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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Les Etats-Unis et l’Europe dénoncent la Russie pour son soutien à l’indépendance des provinces géorgiennes

Par Stefan Steinberg
1er septembre 2008

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Les Etats-Unis et les puissances d’Europe de l’Ouest ont dénoncé avec véhémence la décision de la Russie de reconnaître l’indépendance de deux provinces sécessionnistes géorgiennes, l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie.

Le président russe Dimitri Medvedev avait signé mardi 26 août un décret soutenant l’indépendance de ces provinces, un jour seulement après un vote à l’unanimité par les deux chambres du parlement russe en faveur d’une telle action.

Les déclarations des gouvernements occidentaux ont généralement attaqué la décision russe la qualifiant de violation de la souveraineté et de l’« intégrité territoriale » de la Géorgie et de menace vis-à-vis de la paix et de la stabilité dans le Caucase. Toutes ces déclarations sont totalement hypocrites, étant donné que les Etats-Unis et leurs alliés européens ont eux-mêmes précipité la crise caucasienne en soutenant l’indépendance du Kosovo, ignorant les objections véhémentes de la Serbie et de la Russie en février dernier et étant donné aussi que les Etats-Unis sont complices de l’attaque de l’Ossétie du Sud par la Géorgie, le 7 août. C’est cette attaque qui a déclenché l’intervention de la Russie et motivé son soutien ultérieur à une indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie.

Le président américain Georges W. Bush a immédiatement dénoncé le décret russe comme une « décision irresponsable qui ne fait qu’exacerber les tensions » et lança une mise en garde à la Russie qui devait selon lui respecter les frontières de la Géorgie. Les commentaires de Bush furent repris par la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice qui décrivit la décision russe comme « regrettable » et avertit de ce qu’elle n’avait aucune chance d’être soutenue aux Nations unies.

Barack Obama, le candidat démocrate à la présidence se hâta de faire une déclaration encore plus belliqueuse, sans même attendre que Bush ait fait la sienne. Celle-ci suivait la ligne adoptée par la l’équipe de campagne d’Obama sur la crise géorgienne et qui consiste à essayer de surpasser l’administration Bush et son adversaire républicain, John McCain, en fait de menaces de guerre contre la Russie. 

Obama a donc condamné la décision de Moscou, disant que les Etats-Unis devraient « isoler encore plus la Russie internationalement à cause de ses actions ». Il réitéra sa revendication d’aide financière à la Géorgie à hauteur d’un milliard de dollars et suggéra que la Russie soit expulsée de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, que le conseil OTAN-Russie soit dissout et qu’on enlève à la Russie son statut de membre de l’Organisation mondiale du commerce. 

Il conclut sa déclaration par une remarque menaçante sur le fait qu’« on ne pouvait pas considérer la paix et la sécurité en Europe comme acquises ».

Le secrétaire général de l’OTAN, le général Jaap de Hoop Scheffer lança lui, cet avertissement : « Les actes de la Russie ces dernières semaines remettent en question l’engagement de la Russie envers la paix et la stabilité dans le Caucase. »

David Miliband, le ministre britannique des Affaires étrangères a joint sa voix au concert des condamnations et déclaré qu’il voulait essayer de forger « la coalition la plus large possible contre l’agression russe en Géorgie ». Dans le cadre de sa campagne pour isoler la Russie, Miliband se rendit à Kiev mercredi 27 août pour des discussions avec le président ukrainien Iouschenko. 

Le ministre des Affaires étrangères français, Bernard Kouchner, condamna lui aussi la décision de Moscou, accusant la Russie d’agir en violation de la résolution des Nations unies et d’essayer de mettre la main sur les provinces sécessionnistes. 

La chancelière allemande Angela Merkel déclara que le décret russe était « absolument inacceptable » et avertit de ce que la crise en Géorgie « n’avait pas seulement changé la région, mais la politique internationale dans son ensemble ».

