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WSWS : Nouvelles et analyses : Asie centrale

L’OTAN soutient l’escalade de la guerre en Afghanistan

Par Chris Marsden
7 avril 2009

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Le sommet de l’OTAN organisé à l’occasion de son soixantième anniversaire à Strasbourg en France et à Kehl en Allemagne s’est terminé avec un engagement par l’Europe d’envoyer « jusqu’à » 5000 soldats supplémentaires en Afghanistan.

Il était impossible pour les dirigeants européens de prendre un engagement moins important sans que cela soit vu comme une manifestation de leur opposition aux Etats-Unis. Néanmoins, cet engagement ouvre la voie à une escalade de la guerre en Afghanistan et à son élargissement au-delà de sa frontière avec le Pakistan, des objectifs clés de la politique étrangère de l’administration Obama.

Tout en conservant une force de frappe importante en Irak, le président américain Barack Obama s’est fait le champion d’un changement de politique militaire demandé depuis longtemps par les sections de la bourgeoisie américaine envers l’Asie centrale et l’Asie du Sud, des points stratégiques fondamentaux pour l’impérialisme américain. Le succès militaire en Afghanistan est vu comme un élément central d’une politique pour contrer l’influence mondiale de la Russie et de la Chine et pour assurer l’hégémonie américaine sur des ressources stratégiques comme le pétrole, les pipelines, les grandes voies de transport et les marchés.

Le contrôle de l’Afghanistan donnerait aux Etats-Unis un accès aux régions sous influence russe comme le Caucase, les pays de l’Asie centrale ex-républiques de l’URSS ainsi que l’Iran. Cela menacerait aussi le principal allié de la Chine du sous-continent indien, le Pakistan.

A cette fin, Obama a annoncé un « renfort » militaire semblable à celui envoyé en Irak avant les prochaines élections afghanes annoncées pour août 2009. Les Etats-Unis y enverront 21 000 soldats supplémentaires auxquels Obama considère ajouter 10 000 soldats. Les Etats-Unis ont déjà 38 000 soldats en Afghanistan sur les 70 000 soldats étrangers dans ce pays. Si l’on considère les soldats ayant un rôle de combat, la proportion des soldats américains est encore plus importante.

Au moins 12 000 soldats américains ne sont pas sous l’autorité de l’OTAN.

En amenant le nombre des soldats américains en terre afghane à plus de 60 000, Obama espère renforcer le contrôle par les Etats-Unis de ce territoire stratégique. Mais il désire tout de même une augmentation substantielle de la présence de l’aide logistique et militaire de l’Europe pour ralentir la spirale des coûts et pour lier l’Europe fermement à la guerre.

Dans un discours public qu’il a donné à Strasbourg en France vendredi dernier, Obama a mis l’accent sur le fait que la guerre en Afghanistan continuera malgré le changement à la présidence. Alors que l’administration a cessé ses références à la « guerre contre la terreur », Obama a dit « Je crois qu’il est important pour l’Europe de comprendre que même si je suis actuellement le président et que George Bush n’est plus président, al-Qaïda est toujours une menace… Ce sera un défi très difficile. »

Pour justifier sa prolongation de l’occupation américaine de l’Irak et son intensification des attaques contre l’Afghanistan et le Pakistan, Obama reprend à son compte les prétextes qu’avait avancés l’administration Bush pour défendre ses entreprises néocoloniales, y compris la soi-disant menace d’al-Qaïda. Ces prétextes n’ont pas été mis en question par une seule puissance européenne.

Les puissances européennes sont trop heureuses de maintenir une présence dans l’opération militaire en Afghanistan pour empêcher que ce pays ne devienne un fief exclusif des Etats-Unis et elles veulent empêcher qu’elle ne dégénère en une débâcle encore pire que celle de l’Irak. Mais ils sont aussi prudents de ne pas se faire aspirer dans un conflit très impopulaire qui s’intensifie, comme l’indique le rassemblement de 30 000 personnes au sommet de deux jours à Kehl en Allemagne et à Strasbourg en France.

Obama a proclamé que les partenaires de l’OTAN avaient accepté de déployer environ 5000 soldats et entraîneurs « pour avancer la nouvelle stratégie [de Washington] ». La Maison-Blanche a déclaré qu’au total, dix pays avaient promis de déployer de nouvelles forces. Le secrétaire général sortant de l’OTAN, le général Jaap de Hoop Scheffer a affirmé « Il faut retenir que sur la question de l’Afghanistan, ce sommet et cette alliance ont livré la marchandise. »

En fait, cela est loin d’être le cas. Le petit nombre de soldats supplémentaires déployés en Afghanistan n’est que temporaire (jusqu’aux élections présidentielles afghanes) et est principalement destiné à des opérations hors combat.

Le principal allié d’Obama dans la recherche de l’augmentation du nombre des soldats en Afghanistan est le premier ministre britannique Gordon Brown. Le jour avant le sommet, Brown a offert d’envoyer plus de mille soldats en Afghanistan en accord avec Obama dans le but de faire pression sur les autres pays européens pour qu’ils fassent de même. La Grande-Bretagne a actuellement 8100 soldats en Afghanistan. Toutefois, le quotidien The Independent a noté qu’Obama avait en fait demandé de 2000 à 3000 soldats supplémentaires permanents à la Grande-Bretagne, ce qui fut accueilli par « une opposition inflexible au sein du gouvernement, y compris au Trésor sur la base des coûts que cela impliquerait ».

Ce petit déploiement temporaire se terminera en octobre et comprend les 250 soldats qui ont déjà été envoyés en Afghanistan depuis le début de l’année.

Le gambit de Brown a de toute façon été un échec. Un des hôtes du sommet, le président français Nicolas Sarkozy, a rejeté tout engagement supplémentaire de la France, acceptant seulement que 150 policiers militaires supplémentaires participent à l’entraînement de la police civile afghane.

La chancelière de l’Allemagne, Angela Markel, n’a pas modifié son engagement antérieur d’envoyer 600 soldats de plus en Afghanistan jusqu’à l’élection présidentielle, ce qui porterait le nombre de soldats allemands dans ce pays à 4100. Ils font tous partie des forces non combattantes positionnées au nord du pays.

Steve Flanagan, du Centre d’études stratégiques et internationales de Washington a décrit les engagements comme « le simple minimum… La partie la plus difficile de la mission va être de plus en plus sous la responsabilité de la coalition dirigée par les Etats-Unis. Il y aura toujours le drapeau de l’OTAN, mais lorsqu’on regarde les nombres, il n’y a pas une très grande division du travail. »

Obama n’a pu cacher sa déception, qualifiant les engagements de « simple acompte ». Le Sunday Times a commenté d’un ton acide, « Il a raison, mais il est optimiste s’il s’attend à d’autres paiements. Si un nouveau président américain avec la meilleure volonté possible ne peut convaincre l’OTAN d’en faire plus maintenant, il n’y arrivera jamais. »

Depuis la chute de l’Union soviétique, il y a des demandes répétées pour un rôle militaire européen plus important et indépendant, suscitant seulement des désaccords si cela devait être fait au sein ou à l’extérieur de l’alliance de l’OTAN.

Obama souhaitait que le sommet de Strasbourg renforce les liens entre les Etats-Unis et l’Europe. Il défend la nouvelle « Déclaration sur la sécurité de l’Alliance », approuvée à Strasbourg, qui déclare, « L’OTAN reconnaît l’importance d’une défense européenne plus forte et plus performante et se félicite des efforts que l’Union européenne déploie pour renforcer ses capacités et son aptitude à relever les défis de sécurité communs… Nous sommes déterminés à faire en sorte que la relation OTAN‑UE soit un partenariat stratégique et effectif, selon les décisions prises par l’OTAN et par l’UE. »

A la rencontre publique organisée avant le sommet de Strasbourg, Obama a déclaré : « Il faut être honnête, dans les dernières années nous avons laissé notre alliance partir à la dérive. Je sais qu’il y a eu d’honnêtes désaccords sur des questions de politiques, mais nous savons aussi que quelque chose d’autre s’est infiltré dans notre relation. »

L’Europe possède une force de réaction rapide de l’OTAN de 25 000 soldats et une force de réaction rapide de l’UE de 60 000 militaires. Mais la participation continue à l’OTAN dépend de certaines conditions et doit servir les propres intérêts de la bourgeoisie européenne. C’est un moyen pour elle de s’affirmer en tant que force militaire mondiale d’une manière qui serait autrement impossible.

Le sommet de Strasbourg s’est déroulé après que Sarkozy eut ratifié l’entente réintégrant la France au sein du commandement de l’OTAN, 43 ans après le retrait effectué par Charles de Gaulle pour mettre sur pied une force de dissuasion nucléaire indépendante.

Sarkozy a pris cette décision avec le soutien de Merkel dans des efforts conjoints, tels qu’observés lors du précédent sommet du G20, pour présenter une position européenne plus forte et unifiée. Sarkozy a clairement exprimé au sommet que le déploiement de soldats additionnels en Afghanistan et ailleurs devait servir à développer l’influence française. « On engage la vie de nos soldats et on ne participe pas au comité qui définit les objectifs de l’OTAN », a-t-il affirmé. « Le moment est donc venu de mettre fin à cette situation. »

En dépit du développement des tensions entre les Etats-Unis et l’Europe, le sommet de l’OTAN va néanmoins signaler le recours continu au militarisme de style colonial mené par Washington, avec la bénédiction et l’assistance de Paris, Berlin, Londres et Rome.

Le seul conflit à régler à propos de l’Afghanistan, outre la question du nombre de soldats à déployer, est l’approbation, par le président afghan Hamid Karzaï, d’une loi déterminant les relations familiales pour la minorité chiite. Le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme a déclaré que la loi « légalise le viol » à l’intérieur du mariage en obligeant les femmes à avoir des relations sexuelles lorsqu’exigées, statue que les femmes ne devraient pas quitter la maison sans la permission de leur mari, accorde automatiquement la garde des enfants aux pères et permet le mariage entre mineurs. Cette loi est actuellement sous étude.

Rien n’a été dit en opposition à l’escalade militaire en Afghanistan, aux attaques de missiles américaines sur la frontière du Pakistan qui ont rasé des villages entiers et transformé un demi-million de personnes en réfugiés ou à la menace d’une guerre dans cette nation de 173 millions de personne.

Plutôt, Obama, Merkel et Sarkozy ont joint leur voix pour s’assurer que le premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen soit nommé nouveau secrétaire général de l’OTAN. Rasmussen fut un loyal allié et ami de Bush dans la guerre contre l’Irak, acclamant sa défense des « idéaux de liberté contre la soumission » et appuyant l’emprisonnement sans procès pratiqué à Guantanamo Bay. Ayant joué un rôle de premier plan dans la défense des provocations du quotidien Jyllands-Posten, lorsque celui-ci a publié des caricatures de Mahomet, sa nomination est certainement provocatrice et même agressive de par ses implications. L’opposition de la Turquie fut achetée par l’offre de divers postes à l’OTAN et la promesse que son appel pour intégrer l’UE irait de l’avant.

Ce qui unit encore aujourd’hui les Etats-Unis et l’Europe est un désir commun de confronter toute opposition de la Russie et de la Chine à leur influence mondiale. Deux nouveaux pays d’Europe de l’Est ont joint l’OTAN à Strasbourg : l’Albanie et la Croatie. L’intégration continuelle d’anciens pays du Pacte de Varsovie dans l’OTAN met la Russie en colère. D’intenses conflits ont éclaté en lien avec les plans des Etats-Unis d’établir leur soi-disant bouclier anti-missile en Pologne et en République tchèque et avec l’appui que l’OTAN a donné à la Géorgie dans le conflit impliquant l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud.

La « Déclaration sur la sécurité de l’Alliance » louange l’élargissement de l’OTAN comme « une réussite historique qui a permis de nous rapprocher de notre vision d’une Europe unie et libre » et promet que « la porte de l’OTAN restera ouverte à toutes les démocraties européennes », s’engageant à maintenir « un partenariat coopératif fort entre l’OTAN et la Russie ». On parlerait même de proposer à la Russie de devenir membre de l’OTAN. 

Moscou sait cependant qu’il est menacé. Durant le sommet du G20, le président russe Dimitri Medvedev a mis en garde contre une expansion de l’OTAN vers l’est. « Avant de prendre des décisions pour l’expansion du bloc, il faut d’abord penser aux conséquences », a-t-il dit. « Je le dis franchement à mon nouveau camarade, le président américain Barack Obama. L’OTAN doit penser au maintien de son unité et à ne pas nuire aux relations avec ses voisins. »

(Article original anglais paru le 6 avril 2009)

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