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WSWS : Nouvelles et analyses : Economie mondiale

Conférence de Copenhague : un gouffre du discours au geste

Par Peter Symonds
15 décembre 2009

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Avant même que ne commence à Copenhague, au Danemark, la conférence sur le climat, on avait écarté l’objectif de ratifier un traité ayant force d’obligation pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Le protocole de Kyoto de 1997 arrive à échéance en 2012 et Copenhague a été largement présentée comme la conférence où un nouveau document allait le remplacer. L’objectif plus limité d’un consensus politique autour des points de référence établis par la Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC) est aussi très improbable.

Le secrétaire de la Convention-cadre de l’ONU sur le changement climatique, Yvo de Boer, a confié à la BBC hier, pendant que se rassemblaient environ 18.000 délégués, officiels, lobbyistes et scientifiques, que la situation « se présentait très bien ». « Jamais en 17 ans de négociations sur le climat autant de pays auront pris de si nombreux engagements. Des gouvernements prennent des engagements presque chaque jour; c’est sans précédent », a-t-il lancé.

Mais de Boer a oublié d’ajouter que les promesses actuelles, même si elles étaient entièrement remplies, sont bien en deçà de ce que la majorité de scientifiques affirme être nécessaire pour limiter le réchauffement climatique et ses conséquences potentiellement désastreuses. Les profondes divisions entre les grandes puissances et les divers blocs qui s’étaient manifestés à la précédente conférence de l’ONU à Bali en décembre 2007 ont déjà commencé à apparaître avant la conférence de Copenhague.

Avant la conférence de Bali, le GIEC avait rendu public un important rapport qui appelait à une réduction des émissions de gaz à effet de serre par les pays industriels avancés de 24 à 40 pour cent d’ici 2020 par rapport au niveau de 1990 et une réduction des émissions globales de 50 à 80 pour cent d’ici 2050. Tandis que les puissances européennes, avec la Chine, l’Inde et d’autres pays industriels montants, cherchaient l’inclusion d’une référence aux cibles du GIEC dans la déclaration finale, les Etats-Unis dirigeaient un bloc de pays, dont le Japon, le Canada et l’Australie, qui s’est opposé à cette inclusion et a exigé que les soi-disant pays en développement respectent eux-mêmes ces cibles. Selon le protocole de Kyoto, les pays en développement ne sont pas tenus de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Ces mêmes conflits domineront la conférence de Copenhague. Tous affirmeront vouloir agir de concert pour ralentir le réchauffement climatique mais chaque délégation nationale cherchera d’abord à défendre ses intérêts économiques particuliers aux dépens de ses rivaux. En raison du manque d’accord entre les grandes puissances, le premier ministre Danois Lars Lokke Rasmussen, l’hôte de la conférence, avait laissé entendre le mois dernier qu’il faudrait attendre l’an prochain avait d’avoir un traité ayant force d’obligation.

Le gouffre séparant les paroles des gestes est particulièrement remarquable dans le cas de l’administration Obama. À la différence de son prédécesseur Bush qui, pour la majeure partie du temps où il était au pouvoir, niait la réalité du réchauffement climatique, le président a déclaré plus tôt cette année qu’il comprenait « l’importance de la menace du changement climatique » et a promis « d’être à la hauteur de nos responsabilités pour les générations futures ». Ses propositions pour limiter les émissions de gaz à effet de serre sont cependant bien en-deçà des cibles établies par le GIEC.

Les Etats-Unis, jusqu’à 2006 le plus important pays émetteur de gaz à effet de serre et maintenant deuxième derrière la Chine, n’ont jamais signé le protocole de Kyoto. En accord avec des projets de loi au Sénat et à la Chambre des Représentants, Obama défend une réduction des émissions de 17 pour cent d’ici 2020 selon le niveau de 2005. Comparativement aux cibles de l’ONU qui sont basées sur l’année 1990, ces réductions sont beaucoup plus faibles et n’équivalent qu’à une réduction de 3 à 4 pour cent d’ici 2020. De plus, même ce plan limité fait face à l’opposition concertée du Congrès.

L’opposition est exprimée non seulement par des intérêts américains majeurs dans le secteur de l’énergie. Dans des conditions d’une crise économique qui se poursuit aux Etats-Unis et mondialement, des critiques concernant la règlementation des émissions défendent l’idée que les manufacturiers américains seraient injustement désavantagés s’ils avaient à réduire leurs émissions alors que la Chine n’aurait pas à le faire. « Si nous passons une loi que le reste du monde ne suit pas, l’Oncle Sam deviendra l’Oncle Idiot et exportera tous nos emplois vers la Chine, » a dit le sénateur républicain Charles Grassley à un comité de finance le mois dernier.

