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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le président de l’UE déclare que la politique économique américaine est engagée sur une « voie vers l’enfer »

Par Stefan Steinberg
1er avril 2009

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Un jour seulement après avoir été contraint de démissionner de son poste de premier ministre du gouvernement tchèque, Mirek Topolanek, qui assure actuellement la présidence tournante de l’Union européenne, a ouvertement critiqué la politique financière du gouvernement américain en disant aux députés du parlement européen que les Etats-Unis étaient engagés sur une « voie vers l’enfer ».

S’adressant mercredi au parlement européen, Topolanek a averti que les coûts énormes des plans de sauvetage et des aides financières débloqués par le gouvernement américain mené par le président Barack Obama « nuiraient à la stabilité du marché financier mondial ». Le président de l’UE a alors déclaré que le gouvernement américain était coupable de protectionnisme et que le gouvernement d’Obama risquait de répéter les erreurs commises lors de la Grande Dépression des années 1930.

Les remarques de Topolanek, faites en tant que porte-parole officiel de l’Union européenne, représentent un défi sans précédent lancé au gouvernement américain et à sa politique, à une semaine seulement de la rencontre des dirigeants européens avec Obama, pour discuter lors du sommet du G20 à Londres des mesures visant à venir à bout de la crise économique mondiale. Topolanek lui-même doit accueillir le président américain lorsque celui-ci se rendra dans la capitale tchèque, Prague, la semaine prochaine pour son premier sommet de l'OTAN.

Alors qu’une poignée de députés européens se sont empressés de critiquer les commentaires de Topolanek, il ne fait pas de doute que l’ancien premier ministre tchèque a exprimé les sentiments ressentis par nombre de députés européens et de chefs de gouvernement européens qui sont de plus en plus alarmés par la politique financière agressive du gouvernement américain. Lors de leur sommet de printemps qui s’est tenu à la fin de la semaine dernière les dirigeants européens avaient déjà rejeté les exigences américaines pour l’adoption de nouveaux plans de relance alors que certains responsables européens avaient ouvertement critiqué les méthodes de « harcèlement » employées du côté américain.

Le sommet de l’UE avait été suivi d’un débordement d’activité diplomatique de part et d’autre de l’Atlantique lors duquel les deux côtés, européen et américain, avaient intensifié leur campagne respective.

Dans un entretien accordé au Wall Street Journal du 23 mars, le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, a défendu la décision des chefs d’Etat européens, menés par l’Allemagne et la France, de ne pas injecter d’argent dans leur économie sous forme d’énormes plans de relance.

Recourant à une phrase souvent employée par la chancelière allemande Angela Merkel, Trichet a déclaré, « Ce n’est pas une course ! » quant à quel pays appliquera le plus gros plan de relance. Trichet a souligné que le niveau de dépense publique en Europe dépassait déjà de loin celui des Etats-Unis en laissant entendre que l’UE était préoccupée par le fait que trop d’investissement pour combattre la crise pourrait affaiblir la discipline fiscale et finir par raviver l’inflation.

Trichet a instamment demandé au côté américain d’appliquer aussi vite que possible ses propres plans de relance tout en minimisant toute divergence avec l’Europe : « Ce que je recommanderais aux Etats-Unis, c’est de faire maintenant ce qui a été décidé aussi efficacement et aussi rapidement que possible… Allons-y ! Une application rapide, un déboursement rapide, c’est ce qui est nécessaire maintenant. » Il a fait remarquer qu'il ne s'agissait pas de s'embarquer dans des querelles inutiles et contreproductives. Dans le même temps, cependant, Trichet a précisé que l’Europe ne suivrait pas la même voie.

Le lendemain de l’entretien de Trichet, le premier ministre britannique, Gordon Brown, a fait une déclaration au parlement européen dans laquelle il a lancé un appel aux législateurs en vue d’augmenter leurs dépenses fiscales. « Ensemble nous pouvons mettre en place des dispositifs pour la plus grande relance fiscale », a dit Brown.

Lors du sommet de printemps de l’UE, Brown s’était retrouvé à la traîne des autres grandes puissances européennes en acceptant le communiqué final à contrecœur qui excluait tout nouveau plan de relance dans un avenir proche. A présent, toutefois, Brown essaie de profiter des quelques derniers jours qui précèdent le sommet du G20 pour briser la résistance européenne aux plans de relance massifs du genre « quantitative easing » [assouplissement quantitatif] introduits par son propre gouvernement.