Tous ces gouvernements, à leur tête le gouvernement américain, ont essayé, depuis l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, de supplanter l’influence russe dans les anciennes républiques soviétiques et dans les anciens pays satellites. Les anciennes républiques soviétiques de la Baltique et les nations de l’ancien pacte de Varsovie ont été intégrées à l’OTAN et les Etats-Unis exigent qu’on fasse entrer rapidement la Géorgie et l’Ukraine dans cette alliance militaire dominée par eux.

Le tournant dans cette politique anti-russe provocante et agressive a été la reconnaissance du Kosovo par les puissances occidentales en février dernier.

On demanda au ministre des Affaires étrangères allemand, Frank-Walter Steinmeier, dans une interview donnée au  journal allemand Süddeutsche Zeitung le 27 août, de commenter les mises en gardes d’experts en droit international et selon lesquelles la reconnaissance du Kosovo créerait un précédent pour des actions telles que la reconnaissance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. Steinmeier ne put faire mieux que d’affirmer que le Kosovo était un « cas spécial ». 

Les leaders américains et européens ont condamné la Russie pour avoir violé le droit international et les résolutions des Nations unies, mais c’est précisément ce qu’ils ont fait lorsqu’ils ont reconnu l’indépendance du Kosovo. Cela était contraire aux résolutions votées à la suite de la guerre menée par les Etats-Unis et l’OTAN contre la Serbie en 1999.

La guerre aérienne de 1999 fut elle-même menée sans la sanction des Nations unies et était le point culminant d’une politique délibérée inaugurée par  l’Allemagne en 1991. Celle-ci avait alors cautionné l’indépendance de la Croatie et de la Slovénie dans le but de démanteler la Yougoslavie. Cette politique a déclenché une guerre civile sanglante qui coûta la vie à des milliers de personnes. Les Etats-Unis et l’Europe de l’Ouest voulaient un éclatement de la Yougoslavie, un allié de la Russie, parce qu’ils pensaient qu’elle représentait un obstacle au contrôle par l’Occident de la région riche en ressources énergétiques du Caucase et du bassin de la Mer Caspienne.

Suite à la guerre de 1999, le Kosovo fut placé sous administration des Nations unies. Le premier administrateur fut, entre 1999 et 2001, Bernard Kouchner qui, en tant que ministre des Affaires étrangères français, fut un des premiers à annoncer la reconnaissance diplomatique du Kosovo en février dernier. A présent, il dénonce la Russie pour avoir suivi son exemple en Ossétie du Sud et en Abkhazie. 

Le rôle joué par le gouvernement américain dans le sort du Kosovo fut résumé ainsi dans un récent article de la « fabrique d’idées » américaine :

 « A l’été de 2007, lorsqu’il fut évident que les négociations n’aboutiraient pas, l’administration Bush décida que les pourparlers étaient achevés et qu’il était temps d’obtenir l’indépendance. Le 10 juin 2007, Bush dit que les négociations devaient avoir pour résultat "une certaine indépendance". En juillet 2007, Daniel Fried dit que l’indépendance était "inévitable" même si les négociations échouaient. Et finalement, en septembre 2007, Condoleezza Rice dit la même chose en condensé : "Il va y avoir un Kosovo indépendant. Nous y sommes attachés". Les Européens ont suivi cette ligne. »

« Quand et où l’indépendance fut mise en oeuvre fut réellement un problème européen. Les Américains ont lancé le débat [sur l’indépendance] et les Européens ont réalisé celle-ci. »

Un bel exemple de droit international et de respect de l’intégrité territoriale !

Le rapport existant entre la politique américaine au Kosovo et la reconnaissance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie fut indiqué succinctement dans un commentaire publié par le journal conservateur hongrois Magyar Nemzet lundi :

« Le Kremlin ne fait pas dans le Caucase aujourd’hui autre chose que ce que les Etats-Unis ont fait en 1999 dans les Balkans. Ils se préparaient alors à une bataille militaire avec la Serbie. On rejoue le script du Kosovo. Il sert de précédent et fournit à la Russie la base d’une intervention militaire. »

La presse américaine et européenne a d’abord publié une masse d’articles déclarant que la Russie était le principal agresseur dans le conflit géorgien, mais plus récemment des articles ont jeté la lumière sur le rôle de l’armée géorgienne dans la période ayant immédiatement précédé la guerre et ont montré clairement la complicité de l’administration américaine.

Un article paru dans la dernière édition de Der Spiegel et intitulé « La chronologie d’une tragédie » montre avec netteté que l’invasion de l’Ossétie du Sud par la Géorgie avait été préparée de longue date, et ce, en collaboration avec Washington.

Cette chronologie commence avec l’élection de Saakashvili à la présidence géorgienne à la suite de la « révolution rose » sponsorisée par les Etats-Unis en 2003. Immédiatement après son élection, Saakashvili s’engagea à ramener l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie dans le giron de la Géorgie. Les plans pour une intervention militaire dans ces deux régions ont été établis en 2006.

A la fin d’avril cette année, suite à de nouvelles tensions sur la frontière entre l’Abkhazie et la Russie, Saakashvili ordonna que soient concentrés 12 000 soldats géorgiens sur la base militaire de Senaki, proche de l’Abkhazie.

Saakashvili maintient aujourd’hui qu’il a discuté ses plans d’offensive militaire en juillet dernier lors d’un dîner avec Condoleezza Rice en Géorgie et qu’on l’avait alors assuré du soutien des Etats-Unis. Quelques jours plus tard, le 15 juillet, les forces géorgiennes prirent part, avec un millier de soldats américains, à un exercice militaire de grande envergure (Direct Answer 2008) au sud Tbilissi, la capitale géorgienne.  

L’article de Der Spiegel déclare ensuite: « A la fin de ces grandes manoeuvres, se produisit sous les yeux des conseillers militaires américains quelque chose d’époustouflant du coté géorgien. Au lieu de renvoyer une partie de son armée dans ses cantonnements, le président Saakashvili les envoya en direction de l’Ossétie du Sud. » L’article dit encore : « Le 3 août, le ministère des Affaires étrangères russe lança un ultime avertissement disant qu’un "conflit militaire de grande envergure" était imminent… les plans d’invasion de Saakashvilli étaient bouclés depuis longtemps. Une première mouture faite en 2006… escomptait qu’il serait possible de capturer toutes les positions importantes en l’espace de quinze heures. »

Depuis la déroute des forces géorgiennes aux mains des troupes russes dans la guerre de cinq jours du début du mois d’août, les Etats-Unis ont continué de faire monter la tension avec la Russie. L’escalade la plus significative fut la signature avec la Pologne d’un accord destiné à établir dans ce pays une présence militaire américaine permanente faisant partie d’un système de défense anti-missiles, une décision qui positionnera les troupes américaines à moins de 240 kilomètres du territoire russe.  

Dans le même temps, les Etats-Unis ont rassemblé une flottille de guerre dans la mer Noire afin de défier la flotte russe qui dispose aussi d’un certain nombre de vaisseaux opérant au large des côtes géorgiennes. Le 26 août au soir, le premier ministre russe, Vladimir Poutine, accusa les navires américains de livrer en contrebande des armes à la Géorgie sous couvert d’aide humanitaire et le vice-chef d’Etat major russe déclara que la flotte russe surveillait de près les activités ayant lieu « dans le contexte de la concentration des forces navales de l’OTAN dans la mer Noire ».

La mer Noire et le Sud caucasien sont devenus un tonneau de poudre. La moindre provocation pourrait conduire à une confrontation militaire dont les implications dépasseraient de loin la région du Caucase.

(Article original publié le 28 août 2008)

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