La Chine, tout comme d’autres pays en développement comme l’Inde et le Brésil, a rejeté tout engagement contraignant pour réduire les émissions, argumentant que ses émissions per capita sont beaucoup moindres et aussi que les pays industrialisés avancés sont principalement responsables de la hausse des niveaux de gaz à effet de serre il y a plus d’un siècle et doivent porter la majeure partie du fardeau pour arrêter la tendance. Beijing a annoncé le mois dernier qu’il réduirait l’intensité du carbone (la quantité de carbone émis par unité de PIB) d’au moins 40 pour cent d’ici à 2020 comparé au niveau de 2005, mais un taux plus faible par unité de PIB ne se traduit pas par une réduction totale des émissions. Le Brésil et l’Inde ont aussi proposé des réductions dans l’intensité du carbone de 38-42 pour cent et de 24 pour cent respectivement d’ici à 2020 comparé à 2005.

D’autres pays en développement, particulièrement un bloc de 42 petits états côtiers et situés sur des îles principalement dans le Pacifique et les Caraïbes, font pression pour que les pays industriels avancés fassent des réductions plus grandes de leurs émissions de carbone et fournissent une aide économique substantielle pour les aider à faire face à l’impact des changements climatiques et à réduire leurs propres émissions. Des offres d’assistance immédiates des grandes puissances sont anticipées ne pas dépasser les 7 ou 10 milliards, beaucoup moins que les 75 à 100 milliards que la Banque mondiale à estimé nécessaire à chaque année. D’autres estimations sont beaucoup plus élevées.

Les principaux exportateurs d’énergies comme les Etats du golfe, le Canada et l’Australie ont été résistants face à des réductions majeures d’émissions. Le négociateur principal de l’Arabie saoudite sur le climat s’est servi de la récente controverse concernant la divulgation de courriels par des scientifiques du climat à l’université de l’East Anglia afin mettre en doute toute connexion entre l’activité humaine et le réchauffement climatique. Les Etats du golfe ont argumenté pour obtenir des compensations pour la perte de revenu si l’utilisation des combustibles fossiles était diminuée.

L’Australie a seulement ratifié le protocole de Kyoto en 2007 après que le Parti travailliste ait pris le pouvoir. Cependant, malgré sa rhétorique sur la nécessité pour un changement, le premier ministre Kevin Rudd ne s’est engagé qu’à des réductions d’émissions de gaz à effet de serre entre 5 et 25 pour cent d’ici à 2020. Non seulement les réductions sont à partir de 2005, et non 1990, mais des réductions plus larges sont dépendantes d’un accord international qui satisfont aux demandes australiennes. Le présent marché de négociation et d'échange de droits d'émission de gaz à effet de serre fut bloqué par le sénat après que de profondes divisions qui ont émergé dans le parti libéral aient résulté dans la démission forcée du leader de l’opposition Malcolm Turnbull et dans le fait qu’il n’a pas tenu sa promesse faite dans un autre accord pour passer le projet de loi.

La crise politique en Australie reflète les intérêts qui sont en jeu à Copenhague. Alors que les opposants de Turnbull représentent les industries minières ayant de grands besoins en énergie, ceux qui soutiennent le marché de négociation et d'échange de droits d'émission de gaz à effet de serre sont appuyés par le capital financier et sont attirés par la possibilité de transformer l’Australie dans un centre de marché régional du carbone très lucratif. Selon le système de limites et d’échanges établi sous le protocole de Kyoto, les entreprises recevraient des « crédits » d’émissions qui pourraient être vendues à d’autres pollueurs industriels si leur production de carbone était inférieure aux limites qui leur seraient imposées. Des crédits supplémentaires pourraient être générés par des activités comme la reforestation dans les pays en développement.

Le marché du carbone le plus grand et le plus lucratif est le système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre de l’Union européenne (SCEQE, ou European Union Emissions Trading Scheme - EU ETS en anglais), sur lequel s’échange plus de 100 milliards de dollars en crédits d’émission de carbone dans une année. Les principales puissances européennes promettent des réductions des émissions de 20 à 30 pour cent en 2020 par rapport au niveau de 1990. Ces puissances font pression pour qu’on arrive à un accord à Copenhague, estimant qu’elles pourraient accroître leur domination sur le commerce mondial des crédits du carbone. Au sein des l’UE, toutefois, il y a toujours des différences marquées sur l’impact des diminutions, et certains pays, comme la Pologne, qui dépendent principalement du charbon, demandent un traitement spécial.

La plupart des signataires du protocole de Kyoto, y comprirent les puissances européennes, n’atteindront pas les cibles modestes de diminution des émissions pour 2012. Cela n’empêche pas que si on en arrivait à un accord à Copenhague au cours des prochaines semaines, celui prévoira une utilisation accrue du système d’échange des quotas d’émission qui ont déjà fait la preuve de leur inefficacité. Comme à Bali en 2007, l’Association internationale pour l'échange de droits d'émission fera probablement un acteur important à Copenhague.

Dans une interview qu’il a donnée la semaine passée au Guardian, l’éminent spécialiste du climat James Hansen a été cinglant dans sa condamnation des systèmes d’échanges des quotas d’émission de gaz à effet de serre, affirmant que c’était une voie « fondamentalement fausse ». « Je crois qu’il serait aussi bien que nous n’arrivions pas à un traité important, parce que si ce devait être quelque chose du type des accords de Kyoto, et que les gens s’entendent là-dessus, alors nous perdre des années à essayer de déterminer ce qu’il signifie exactement et ce qu’est un engagement, quels sont les mécanismes », a-t-il dit.

« Tout ce système d’objectifs à rencontrer, mais que vous pouvez ne pas satisfaire en achetant des crédits [sur le marché du carbone] signifie, vous savez, que c’est une tentative de continuer sans rien changer », a ajouté Hansen. Il a comparé les achats de droits de polluer aux indulgences que vendait l’Église catholique au Moyen-Âge, disant : « Les évêques récoltaient de grandes sommes avec ce système et les pêcheurs, eux, gagnaient leur ciel. Les deux partis aimaient l’arrangement malgré son absurdité. C’est exactement ce que nous avons. »

Malgré que ces critiques du système d’échanges des crédits du carbone avancé par Copenhague soient justifiées, Hansen n’offre aucune alternative. Comme beaucoup d’économistes et d’institutions, il faisait autrefois la promotion de la taxe sur le carbone pour forcer une diminution de la demande sur les énergies fossiles et encourager l’utilisation des sources d’énergie alternatives. En plus d’être très injuste socialement, une taxe sur le carbone continue à reposer sur le marché capitaliste anarchique dont le moteur est les profits à court terme, pas les besoins environnementaux et sociaux à long terme.

Comme les différentes délégations nationales se disputent à Copenhague à cause d’intérêts en concurrence, les spécialistes du climat avertissent que la recherche scientifique depuis la publication du rapport du GIEC a non seulement confirmation ses conclusions mais indique que certaines tendances associées au réchauffement climatique s’accélèrent plus vite que l’envisagions auparavant. Un rapport publié le mois dernier par un groupe de scientifiques, y compris beaucoup des principaux auteurs du GIEC, avertissait que pour empêcher les températures sur le goble d’augmenter de plus de 2 degrés centigrades au-dessus du niveau pré-industriel, les émissions mondiales de carbone doivent atteindre leur maximum entre 2015 et 2020, c’est-à-dire d’ici cinq à dix ans, et ensuite diminuer rapidement, grâce à une économie mondiale qui n’émettrait pratiquement pas de gaz à effets de serre bien avant la fin du siècle.

Le gouffre qui sépare ce qui est scientifiquement demandé et ce qui est discuté à Copenhague montre l’incapacité du système du profit à satisfaire un seul des besoins essentiels de l’humanité, y compris la viabilité à long terme de l’environnement. Alors que les dangers du réchauffement climatique demandent une réponse internationale intégrée et planifiée, les contradictions fondamentales du capitalisme (la contradiction entre une économie mondiale et le système démodé des Etats-nations et entre la production sociale et le système de profit) font de cela une impossibilité.

Pour arriver à réduire l’émission de gaz à effet de serre mondialement, il ne faut rien de moins qu’une réorganisation de toute l’économie mondiale sur une base socialiste. Un plan internationalement coordonné est nécessaire pour restructurer la production industrielle et agricole, tout comme il faut réorganiser la production d’énergie, les transports et la planification urbaine pour non seulement mettre un terme au danger d’un dérèglement catastrophique du climat, mais aussi pour fournir à tous les humains un niveau de vie décent et sûr.

(Article original anglais paru le 7 décembre 2009)


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