wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La controverse continue sur la mort des soldats français en Afghanistan

Par Olivier Laurent
9 septembre 2008

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

De nouvelles informations ont été révélées concernant l'embuscade du 18 août qui a fait 10 victimes et 23 blessés parmi les soldats français en Afghanistan dans la vallée d'Uzbeen.

D'après l'édition du 25 août de l'hebdomadaire satirique Le Canard enchaîné, connu pour ses révélations sur les mensonges d'Etat, 4 soldats ont été capturés par des Afghans dès le début des combats et « exécutés » par la suite. De plus, le journal affirme que le traducteur afghan qui aurait dû accompagner les soldats avait « disparu » quelques heures avant la patrouille, un indice d'une éventuelle embuscade qui aurait été négligé par le commandement.

Le ministre de la Défense français Hervé Morin a rapidement publié un démenti de l'article du Canard enchaîné, et selon le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, « une procédure d'enquête est en cours ». Le général Christian Baptiste, porte-parole adjoint du ministère de la défense a déclaré sur l'antenne de France-Info que le traducteur manquant était en fait mort pendant les combats, mais il n'a pas expliqué pourquoi sa mort n'avait pas été rapportée en même temps que celle des autres soldats.

Le général Jean-Louis Georgelin, chef de l'état-major français, a répliqué vertement que les soldats « ne se sont pas laissé faire… On a perdu dix hommes, mais les insurgés en ont perdu huit fois plus [durant l'attaque et les opérations des jours suivants] ». Le général Benoît Puga a abondé dans son sens en déclarant le 28 août « les adversaires… ont pris une sacrée raclée », ajoutant qu'il considérait que la mission était un succès malgré les pertes humaines.

Les opérations des jours suivants autour d'Uzbeen ont causé des dizaines de morts chez les civils selon l'agence de presse Pajhwok.

Le porte-parole de la coalition, le colonel Rumi Nielson-Green, a froidement dénigré les inquiétudes quant aux civils afghans tués dans les combats : « Je ne suis pas certain qu’ils étaient directement impliqués dans l’attaque contre les Français. Ça n’a aucune importance, ils étaient certainement au moins complices. »

Joël le Pahun, père de Julien le Pahun, l'un des dix soldats tués lors de l'attaque, a déclaré sur l'antenne de RTL le 29 août qu'il était « choqué » par les paroles des généraux et a refusé de considérer que la mission puisse être un succès, concluant : « La question qui se pose, c'est pourquoi ils sont morts ? »

Une large majorité de Français rejette cette guerre. Les forces américaines et celles de l’OTAN ont utilisé la guerre contre le terrorisme comme prétexte pour l’invasion et l’occupation du pays, alors qu’en fait cette guerre était liée à des intérêts géostratégiques bien définis des élites dirigeantes américaine et européenne.

Cherchant à contenir la colère de la population, suite à la mort des soldats, le président Nicolas Sarkozy a réagi vigoureusement à l'annonce de cette attaque. Il s'est envolé immédiatement pour l'Afghanistan et il accorde maintenant le droit – exceptionnel – aux familles des soldats de se rendre sur le champ de bataille où leurs proches sont morts.

L'article du Canard enchaîné constitue la deuxième série de révélations sur cette affaire. Juste après l'embuscade, il avait été révélé que les autorités françaises avaient tu le fait que les soldats avaient attendu les renforts pendant quatre heures, et des allégations de tirs amis avaient été publiées.

Les députés français doivent voter sur le maintien des troupes en Afghanistan le 22 septembre.

Cependant, le Parti socialiste (PS) a déjà réagi au mécontentement de l'opinion publique en réaffirmant son engagement en faveur du déploiement français en Afghanistan. Le premier secrétaire du PS, François Hollande, a déclaré qu'il voulait éviter le dilemme entre « retrait total et immédiat ou envoi de renforts, synonyme d’enlisement ». L'expert en politique internationale du PS, et candidat à la direction du parti, Pierre Moscovici a déclaré le 24 août à la Fête de la Rose, une Fête traditionnelle du PS, « Nous voulons autant que la droite lutter contre le terrorisme. »

Jean-Louis Bianco, lui aussi membre du PS, et proche de l'ex-candidate à la présidentielle Ségolène Royal, a déclaré le 20 août sur son blog personnel, qu’« En 2001, il s’agissait pour la France de combattre le régime des talibans et d’aider à la reconstruction du pays. » Cela semble suggérer une sorte de détournement de l'opération par les intérêts Américains, mais il n'en dit pas plus et se prononce simplement en faveur de quelques changements de stratégie.

