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  WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le NPA et les scandales politico-financiers de la France

Par Pierre Mabut et Alex Lantier
2 décembre 2009

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Les scandales politico-financiers en France présentent une contradiction frappante qui nécessite une explication. D’une part, il y a le haut rang des principaux accusés, un ancien président de la République Jacques Chirac, un ancien premier ministre Dominique de Villepin et un ancien ministre de l’Intérieur Charles Pasqua, et la gravité des délits : le financement illégal des régimes fantoches de la France en Afrique et les pots de vin substantiels tirés des ventes d’armes internationales. Objectivement, ces procès constituent un réquisitoire contre l’impérialisme français.

Et d’autre part, il y a le fait que la grande part des charges qui pèsent sur les accusés soit de nature mineure et technique. Chirac est accusé du financement de quelques dizaines d’emplois fictifs de responsables politiques lorsqu'il dirigeait la mairie de Paris et Villepin est accusé d’avoir envisagé un complot pour chercher à diffamer l’actuel président Nicolas Sarkozy au moyen de faux relevés bancaires. Personne ne s’est élevé pour protester contre ce qui est, dans les faits, un camouflage des véritables délits.

Le silence quasi-total des partis de « l’extrême-gauche » en France, est à cet égard tout particulièrement remarquable. Il est au coeur de la situation politique : aucun des partis traditionnels, y compris ceux de l’« extrême-gauche » qui prétendent défendre les intérêts de la classe ouvrière, ne mène une lutte sérieuse contre l’impérialisme.

Après être resté silencieux durant le procès Clearstream, le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) d’Olivier Besancenot a publié le 2 novembre un tract intitulé « Chirac, Pasqua, Villepin, Sarkozy… Et hop, tout ça à la poubelle ! » »

Le style c'est l’homme, dit Buffon, et le style du NPA sonne creux. Ceci débute par le titre du tract. En présentant le discrédit du président Nicolas Sarkozy comme une possibilité imminente, le NPA semble oublier un aspect clé des scandales : Sarkozy ne figure pas parmi les accusés ! Loin d’être inquiété juridiquement, Sarkozy risque de tirer profit de la honte de ses rivaux au sein de l’UMP (Union pour un Mouvement populaire).

L’analyse du NPA sur les scandales est superficielle. Pasqua a « empoché des commissions illégales sur des ventes d’armes à l’Angola. » Chirac « devra finalement répondre devant la justice pour le dossier des emplois fictifs de la mairie de Paris, emblématique de ce qu’a été ‘le système RPR’ », le RPR étant le prédécesseur de l’UMP. Quant au procès Clearstream contre Villepin, le NPA le décrit comme « une affaire incompréhensible pour le commun des mortels, dont on retient seulement que Nicolas Sarkozy et de Villepin s’accusent mutuellement des pires manœuvres de bas étage. »

Le NPA en tire deux conclusions : premièrement que « la droite est désormais atteinte et discréditée par sa politique, » et deuxièmement que « quelque chose est pourri dans les institutions. » La source de cette dégénérescence, dit le NPA, c’est « la Cinquième République », l’actuel régime constitutionnel, mis en place par le général Charles de Gaulle en 1958. Le NPA qualifie ceci de « règne de l’opacité, des privilèges, des combines en tout genre, » et réclame «d’en finir avec le pouvoir personnel de la présidence de la République. »

Ce qui ressort du tract du NPA est une vue très simpliste des scandales : quelques politiciens conservateurs ont abusé de leur pouvoir personnel. Cette perception étriquée des événements, pourrait-on faire remarquer, n’est pas si différente de celle que pourraient adopter les alliés politiques de Sarkozy. Elle dissimule aussi, de façon tout à fait opportune, la complicité dans ces délits du Parti socialiste (PS) et du Parti communiste français (PCF), avec lesquels le NPA entretient des liens politiques étroits.

L’« extrême-gauche », Clearstream et l’ascension de Sarkozy

L’approche peu sérieuse du NPA aux scandales reflète toutefois plus que l’ignorance et le manque de curiosité de ses auteurs. Elle découle de leur complicité objective, en termes de tactique et de perspective générale, dans le camouflage et l’exploitation de ces affaires.

Cela ressort peut-être le plus clairement dans l’affaire Clearstream dont l’enquête avait débuté en 2006. A l’époque, Sarkozy avait accusé Villepin de tramer un complot contre lui pour le diffamer en permettant que de faux listings bancaires de Clearstream comportant son nom soient remis aux juges d’instruction. Ces juges d’instruction enquêtaient sur des actes de corruption dans le scandale de la vente de frégates à Taïwan et qui était apparue dans l’affaire Elf où il était aussi question de corruption dans l’industrie pétrolière française et africaine.

Ceci était survenu au moment d'une crise plus générale à laquelle était confronté le gouvernement Chirac et Villepin. Leur politique étrangère se trouvait en miettes après le rejet par référendum de la constitution européenne, et l’opposition populaire à leur politique sociale avait provoqué une série de grèves de masse. Alors que la bourgeoisie cherchait une issue, les accusations émises dans le cadre de l’affaire Clearstream devinrent des munitions pour Sarkozy lui permettant de remodeler un nouveau consensus politique s’articulant autour de sa personne et fondé sur une politique étrangère plus favorable aux Etats-Unis et sur une plus grande collaboration avec les syndicats.

Des raids policiers à répétition effectués dans le cadre de l’enquête Clearstream touchèrent le ministère de la Défense, le quartier général des services de renseignement français et le siège du groupe d’aéronautique EADS. Villepin et Chirac furent obligés de renoncer aux coupes claires qu’ils avaient annoncées et d’accepter la candidature présidentielle de Sarkozy en 2007 (suite à cela ce dernier réduisit les retraites et appliqua des réformes antisociales au moins aussi draconiennes que l’avaient été les propositions de Chirac en 2006).

Sarkozy fut en mesure de poursuivre cette politique parce qu’il comptait sur ses aides de « l’extrême gauche » pour contenir dans des limites bien définies le mouvement de grève en cours et l’enquête judiciaire ultérieure. Faute d’une véritable direction politique, le mouvement de grève de 2006 fut étouffé par les syndicats.

Sarkozy remporta une victoire facile lors de l’élection présidentielle de 2007. Il est à remarquer que durant la campagne électorale, Sarkozy devait renvoyer l’ascenseur à « l’extrême gauche ». Quand la Ligue Communiste Révolutionnaire (le prédécesseur du NPA) manqua de signatures de maires pour se présenter à l'élection présidentielle, Sarkozy déclara à la télévision publique: « Besancenot, on ne peut pas dire qu’il soit proche de moi, il représente l’extrême gauche. Je trouve qu’il serait dommage qu’un homme comme Besancenot ne puisse pas participer à la compétition présidentielle. » Finalement, la LCR obtint les signatures requises, en partie auprès de maires droitiers du MoDem de François Bayrou.

Durant la crise de 2006, au milieu de ce qu’il appelait des turbulences au sommet de l’Etat, Le Monde avait interviewé Alain Krivine, le dirigeant de la LCR et Georges Kaldy de Lutte Ouvrière (LO). A la question du Monde de savoir si l’une des deux organisations appelait le gouvernement à démissionner suite à l’affaire Clearstream, Kaldy et Krivine répondirent tous les deux par la négative.

Ainsi ces deux dirigeants d’«extrême gauche » ne considéraient pas cette crise comme particulièrement significative. Kaldy affirma que dans les entreprises les gens ne se préoccupaient pas de cette affaire que personne ne comprend. Le journal de LO posait carrément la question de savoir quelle importance de telles affaires pouvait bien avoir pour les travailleurs.

