En début de semaine, la Deutsche Bank, sise en
Allemagne, a annoncé une hausse considérable de ses profits. La banque avait
publié un bénéfice net de 1,1 milliard d’euros au titre du second trimestre de
cette année, près du double des bénéfices réalisés au cours de la même période
de l’année dernière (645 millions d’euros).
La hausse massive des profits de la Deutsche
Bank survient après la publication de résultats record par la banque américaine
Goldman Sachs. Il y a deux semaines, la banque d’investissement américaine
avait affiché des bénéfices record de 3,44 milliards de dollars (2,44 milliards
d’euros) en l’espace de trois mois d’avril à juin.
Moins d’un an après l’éruption de la crise
financière qui a dévasté les économies de par le monde et éliminé près de 40
pour cent de la valeur estimée de la richesse mondiale, un nombre de grandes
banques et d’institutions financières enregistrent des profits record en
mettant de côté des sommes nettement plus importantes, dans certains cas des
sommes record, pour les salaires et les bonus de leurs employés.
En 2008, la Deutsche Bank, enregistrait les
plus fortes pertes de son histoire, 3,9 milliards d’euros (5,5 milliards de
dollars). Comment expliquer un tel revirement ?
Un récent article paru dans l’hebdomadaire Der
Spiegel et intitulé « Le retour de la cupidité — les banques rouvrent
le casino mondial » donne un bref aperçu de la question. L’article cite un
influent ancien banquier qui a déclaré, « Il y a quelques années, les
banques d’investissement devenaient riches grâce à l’argent de leurs clients.
Lorsque ces ressources devinrent trop faibles, elles se retournèrent sur
l’argent de leurs actionnaires. A présent, elles se sont procuré le plus
important réservoir que le monde puisse offrir : l’argent des
contribuables. »
L’article cite le gérant des opérations
bancaires allemandes d’une banque d’investissement internationale qui a dit,
« Le contribuable paie les jetons de casino… on ne pourrait mieux
faire. »
Suite à l’effondrement de Lehman Brother en
septembre 2008, le gouvernement américain était intervenu avec un énorme plan
de sauvetage. Depuis, le gouvernement américain a initié des programmes pouvant
allouer jusqu’à 23,7 billions de dollars pour étayer le système financier, une
somme correspondant à 1,7 fois le produit intérieur brut des Etats-Unis.
Les mesures adoptées par Washington furent
copiées par les gouvernements dans le monde entier.
Sur l’ordre des banquiers, notamment Josef
Ackermann, le patron de la Deutsche Bank, le gouvernement allemand avait
préparé à la fin de l’année dernière un plan de sauvetage des banques
allemandes s’élevant à 500 milliards d’euros. Depuis, il a promis de mettre à
la disposition du monde financier des centaines de milliards supplémentaires dans
le cadre de la mise sur pied des « bad banks ».
L’on admet que depuis l’éruption de la crise
financière en septembre 2008, les gouvernements ont engagé un total de 18 billions
de dollars de fonds public pour la recapitalisation du système bancaire, une
somme correspondant à près de 30 pour cent du PIB mondial. Dans pratiquement
tous les principaux pays industrialisés, les grandes banques et institutions
financières jugées être des « institutions au risque systémique »
bénéficient de chèques en blanc de la part de leur ministère des Finances
respectif.
Les mesures de sauvetage adoptées par les
gouvernements nationaux représentent un immense filet de sécurité pour les banques
leur permettant une fois de plus de se lancer dans des opérations hautement
spéculatives. Le niveau des dettes résultant des plans de sauvetage et d’autres
formes de programmes conjoncturels ont pris des proportions gigantesques et que
des générations à venir devront rembourser.
Dans le même temps, l’endettement rapide du
gouvernement offre des possibilités lucratives juteuses aux banques. Le négoce
de titres de dettes liés aux plans de sauvetage est en passe de devenir une
activité centrale des grandes banques. L’on s’attend à ce que l’endettement
moyen des gouvernements de l’Union européenne passe cette année à 80 pour cent
du PIB et il devrait même être plus élevé en 2010. En Grande-Bretagne, la dette
gouvernementale est censée atteindre 100 pour cent du PIB en 2009. La dette du
gouvernement japonais pourrait atteindre 200 pour cent d’ici 2011, et la dette
gouvernementale des Etats-Unis pourrait la même année vraisemblablement
atteindre 100 pour cent du PIB.
Comme les taux d’endettement augmentent de par
le monde, les agences de notations sont en train de rétrograder le ratio de la
solvabilité des pays concernés qui devront ensuite payer aux banques des taux
d’intérêt plus élevés pour leur crédit. Pour les banques, c’est la situation
classique du double gagnant (win-win).
Dans le même temps, les banques hésitent à
investir dans les entreprises parce que, comme elles disent par euphémisme,
« dans le contexte actuel incertain du climat financier » l’avenir
des firmes normales et des grandes entreprises est « trop risqué ».
Devant faire face au refus des banques d’accorder des crédits, les entreprises
industrielles et commerciales sont obligées de vendre des obligations à taux
d’intérêt bien plus élevé. Les banques font des bénéfices en spéculant sur le
négoce de ces obligations.