La dirigeante du Parti communiste français, Marie-Georges Buffet a déclaré sa sympathie pour les familles des victimes et sa solidarité avec l'armée. Remettant en question la stratégie de Sarkozy, mais pas l'implication de la France, elle a affirmé « Il faut mener la lutte contre les talibans » et demandé « un débat sur les objectifs de la présence française en Afghanistan ».

En effet, les critiques voilées de la part du PS sont complètement hypocrites étant donné que l'invasion de l'Afghanistan avait été décidée par le Premier ministre socialiste Jospin. Le seul membre d'envergure du PS à remettre en question l'implication en elle-même de la France en Afghanistan est Henri Emmanuelli. Il est allé jusqu'à déclarer au quotidien Le Monde : « Qui est M. Karzaï, une marionnette installée au pouvoir par ses puissants parrains ? » Il semble vouloir donner l'impression qu'il commence seulement à se rendre compte des faits, quand il dit de façon malhonnête, « Je crois que l’on nous cache beaucoup de choses sur la réalité en Afghanistan. »

Pour sa part, Nicolas Sarkozy a déjà promis à ses alliés que l'implication de la France en Afghanistan va augmenter. Il l'a déclaré le 27 août lors de l'ouverture de la conférence des ambassadeurs (une réunion sur trois jours entre le gouvernement et les ambassadeurs de 180 pays, organisée chaque année depuis 1993). Sarkozy a dit que le monde entrait dans « une période radicalement différente, qui va durer plusieurs décennies et que je qualifierai d’"ère des puissances relatives" ». Dans cette ère « d’énergie rare et chère », a-t-il dit, « l'intérêt général passe loin derrière la défense vigoureuse des priorités nationales ».

Concernant l’Afghanistan, Sarkozy a poursuivi, « la nouvelle stratégie des alliés définie à l'initiative de la France au sommet de Bucarest [Le sommet annuel de l'OTAN qui s'est tenu du 2 au 4 avril cette année] […] reste valable : un engagement dans la durée ; une approche globale civile et militaire avec une coordination accrue de l'aide » à l’Etat afghan. Il a mis en garde : « Une retraite militaire serait suivie du retour des talibans et d'al-Qaïda et sans doute de la déstabilisation du Pakistan voisin. »

De plus, il a rendu encore plus clair l’engagement militaire de la France en Afghanistan en déclarant : « J'ai voulu situer, franchement et nettement, la France au sein de sa famille occidentale, restaurer une relation confiante avec le peuple et les dirigeants américains et rénover notre relation avec l'Alliance Atlantique. »

Le point de vue de l'establishment français avait été donné en des termes très clairs une semaine plus tôt dans le quotidien de droite Le Figaro. Luc de Barochez y avait écrit dans son éditorial du 20 août : « Il s'agit [pour la France]... d'apporter un témoignage de solidarité transatlantique. Il ne faut pas y voir un geste hâtif en direction d'une Administration Bush finissante. Car il y a dans la crise afghane une convergence d'intérêts entre les deux rives de l'Atlantique. Si Barack Obama et John McCain sont unis sur un point, c'est bien celui-là : l'Afghanistan est le front central de la lutte contre le terrorisme ; il le restera dans les années à venir. » De Barochet poursuit en insistant sur le fait que « l'Europe de la défense, que la France a tant contribué à lancer, doit saisir l'occasion pour prouver sa capacité à projeter sa force militaire dans une région sensible. L'engagement français a longtemps été ambigu, en étant cantonné à la sécurité de la capitale, Kaboul. Le président Nicolas Sarkozy lui a redonné son sens en plaçant notre contingent aux côtés de nos alliés, en terrain ardu. »

Après de telles preuves de fidélité, l'élite dirigeante française se doit de trouver un moyen d'habituer les Français aux pertes humaines inévitables. La cérémonie funéraire qui s'est déroulée à l'église des Invalides cherchait exactement à faire cela. Sarkozy avait déclaré « Perdre la vie de cette manière, c'est aussi une manière de réussir sa vie. »

Le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner a déclaré sans ambages lors d'un entretien télévisé : « Bien sûr, il faut s'attendre à de nouveaux morts » et a qualifié les opérations en Afghanistan d'« opérations de police », les mots mêmes qui avaient désigné la guerre coloniale en Algérie de 1956 à 1962.


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés