wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Dans un marché européen de l’automobile qui rétrécit, Renault prévoit des licenciements de masse

Par Francis Dubois
25 septembre 2008

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Le constructeur automobile français Renault, le sixième en importance sur le plan européen, a annoncé un plan drastique de réduction des coûts impliquant des milliers de licenciements. Sans nommer de chiffres définitifs, le groupe laissa aux médias et aux syndicats le soin d’annoncer le nombre des licenciements prévus. Les estimations varient de 5000 à 6000 suppressions d’emplois, la plupart devant avoir lieu dans les usines européennes.

Selon la direction du groupe, cet objectif doit être atteint par des « départs volontaires », un gel du recrutement dans toute l’Europe, la remise à plus tard de projets « non prioritaires » et des réductions dans les investissements. L’ensemble de ces mesures vise à économiser 350 millions d’euros (550 millions de dollars) en 2009 et 500 millions en 2010. La direction du groupe et les syndicats sont en train de discuter un plan de départs volontaires pour les usines européennes avec les syndicats, dans le but de réduire de 10 pour cent les coûts de production.

Renault supprimera une équipe sur deux à l’usine de Sandouville, près du Havre, signifiant le licenciement d’un millier de travailleurs. Le 23 juillet, la direction du Technocentre de Guyancourt, dans la région parisienne, a annoncé qu’elle ne renouvellerait pas les contrats d’un millier de travailleurs prestataires (travaillant pour les entreprises sous-traitantes) à la fin de 2008. Elle envisage aussi d’autres « adaptations » si la situation se détériorait.

Une chaîne de production à l’usine de Flins, dans le Nord-Ouest de Paris, pourrait être fermée « si la conjoncture était défavorable ». Cette usine sera fermée pendant dix jours en septembre et octobre. « Si la situation continuait à se dégrader, d’autres ajustements pourraient intervenir concernant en particulier la gamme des petits véhicules et le niveau de production dans l’usine de Flins » a dit le directeur financier de Renault, Thierry Moulonguet, au journal Le Monde le 24 juillet. La production de deux modèles construits dans cette usine avait préalablement été transférée dans des usines se trouvant en Slovénie et en Turquie. Près de 400 intérimaires ne verront pas leurs contrats renouvelés à l’usine de Cléon, près de Rouen.

L’annonce de nouveaux licenciements vient à la suite des réductions d’effectifs ayant déjà eu lieu dans les diverses usines Renault, y compris celles qui se trouvent en France. Ces deux dernières années, les usines de Cléon et Sandouville ont perdu environ 3000 emplois.

A la suite de l’expropriation de la famille Renault qui avait collaboré avec la Wehrmacht pendant la Deuxième Guerre mondiale, Renault a été pendant des décennies une société nationalisée. Entre 1990 et 1996, elle fut progressivement privatisée et l’Etat, qui contrôle encore 46 pour cent des actions, est resté un actionnaire majoritaire. En 1999, Renault est devenu un des principaux actionnaires du constructeur automobile japonais Nissan et de la société automobile roumaine Dacia.

Dans les années 1970 et 1980, Renault aimait à se présenter comme un modèle de société à « orientation sociale ». Pendant de nombreuses années, les conflits industriels chez Renault étaient considérés comme symptomatiques du climat social en France et les ouvriers de Renault ont souvent joué un rôle de premier plan lors de grands mouvements sociaux.

Renault n’est pas le seul constructeur automobile français à supprimer des emplois. Le groupe PSA (Peugeot-Citroën) a récemment bouclé un plan de « réductions d’effectifs » entraînant la perte de 10 000 emplois en Europe de l’Ouest. Dans la dernière semaine de juillet, son président, Christian Streiff, annonça que PSA allait licencier ses intérimaires et pratiquement cesser toute opération de recrutement. Son directeur des ressources humaines, Jean-Luc Vergne, dit : « Nous sommes aujourd’hui dans une vision d’effectifs qui continuent à baisser. » Selon des porte-parole de la société, PSA comptera sur « les départs naturels » d’environ 4000 ouvriers par an en Europe de l’Ouest.

A la suite de l’annonce des derniers plans de Renault, 200 ouvriers de l’usine de Sandouville ont manifesté devant les portes de l’usine le 30 juillet afin de protester contre les décisions du groupe. L’an dernier, un accord de flexibilité entraînant pour les ouvriers de nombreux sacrifices en matière de temps de travail et de salaire avait été signé entre la direction du groupe et les syndicats de Sandouville avec l’argument que plus de flexibilité garantirait la sécurité de l’emploi.

Les actions de Renault ont chuté de 45 pour cent depuis le début de 2008, nettement plus que les 27 pour cent de baisse subis en moyenne par les constructeurs européens. L’annonce de licenciements a été considérée par beaucoup comme le signe que le plan de rentabilité accrue annoncé il y a deux ans par l’actuel président de Renault, Carlos Ghosn, était en train d’échouer.

Ce plan était censé faire de Renault le constructeur automobile réalisant les plus gros profits en Europe. Ghosn est aussi le président du groupe Nissan. Il y a quelques années, Nissan était menacé de faillite et Ghosn y organisa le licenciement de 20 000 ouvriers.

Il y a deux ans, le groupe Renault a dit à ses ouvriers qu’il ne procéderait pas à des licenciements, mais réaliserait son nouveau plan stratégique avec la main-d’œuvre existante. Expliquant sa décision de supprimer des emplois, Renault a dit que la situation économique était nettement pire que les pires scénarios envisagés au moment où le groupe avait lancé son plan.

La société réalise néanmoins encore des profits. Elle a annoncé une augmentation de 2,3 pour cent de ses ventes au niveau mondial au premier semestre de cette année et une augmentation net du profit, qui est passé de 1,07 milliards d’euros (1,68 milliards de dollars) à 1,5 milliards d’euros. Renault est une de ces multinationales de plus en plus nombreuses qui effectuent des coupes et des licenciements draconiens bien qu’elles enregistrent des profits substantiels.

La crise croissante des constructeurs d’automobiles européens

En justifiant son nouveau plan, Renault a mentionné un certain nombre de facteurs immédiats, tels la brusque baisse des ventes de ses voitures en Espagne et au Royaume-Uni au premier semestre de 2008, le manque de succès de sa production et de ses ventes en Iran et aussi la « conjoncture macro-économique ». Ghosn a averti de ce que le groupe se trouvait dans une lutte en Europe en ajoutant que si les marchés se déplaçaient vers le sud, Renault allait devoir restructurer ses capacités de production en Europe.

Le marché automobile européen est en baisse pour diverses raisons. Dans la première moitié de 2008, les ventes ont baissé de 22 pour cent en Espagne, de 12 pour cent en Italie, et de 12,9 pour cent au Royaume-Uni, alors qu’en France et en Allemagne, elles ont enregistré des hausses 14,8 et 5,7 pour cent respectivement. En 2007, Renault a commencé à produire la Logan, son modèle bon marché, en Iran. Le groupe escomptait vendre 300 000 voitures en 2009, mais, selon Le Monde du 24 juillet, il a seulement livré 24 000 voitures au premier semestre de cette année. Renault prévoit aussi la construction d’une nouvelle usine à Tanger, au Maroc.

Les conditions sur le marché européen sont devenues plus rigoureuses et la concurrence s’est accrue entre les nombreux constructeurs européens. On escomptait au début de l’année une chute de 4 pour cent des ventes de voitures en Europe, mais ce chiffre fut récemment révisé à la hausse et estimé à 10 pour cent. En Europe de l’Ouest (sans la France), les ventes ont jusque-là chuté de 4,6 pour cent sur un an.

La hausse de l’euro vis-à-vis du dollar rend plus difficiles les exportations à partir de l’Europe et les constructeurs, en particulier les constructeurs français, s’en plaignent depuis un certain temps. Ainsi Ghosn se plaignit, qu’à l’encontre des constructeurs américains et japonais, Renault ne pouvait pas s’en sortir par les exportations. Ces derniers disposant d’un dollar et d’un yen faible, ce qui n’était pas le cas de Renault.

Les syndicats français de Renault ont présenté la décision du constructeur comme illogique ou comme l’effet d’une mauvaise gestion, expliquant qu’une société qui faisait des profits ne pouvait pas licencier des milliers d’ouvriers. Ayant accepté année après année des réductions d’effectifs qu’ils justifiaient en disant qu’elles permettraient d’éviter la fermeture des usines en France, les syndicats contemplent à présent la faillite de leur perspective. Toutes leurs concessions faites dans le passé au constructeur automobile et tous les sacrifices imposés aux ouvriers n’ont pas entraîné la sécurité de l’emploi, mais tout le contraire.

Faisant remarquer que les syndicats auraient de gros problèmes à expliquer ce dernier round de suppressions d’emplois aux ouvriers de Renault, Vincent Neveu, représentant de la CGT de Renault exprima le malaise de son syndicat en disant que d’habitude c’était en cas de pertes qu’on disait aux syndicats qu’il y avait de gros problèmes et qu’en ce moment Renault faisait de gros bénéfices. Il ajouta qu’il était « difficile, très difficile » pour le syndicat d’entendre les plans du groupe. « Dans le "Contrat 2009", Carlos Ghosn s’était engagé à ne pas fermer de site ni supprimer d’emplois, là, il le suggère et laisse les syndicats et la presse l’annoncer », dit-il.

Plutôt que d’appeler à une action indépendante de la part des travailleurs pour défendre les emplois, la seule réponse de l’un des principaux représentants syndicaux CFDT de Renault, Emmanuel Couvreur, a été de conseiller à la direction du groupe, de mener une stratégie commerciale différente : « On fait le dos rond plutôt que de renforcer notre capacité commerciale et offensive pour reconquérir des parts de marché en Europe. »

(Article original publié le 2 août 2008)


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés