Quelques mois après sa prise de pouvoir, le gouvernement
italien de droite devient de plus en plus explicite quant à ses déclarations
politiques. Des membres en vue de la coalition dirigeante menée par Silvio
Berlusconi ont récemment lancé une campagne concertée de réhabilitation du
fascisme.
Ce fut Berlusconi qui a donné le signal de départ peu après
son entrée en fonction comme premier ministre. Le 25 avril, journée de la
Libération de l’Italie du fascisme, Berlusconi a déclaré que tout en
reconnaissant la résistance anti-fasciste (Resistenza), il était aussi
nécessaire de comprendre les raisons des « Ragazzi di Salò. »
Berlusconi faisait référence à ceux des soldats italiens qui
ont défendu la « république de Salò » de Benito Mussolini. Cette
soi-disant « république sociale italienne » avait été établie par des
fascistes italiens et avait existé dans le Nord de l’Italie de 1943 à
1945 sous la protection militaire du régime de l’Allemagne nazie.
Des commentaires identiques avaient été faits durant la
campagne électorale du printemps par l’homme d’affaires et sénateur
Giuseppe Ciarrapico, un ami proche de Berlusconi. « La république sociale
italienne n’a envoyé personne dans les camps de concentration,
c’étaient les Allemands, » a déclaré Ciarrapico.
A présent, le ministre italien de la Défense, Ignazio La
Russa, a également fait part de son admiration pour les fascistes italiens. Profitant
de la cérémonie commémorative en l’honneur des combattants de la
résistance de Rome de septembre 1943, La Russa a évoqué ceux des fascistes qui
s’étaient ralliés à Mussolini après la capitulation officielle de Rome.
Puis, le 8 septembre, lors d’une cérémonie commémorative
durant laquelle le président Giorgio Napolitano a déposé une couronne de
laurier au monument des partisans de Rome à la Porta San Paolo, La Russa a déclaré
que, pour sa part, il se sentait obligé de rappeler la mémoire des soldats qui
ont été au service de la « république sociale italienne. »
La Russa a dit : « Ce serait ne pas écouter la voix
de ma conscience que de ne pas commémorer les soldats de la république sociale
de Salò qui, de leur point de vue, se sont battus pour les valeurs de la patrie
et ont résisté à l’avancée des troupes anglo-américaines en Italie. Ils
méritent aussi le respect de tous ceux qui considèrent l’histoire de
l’Italie avec objectivité. »
Bref récapitulatif : Le 8 septembre 1943, le chef du
gouvernement italien, Pietro Badoglio, concluait un armistice avec les forces
alliées qui avaient débarqué en Sicile et dans le Sud de l’Italie.
L’armée allemande avait réagi en encerclant Rome, en libérant Mussolini de
la forteresse où il était détenu et en l’installant à la tête de la
république de Salò nouvellement formée dans le Nord de l’Italie. Alors
que Badaglio et le roi fuyaient vers le Sud contrôlé par les alliés, 800.000
soldats italiens étaient désarmés par les troupes nazies.
La défense de la capitale italienne fut laissée au seul soin
des partisans engagés dans des luttes héroïques contre les troupes nazies. Il
faudra neuf mois supplémentaires avant que Rome ne soit libérée par les troupes
alliées en progression. Durant ce temps, la déportation de Juifs italiens vers
les camps de concentration allemands ne cessait de croître (sous le nez du
Vatican !)
Ignacio Benito Maria La Russa, dont le deuxième prénom est le
même que celui du dictateur Benito Mussolino, est le président de l’Alliance
nationale (Alleanza nazionale, AN), l’un des partis à s’être fondu
dans le parti Peuple de la liberté (Popolo della Libertà, PdL),
l’alliance droitière de Berlusconi. En mai, il fut nommé ministre de la
Défense. A l’image de son père, La Russa fut un membre actif du principal
parti fasciste italien d’après-guerre, le Mouvement social italien
(Movimento sociale italiano, MSI), le précurseur de l’Alliance nationale.
La Russa est le ministre du gouvernement Berlusconi qui est
présentement responsable du déploiement de soldats à l’intérieur du pays
tout en transformant d’anciennes casernes militaires en camps
d’internement pour des immigrés « illégaux » afin de les garder
militairement.
Suite à la réélection de Berlusconi, des
membres de la post-fasciste Alliance nationale occupent des positions de haut
niveau dans le pays. La Russa est ministre de la Défense, tandis que le
président de l’AN, Gianfranco Fini, est le nouveau président de la
Chambre des députés italiens. Le nouveau maire de Rome, Gianni Alemanno, a
également un passé fasciste.
Alemanno a défendu dernièrement le fascisme
dans une interview accordée au journal Corriere della Sera. Peu de temps
avant son départ pour Israël et une visite du mémorial de l’Holocauste de
Yad Vashem, Alemanno avait déclaré que le fascisme avait aussi eu ses bons
côtés et que l’Allemagne de Hitler avait fait un tort considérable en
imposant les lois raciales de 1938 en Italie.
« Le fascisme était un phénomène plus
complexe, » a déclaré Alemanno. « Nombreux étaient ceux [de ses
partisans] qui y ont adhéré en toute bonne foi. Ce qui était tout à fait
mauvais c’étaient les lois raciales que le fascisme avait reprises et qui
scellèrent son destin politique et culturel. » Ces lois auraient été
« une concession faite au nazisme » et n’auraient au départ eu rien
à voir avec le fascisme.
Dans sa jeunesse, Gianni Alemanno avait été membre
du « Front de la jeunesse » de MSI, le parti qui était le lien direct
au fascisme de Benito Mussolini. Il est marié avec la fille de Pino Rauti qui
est un membre fondateur du MSI et qui a fondé en 1956 le mouvement terroriste
d’extrême droite Ordine Nuovo. Deux semaines à peine après les élections
législatives qui devaient mener la coalition de Berlusconi au pouvoir, Alemanno
était élu premier maire de droite de Rome depuis la Seconde Guerre mondiale.
Les déclarations de La Russa et
d’Alemanno réfutent la version officielle selon laquelle l’Alliance
nationale aurait subi un « nettoyage » sous son président Gianfranco
Fini et se serait distancée du fascisme. En 2003, lors d’une précédente visite
à Yad Vashem, Fini avait déclaré, dans le but de rendre son parti plus
présentable, que le fascisme était « tout à fait mauvais ».
La dernière tentative de réhabiliter le
fascisme est entièrement fondée sur des prémisses frauduleuses. Non seulement
Mussolini a persécuté ses adversaires politiques, aboli les élections libres et
les syndicats en Italie, mené une guerre coloniale sanglante et militarisé la
société entière ; la discrimination raciale fut également une partie
intégrante du fascisme italien. Les Italiens d’origine aryenne et juive
furent empêchés de vivre ensemble, les Slaves furent considérés comme inférieurs
et le régime de Mussolini chercha à introduire un contrôle des naissances pour
pouvoir préserver la « pureté de la race. » Durant la guerre contre
l’Abyssinie, le gouvernement fasciste de Rome tenta également de
justifier ses attaques au gaz perpétrées contre la population autochtone en
avançant l’argument que les Abyssiniens étaient une race
« inférieure. »