L’article de Der Spiegel poursuit,
« Il y a comme une ironie de voir que la crise actuelle qui avait commencé
sur les marchés financiers renforce à nouveau les marchés financiers. Le volume
des émissions obligataires a littéralement explosé. Rien qu’en Europe
continentale, les entreprises, et sans compter les banques, ont emprunté 318
milliards de dollars (par la vente d’obligation) durant les six premiers mois
de cette année… c’est une augmentation d’environ 50 pour cent par rapport à la
moyenne de ces trois dernières années. »
Parallèlement à cette hausse énorme des
bénéfices bancaires, le salaire du personnel bancaire a explosé à la hausse.
Selon une évaluation du cabinet Johnson Associates, les salaires sont censés
augmenter cette année en moyenne de 20 à 30 pour cent dans l’ensemble du
secteur bancaire.
La rémunération des employés de Goldman Sachs
devrait être en moyenne de l’ordre de 770 000 dollars cette année, la plus
forte rémunération annuelle de l’histoire de la banque.
Citigroup qui a reçu 45 milliards de dollars
d’aide en argent liquide du gouvernement américain auxquels se sont ajoutés
plus de 300 milliards de dollars de garanties de ses actifs, et dont le
gouvernement détient à présent 34 pour cent du capital, projette cette année
d’augmenter de 50 pour cent les salaires pour compenser des bonus plus faibles.
D’autres banques, y compris UBS et Morgan Stanley, accordent également à leurs
salariés des augmentations de salaire appréciables de l’ordre de 30 à 60 pour
cent.
En Allemagne, Michael Kemmer, le président du
directoire de la BayernLB qui a perçu des dizaines de milliards d’aides
publiques pour éviter la faillite a réaffirmé son intention de verser aux
salariés de sa banque des bonus de « motivation. »
Ces salaires mirobolents sont versés de façon
disproportionnelle aux cadres et aux opérateurs de marché qui peuvent escompter
des salaires et des bonus s’élevant à des millions et des dizaines de millions
de dollars.
Les grandes banques, telles Goldman Sachs,
JPMorgan Chase et Deutsche Bank saisissent l’occasion sans pareil qui s’offre à
elles pour faire de l’argent en engageant une stratégie offensive dans le but
d’éliminer leurs concurrents.
Dans l’édition de mercredi du Financial
Times, le patron de la Deutsche Bank, Ackermann, a rendu hommage aux
mesures prises par les gouvernements de par le monde en accord avec les banques
en leur demandant de renforcer leurs efforts afin de sauvegarder les intérêts
des principaux acteurs financiers du monde.
Ackermann écarte le reproche que c’est le monde bancaire qui
est responsable de la crise actuelle et déclare que toute initiative en vue de
créer des banques plus petites serait contre-productive. Au lieu de cela, il
exige de nouvelles mesures pour protéger les intérêts « de complexes
institutions financières mondiales », c’est-à-dire de grandes banques
telles la Deutsche Bank.
Un influent banquier d’affaires de la Deutsche Bank, Anshu
Jain, a dit en mai au magazine britannique Euromoney, qu’à l’avenir, « il existerait cinq ou six acteurs
mondiaux dans le domaine d’activité des banques de financement et
d’investissement ».
Ces organismes financiers géants de l’investissement et de la
finance constitueront, selon Der Spiegel, un nouvel
« oligopole » financier bénéficiant d’un accès sans pareil aux
deniers publics et à la bourse du contribuable. Plus que jamais, les banques
imposent à l’Etat leur politique indépendamment de la composition politique du
gouvernement. Ce sont les banquiers et leurs groupes de pression qui mènent la
dance à Washington, Berlin et Londres.
Le PDG de Goldman Sachs, JPMorgan Chase et Deutsche Bank
considèrent l’actuelle crise pour laquelle ils sont en grande partie
responsables, comme une chance qu’il faut exploiter sans ménagement. Pour la
classe ouvrière, ceci signifie une exploitation plus intensive de la
main-d’œuvre et la destruction de tout ce qui reste des acquis des luttes
sociales de plus d’un siècle.
Dans toutes les capitales du monde, les gouvernements
préparent une contre-révolution sociale. C’est en cela que réside la
signification de la réforme du système de santé et l’intervention de la Maison-Blanche
dans la restructuration de l’industrie automobile en fonction des intérêts de
profits de Wall Street.
Le gouvernement allemand qui, dans quelques mois, sera
confronté au défi des élections législatives est obligé d’être plus prudent.
Néanmoins, il est d’ores et déjà évident que la grande coalition formée par les
partis conservateurs (CDU-CSU) et le Parti social-démocrate (SPD) est
volontiers prête à ce que de grands groupes industriels, tels Opel, ouvrent une
procédure d’insolvabilité tandis que des attaques massives contre les systèmes
de santé et de retraite sont en préparation et qui seront perpétrées sitôt les
élections passées.
Le casino financier mondial risque de plonger l’économie et la
société dans une catastrophe encore plus grande. Si le contrôle de l’économie
mondiale est maintenu entre les mains d’Ackermann et consorts, l’humanité sera
confrontée à un désastre. Il est plus urgent que jamais que les principales
institutions financières soient expropriées et soumises au contrôle
démocratique de la classe ouvrière internationale dans le cadre d’une économie
socialiste mondiale planifiée.