Les prévisions officielles du déclin
économique de l’Allemagne sont corrigées à des intervalles de plus en plus
courts. La crise financière et économique internationale a des effets bien plus
dévastateurs que ceux escomptés jusque-là. Mardi, l’Organisation de coopération
et de développement économique (OCDE) a dû revoir à la baisse ses prévisions
économiques pour l’Allemagne. Un rapport spécial établi en vue du sommet du G20
anticipe une chute de 5,3 pour cent du développement économique de l’Allemagne.
En novembre, l’OCDE avait prédit un déclin de 0,9 pour cent.
Le chômage a grimpé de nouveau en mars pour
atteindre les 3,6 millions, soit un taux de 8,6 pour cent. Depuis
l’introduction des statistiques du chômage il n’avait jamais été enregistré de
hausse au mois de mars.
L’agence fédérale pour l’emploi (Bundesagentut
für Arbeit, BA) a annoncé cette semaine que les entreprises allemandes avaient
enregistré 1,6 million de salariés au chômage partiel entre novembre 2008 et
février 2009. Ce chiffre représente 26 fois celui enregistré durant la même
période l’an dernier. La BA s’attend à un nouveau record des cas de chômage
partiel en mars avec l’enregistrement de 680.000 à 740.000 nouvelles demandes.
Le rapport de l’OCDE anticipe une montée
dramatique du chômage en 2009 et qui s’étendra à 2010. Klaus Schmidt-Hebbel,
économiste de l’OCDE, a dit : « Selon nos prévisions, le chômage
passera à 11,5 pour cent en 2010 dépassant ainsi la barre des 5
millions. »
L’OCDE s’attend aussi à ce que l’Allemagne
soit confrontée à un accroissement rapide de la dette publique. Le déficit de
l’Etat passera cette année à 4,5 pour cent et à 6,8 pour cent en 2010.
Dans les mois à venir, le chômage augmentera
fortement dans tous les pays de l’OCDE sans exception pour atteindre son point
culminant début 2011. L’OCDE s’attend à ce que le chômage dans les sept pays
les plus industrialisés (G7) atteigne 36 millions d’ici la fin de l’année
prochaine, soit près du double de mi-2007.
Une analyse effectuée par la Commerzbank
prévoit que les choses pourraient empirer car la production industrielle
allemande va rétrécir jusqu’à 7 pour cent dans le courant de l’année prochaine.
Les économistes de la deuxième banque
allemande avaient précédemment anticipé un déclin économique de l’ordre de 3 à
4 pour cent. Les derniers chiffres cités dans le rapport de la Commerzbank
montrent que « les entrées de commandes industrielles et les données de
production publiées en janvier avaient chuté de façon spectaculaire, et ce
d’une manière qui n’a pas son pareil dans toute l’histoire de l’Allemagne
d’après-guerre. »
Ce recul extrêmement fort des entrées de
commandes a « coupé l’herbe sous les pieds » des prévisions précédentes
a expliqué Jörg Krämer, un économiste de la Commerzbank. Par comparaison au
quatrième trimestre de l’année dernière qui était déjà mauvais, la croissance a
reculé d’environ 1,5 pour cent. Faisant une estimation chiffrée à partir de là,
Krämer s’attend à un recul de 6 pour cent. Mais « l’effondrement des
entrées de commandes » de ces dernières semaines indique que la production
industrielle continuera de baisser et les chiffres pourraient même se révéler
être pires que ce qui était à craindre.
L’Organisation mondiale du commerce (OMC)
avait prédit la semaine passée un déclin du commerce mondial de 9 pour cent, ce
qui serait la plus forte baisse depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La
croissance du commerce mondial s’était déjà considérablement ralentie dans la
seconde moitié de l’année 2008. Le fait que l’Allemagne dépende fortement des
exportations signifie qu’elle est durement touchée par cette évolution. La
fédération allemande du commerce extérieur s’attend cette année à un recul de
l’ordre de 15 pour cent des exportations, près du double des estimations
précédentes.
Face à ce développement, une grande partie de
la population verra ses conditions de vie se détériorer de façon spectaculaire.
Les élections législatives prévues en septembre auront lieu dans des conditions
de conflits sociaux et de luttes de classe féroces .
Certains journalistes en sont aussi tout à
fait conscients. C’est ainsi qu’un récent article paru le 25 mars dans le Süddeutsche
Zeitung portait le titre, « Le krach se rapproche. » L’article
dit, « Les Allemands ne ressentent pas encore la récession économique,
mais cela changera bientôt. » On ne peut plus nier plus longtemps
l’« amère réalité » : « L’année 2009 sera vraiment
catastrophique. »
Le décalage entre la manière dont la
« crise est ressentie et les données économiques extrêmement
mauvaises » disparaîtra très vite, remarque l’article. « Dans
quelques mois, la crise frappera de plein fouet le marché du travail. Des
centaines de milliers de personnes perdront leur emploi. Le nombre de chômeurs
pourrait s’accroître de plus de 1,5 million d’ici fin 2010. Au sein de nombreux
ménages qui apparaissent encore étonnamment détendus face à la crise, le
désespoir prévaudra. »
Une controverse est apparue au sein du
gouvernement quant à la meilleure manière de reporter le fardeau de la crise
sur le dos de la population laborieuse. Les représentants des principales
fédérations patronales et leurs alliés proches de l’Union chrétienne-démocrate
(CDU)/Union chrétienne-sociale en Bavière (CSU) et du Parti libéral démocrate,
(FDP) sont déterminés à imposer une nouvelle redistribution des richesses du
bas vers le haut. Ils veulent exploiter la crise et le chômage de masse pour
réduire les salaires et aggraver considérablement les conditions de travail.
Les « réformes » de l’Agenda 2010 appliquées initialement par le
gouvernement précédent social-démocrate-Verts de Gerhard Schröder et Joschka
Fischer, bas salaires, diminution des acquis sociaux et pauvreté de masse,
doivent être poursuivies coûte que coûte.
La chancelière Angela Merkel (CDU) ainsi
qu’une section du CDU/CSU pensent que le choix de la confrontation serait trop
risqué pour l’heure. Ils redoutent des protestations sociales et des luttes de
classe qui ne pourraient être contrôlées qu’à grand-peine. Ils cherchent à
gagner du temps jusqu’aux élections.
Les sociaux-démocrates tentent d’exploiter la
controverse qui existe au sein du CDU/CSU pour leur propre compte électoral. Ce
même parti qui, avec les Verts, avait introduit la main-d’œuvre bon marché et
les attaques massives contre les acquis sociaux se plaint à présent de
l’augmentation du chômage et de la misère de masse. Et ce, en dépit du fait que
depuis dix ans les ministres du Travail et des Finances sont issus des rangs du
SPD, lequel fait partie de la grande coalition avec le CDU.