprématie militaire au Moyen-Orient et empêcher que l’Iran ou tout autre voisin
n’ait la possibilité de maîtriser la technologie nucléaire leur permettant de produire
des armes nucléaires. Ce n’est un secret pour personne qu’Israël possède un
arsenal de plus de 200 missiles nucléaires. Afin de garder son monopole
nucléaire, la classe dirigeante israélienne est tout à fait disposée à plonger
toute la région dans la guerre par l’intermédiaire d’une attaque sans
provocation préalable et criminelle contre l’Iran.
Des ministres chevronnés, dont Olmert en
personne, en novembre dernier ont averti qu’Israël engagerait seul des actions
militaires pour supprimer la « menace » posée par les installations
nucléaires iraniennes. En septembre dernier, Israël avait détruit une cible
syrienne désertée que Washington et Tel-Aviv prétendaient être une installation
nucléaire construite par la Corée du Nord. Cette attaque n’avait pas suscité de
condamnation internationale sérieuse et est considérée comme précurseur d’une
attaque à venir contre l’Iran.
En avril dernier, le ministre de l’Aménagement
du territoire, Benjamin Ben-Eliezer a menacé l’Iran de destruction complète si
ce pays s’attaquait à Israël. Cette menace a été formulée lors d’un exercice
militaire de 5 jours et d’indications continuelles d’une attaque israélienne préventive
contre les installations nucléaires iraniennes.
Même après l’apparent veto de Bush, les
menaces verbales et les spéculations quant à une attaque aérienne imminente
contre l’Iran n’ont pas cessé. En juin, Israël a effectué des manœuvres à
grande échelle au dessus de la Méditerranée occidentale avec 100 avions de combat
F-15 et F-16, avec des avions de ravitaillement et des hélicoptères de
sauvetage. S’appuyant sur des sources anonymes, le New York Times a
annoncé que l’opération était une répétition d’une attaque contre l’Iran.
Quelques semaines plus tard, Shaul Mofaz, vice
premier ministre et ancien ministre de la Défense, a prévenu que, comme les
sanctions internationales avaient été inefficaces, une attaque unilatérale
contre l’Iran était inévitable.
La position officielle de Washington et Tel-Aviv
consiste à dire que la diplomatie est la voie qu’ils préfèrent pour les
relations avec l’Iran. Et beaucoup considèrent ces menaces et ces jeux
guerriers comme participant d’une campagne de pression orchestrée contre l’Iran
pour que ce dernier obéisse aux exigences américaines d’arrêt de son programme
d’enrichissement nucléaire. Mais, comme Israël n’est pas en mesure de mener
seul une attaque réussie contre les installations nucléaires iraniennes, le but
final de telles menaces, en ce qui concerne des personnalités influentes de Tel-Aviv
et de Washington, est d’attirer les Etats-Unis dans une telle attaque.
Il ne fait pas de doute qu’il y a des individus
au sein de la classe dirigeante israélienne et américaine qui font pression
pour une escalade du militarisme dans cette région, tandis que la question iranienne
est l’un des sujets les plus polémiques des élections présidentielles américaines.
Récemment Israël a conclu un marché avec
Washington en vue de l’achat de bombardiers furtifs F-22 qui conviennent
parfaitement pour le type de bombardement ciblé planifié le commandement
militaire aérien israélien. La flotte existante d’avions de combat F-15
pourrait également être utilisée pour lancer une attaque sur l’Iran.
L’armée israélienne a acheté 90 chasseurs
bombardiers F-161 qui peuvent atteindre l’Iran et en recevra 11 de plus d’ici
la fin de l’année prochaine. Elle a également acheté à l’Allemagne deux
nouveaux sous-marins de type Dolphin qui s’ajoutent aux trois sous-marins déjà
en sa possession. Ces sous-marins sont déclarés capables de lancer des missiles
nucléaires.
Début septembre, le ministère américain de la
Défense a déclaré au Congrès qu’ils avaient l’intention de vendre à Israël
1000 bombes intelligentes assez puissantes pour pénétrer 90cm de béton armé.
Dimanche, il a été annoncé que les Etats-Unis avaient
fourni à Israël un système de radar supérieur qui pourra fournir une alerte
précoce dans le cas d’une attaque de missiles iraniens. Du nom de FBX-T, il
sera relié à la Station terrestre tactique principale américaine et sera géré
par 120 militaires américains. Actuellement, le bouclier antimissiles israélien
Arrow II fonctionne avec un système de radar moins perfectionné.
Alors qu’en mai dernier, Bush a refusé à
Israël son accord pour attaquer l’Iran car il pensait que c’était là un pas
trop abrupt, l’intensification militaire dans la région montre clairement
qu’une telle attaque est loin d’être définitivement écartée. En effet,
certains éléments au sein de l’Administration Bush n’ont pas encore exclu une attaque
non provoquée contre l’Iran avant les élections présidentielles de novembre
prochain.
(Article original anglais paru le 30 septembre
2008)