Le président américain est également intervenu dans le conflit en faisant passer mardi son propre message. Lors d’une conférence de presse, Obama a implicitement critiqué les pays qui refusaient de promulguer des plans de relance supplémentaires. Obama a dit, « Nous ne voulons pas d’une situation dans laquelle certains pays consentiraient à des efforts extraordinaires et d’autres non, en espérant simplement que les pays prenant ces mesures importantes permettront à tous de s'en sortir. »

Les critiques de Topolanek concernant les mesures américaines ont été faites le lendemain. Tandis que les commentateurs politiques s'efforcent de minimiser la signification de ses remarques en signalant que le politicien tchèque était réputé pour être enclin à la confrontation, son attitude jouit d’un vaste soutien dans les milieux politiques européens.

Les dirigeants européens craignent que l’injection massive de liquidités par la Réserve fédérale et d’autres banques centrales importantes dans le système bancaire mondial ne remette en question le système européen de stricte limitation du taux d’endettement de l’Etat et qui à son tour sert à étayer la stabilité de l’euro.

Dans le même temps, étant donné que les emprunts américains absorbent une telle quantité des fonds disponibles mondialement, les gouvernements européens anticipent qu’ils auront de plus en plus de difficultés à satisfaire leurs propres besoins en capitaux. De plus, les politiciens européens, notamment l’establishment politique allemand, sont préoccupés par l’éventuelle poussée inflationniste résultant d’une politique fondée sur l’impression de billets.

A cet égard, les pays de l’UE, l’Allemagne en tête, ont souligné que le sommet du G20 à venir doit avant tout prendre des mesures efficaces renforçant la régulation financière internationale. Les questions en jeu dans le conflit grandissant entre l’Europe et les Etats-Unis ont été énoncées dans un éditorial paru dans le journal tchèque Hospodářské noviny.

En commentant le sommet de printemps de l’UE de la semaine dernière, le journal écrivait le 23 mars, « L’UE a décidé de ne pas répondre à l’appel de Barack Obama et de ne pas injecter davantage de milliards dans l’économie. L’Allemagne et la République tchèque qui assure la présidence de l’UE étaient dès le départ parmi les minimalistes. Désormais les autres les ont aussi rejoints. Les Européens n’ont pas été dupes du message du conseiller économique d’Obama, Larry Summers, selon lequel chaque dollar investi par l’Etat dans l’économie se transformera en un dollar et demi de croissance économique. La retenue de l’Europe fera qu’elle évitera de tomber dans le piège de l’endettement. Elle ne peut pas se permettre un tel luxe parce que sinon un certain nombre de pays risqueraient la faillite. Le Vieux Monde et le Nouveau Monde s’éloignent de plus en plus l’un de l’autre dans leur attitude concernant les mesures indispensables à prendre pour stimuler l’économie. Cela ne présage rien de bon pour un projet commun de lutte contre la crise lors du sommet du G20 à Londres. »

Les commentaires récents de Mirek Topolanek ne servent qu’à attiser les tensions entre les Etats-Unis et l’Europe avant le sommet du G20. Il existe un autre aspect politique important aux remarques faites par l’ancien premier ministre tchèque. Durant les décennies qui ont suivi la restauration du capitalisme dans les pays ayant fait partie de l’ancien bloc soviétique stalinien, les Etats-Unis avaient pu miser sur un soutien politique considérable et sur la bonne volonté des Etats d’Europe de l’Est.

A la fin du 20e siècle et au début du 21e siècle, les Etats-Unis tout comme leur système de libre marché débridé étaient considérés être un modèle pour l’Europe de l'Est et les Etats baltes. Au cours de la guerre en Irak, par exemple, les Etats-Unis avaient pu compter sur le soutien d’un bon nombre de pays de l’Est. L’ancien secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, avait même cherché à exercer des pressions sur les nations d’Europe occidentale (« la vieille Europe ») en soulignant les relations harmonieuses entre les Etats-Unis et la soi-disant « nouvelle Europe », à savoir, les pays de l’Europe de l’Est.

La crise financière internationale a toutefois retracé la carte politique avec toute une couche de politiciens des pays d’Europe de l’Est se rangeant à présent ouvertement du côté des pays les plus performants d’Europe occidentale tels l’Allemagne et la France contre les Etats-Unis. Quant à ces derniers, ils se sentent renforcés quand il s’agit de s’opposer à Washington.

La guerre des mots avec l’outre Atlantique, qui va s'aggravant, reflète des divergences politiques impondérables et croissantes entre les Etats-Unis et l’Europe et qui excluent tout accord contraignant lors du sommet du G20 la semaine prochaine.

(Article original paru le 27 mars 2009)


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