Vendredi soir dernier, le débat électoral présidentiel
entre le démocrate Barack Obama et le républicain John McCain a démontré qu’il
n’existe aucun choix dans l’élection présidentielle 2008 dans les limites du
système officiel biparti. Deux candidats se faisaient face, adoptant des
positions quasi-identiques en défense de Wall Street et de l’impérialisme
américain qui feraient automatiquement d’eux, dans tout autre pays du monde, des
représentants de l’extrême droite.
Tous deux étaient d’accord que toutes les ressources
possibles soient mobilisées pour venir à la défense de Wall Street, peu importe
les coûts imposés à la classe ouvrière. Obama a déclaré : « Nous
devons agir vite et agir intelligemment », mais il n’a pas expliqué
pourquoi on devait agir rapidement dans le sauvetage des banques et des
spéculateurs, mais pas pour stopper les saisies de maisons, les mises à pied et
la destruction des conditions de vie de la classe ouvrière.
McCain a louangé les discussions entourant le sauvetage à
Washington, affirmant : « Nous assistons, pour la première fois
depuis longtemps, à la collaboration des républicains et des démocrates,
tentant d’en arriver à une solution pour résoudre la crise financière dans
laquelle nous nous trouvons. »
Deux jours plus tôt, le président Bush, dans un discours
télédiffusé nationalement, avait presque annoncé la faillite du capitalisme
américain, craignant « l’effondrement imminent » des banques
d’investissement, « l’arrêt complet du système financier américain »,
une « panique financière » et une « longue et douloureuse
récession ».
Obama et McCain n’ont pas offert de présentation aussi
sombre de la situation et ont plutôt évité de répondre à la question qui leur
demandait quel impact allait avoir le sauvetage de 700 milliards $ de Wall
Street sur leurs futures politiques advenant leur élection. La discussion sur
la crise financière, qui s’est déroulée durant la première moitié du débat, semblait
davantage avoir pour but d’endormir les téléspectateurs que d’expliquer les
positions des candidats.
Sur la question de la politique étrangère, les deux
candidats s’accordaient pour dire que l’impérialisme américain a le droit de
déployer ses forces militaires à travers le monde, attaquant et envahissant
tout pays choisi par le « commandant en chef ». Obama a affirmé que
l’Irak nous avait appris que « nous ne devons jamais hésiter à employer la
force militaire et, en tant que président et afin de maintenir le peuple
américain en sécurité, je n’hésiterai jamais à employer la force
militaire ».
Les deux candidats se sont principalement disputés sur les
pays qui devraient être pris pour cible par des attaques américaines, Obama
favorisant l’Afghanistan et le Pakistan, McCain insistant sur l’Irak. Tous deux
ont menacé l’Iran et la Russie. Le Washington Post a approuvé le
consensus entourant la politique étrangère dans un éditorial publié samedi,
déclarant, « Barack Obama et John McCain ne sont pas autant en désaccord
qu’ils pourraient le faire croire aux électeurs. »
Le fait saillant du débat a été le large accord qu’Obama,
qui s’est construit une image de vecteur du « changement », a déclaré
avoir avec McCain. Après une semaine extraordinaire de bouleversements sur les
marchés financiers, Obama avait l’embarras du choix pour passer à l’offensive
contre son adversaire républicain. Plutôt, il a déclaré à répétition que McCain
avait « absolument raison » sur un point ou sur l’autre (ce qu’il a
répété 11 fois au cours de ce seul débat).
Il est instructif de citer certaines de ces déclarations
d’accord, car elles démontrent l’orientation entièrement conventionnelle et
droitière de la campagne d’Obama.
Sur la crise financière : « Je crois que le
sénateur McCain a absolument raison lorsqu’il dit qu’il faut être plus
responsable. »
Sur les
dépenses gouvernementales : « Le sénateur McCain a
absolument raison lorsqu’il dit que le processus des dépenses attitrées a été
détourné. »
Sur la fiscalité : « John a mentionné le fait que
les impôts des compagnies sont élevés dans ce pays et il a absolument
raison. »
Sur le budget fédéral : « John a raison, nous devons
couper. »
Sur l’Irak : « Le sénateur McCain a absolument
raison lorsqu’il dit que la violence a diminué suite au sacrifice
extraordinaire de nos troupes et de nos familles militaires. »
Sur la menace d’entreprendre des actions militaires contre
le Pakistan : « John… vous avez absolument raison de dire que les
présidents doivent être prudents sur ce qu’ils disent. »
Sur l’Iran : « Le sénateur McCain a absolument
raison, nous ne pouvons tolérer un Iran nucléaire. »
Obama a ainsi reconnu que McCain et lui partagent le même
cadre, celui de la défense des intérêts de la classe dirigeante américaine,
tant au pays qu’à l’étranger. S’il avait débattu contre un candidat socialiste,
il n’aurait été d’accord sur rien.
Étant donné l’ampleur du consensus, l’obsession des médias
à déterminer qui avait « gagné » le débat devient irréelle, absurde
même. Le facteur décisif de l’élection n’est pas la réponse populaire envers
les candidats, mais l’attitude de l’establishment financier et politique, qui
s’est rallié derrière Obama au cours des dernières semaines, particulièrement
depuis qu’Obama a joué un rôle dirigeant dans le soutien au sauvetage de Wall
Street.
On peut interpréter le comportement d’Obama de deux
façons : d’abord, par un niveau considérable de lâcheté politique face à
la défense acharnée du militarisme et de la grande entreprise par McCain. Obama
semblait décontenancé, et il a permis à McCain de l’interrompre presque à
volonté.
Mais étant donné le caractère hautement artificiel et
orchestré des débats électoraux présidentiels, il est aussi probable qu’Obama
ne faisait qu’exécuter le script. On a rapporté que la campagne démocrate
aurait pris la décision d’inclure à intervalles réguliers des déclarations
exprimant un accord avec McCain afin de présenter Obama comme quelqu’un
cherchant à établir un consensus biparti.
Beaucoup plus que des tactiques électorales, ces actions
expriment le caractère fondamental du Parti démocrate, un parti impérialiste de
la grande entreprise à que l’on assigne néanmoins, dans le système politique
américain, le rôle de s’adresser aux travailleurs, aux minorités et aux
opprimés en général.
C’est ce qui donne aux déclarations de leaders démocrates un
aspect si tiède et presque muet. Obama et compagnie trébuchent toujours sur
leurs propres contradictions internes, alors qu’ils tentent de se présenter
comme le « parti du peuple » tout en rassurant l’élite dirigeante au
complet et en étant conciliateurs avec l’extrême droite.
On a pu remarquer durant le débat qu’Obama évitait toute
forme de phrases populistes dans ses commentaires sur la crise économique. Ses
remarques étaient dirigées, non pas vers l’auditoire en général, mais vers la
base d’électeurs la plus cruciale que sa campagne doit tenter de satisfaire :
les grands intérêts financiers et leurs représentants des médias.
Alors que McCain a parfois fait des remarques démagogiques
contre l’avarice et la corruption de Wall Street, les démocrates ont clairement
démontré à la grande entreprise qu’ils ne tenteront pas d’aborder ces questions
et de mobiliser leur « base » officielle parmi les travailleurs.
Obama ne représente pas une alternative au programme de
droite de l’élite dirigeante américaine, mais plutôt un changement superficiel
pour permettre à ce programme d’être maintenu et même intensifié. Une
alternative aux politiques de la guerre impérialiste, de l’austérité économique
et des attaques sur les droits démocratiques ne peut provenir que du bas, de la
mobilisation politique des travailleurs, indépendamment et en opposition au
système biparti, et sur la base d’un programme socialiste.