Crétinisme syndical contre internationalisme prolétarien

Le fait que « l’extrême gauche » puisse poser une question aussi stupide, à savoir si les crimes de l’impérialisme français ont une signification pour les travailleurs, reflète la culture néfaste, largement répandue depuis des décennies par la domination de la politique du PS et du PCF. Muni d’un provincialisme lamentable et d’une foi inébranlable dans la possibilité de réformer l’Etat, ce milieu pense qu’il vaut mieux ne pas soulever la question de l’impérialisme avec les travailleurs ou, comme l’écrit le NPA d’une manière condescendante, avec « le commun des mortels ». Pour eux, les travailleurs devraient laisser les questions internationales à quelques êtres privilégiés, des bourgeois immortels comme Chirac et Pasqua !

Ce crétinisme syndical est diamétralement opposé à l’internationalisme prolétarien qui insiste pour dire que la classe ouvrière doit arriver au pouvoir dans une lutte révolutionnaire et mondialement coordonnée pour le socialisme. L’indifférence affichée par « l’extrême gauche » française à l’égard de la politique étrangère est un aspect significatif de leur hostilité envers la politique marxiste.

Cette hostilité s'était exprimée de façon plus explicite encore lors du congrès fondateur du NPA en février 2009 au courss duquel la LCR s’était dissoute et avait coupé formellement son association ténue au Trotskysme, qu’elle qualifiait « d’obsolète ».

Réincarnée comme NPA, la LCR est en quête d’une intégration encore plus poussée dans l’establishment politique. Il a mené une série de négociations avec le Front de gauche, composé du PCF et du Parti de gauche qui est issu du PS, dans le but de former des alliances électorales lors des élections régionales de 2010 et les présidentielles de 2012.

Face au bilan historique de ces partis, le NPA ne peut tolérer la révélation complète des crimes historiques de l’impérialisme français. Comme le montre un bref aperçu de l’histoire française de l'après-guerre, ceci ferait voler en éclats les partis avec lesquels le NPA cherche à développer des alliances.

La trahison par le PCF et les socialistes de la lutte révolutionnaire, à l’époque de la Libération du joug nazi, créa les conditions pour près de deux décennies de guerres coloniales. Avec des ministres communistes et socialistes siégeant au gouvernement, les comités ouvriers dans les usines et les groupes de résistants armés en France furent dissouts ou intégrés à l’Etat bourgeois. S'étant ainsi garanti le contrôle de la classe ouvrière dans le pays, la bourgeoisie se sentit libre d’envoyer à nouveau des troupes en Indochine en 1945. Avec le bombardement de Haïphong, le décor était planté pour la guerre d’Indochine qui allait durer huit ans.

Le PCF et les socialistes participèrent également activement à la guerre de l’impérialisme français contre les masses algériennes. En le dotant de « pouvoirs spéciaux » pour écraser la révolte de 1956, le PCF soutint le premier ministre socialiste, Guy Mollet, dans la poursuite de la guerre au nom du maintien de la colonie dans « l’Union française ». Quand de Gaulle revint au pouvoir en 1958 au milieu d’une crise grandissante au sein de la bourgeoisie française face à la guerre d’Algérie, le PCF s’empressa d'abandonner ses critiques au sujet de vagues projets « d’auto-détermination » de l’Algérie. Ce fut l'exemple le plus direct du soutien du PCF au régime de de Gaulle, jusqu’à la trahison de la grève générale de mai-juin 1968.

Le mouvement trotskyste mena l’opposition contre les trahisons des partis de « gauche » en France et trouva une écoute considérable parmi les travailleurs en France et à l’étranger, notamment en Indochine.

Le maintien partiel après 1968 des liens de l’impérialisme français avec ses anciennes colonies forme la base sociale des scandales actuels. Le mandat de 1981-1995 du président François Mitterrand du PS, qui gouverna avec le soutien du PCF, supervisa la plupart des délits qui constituent la toile de fond de l’affaire Clearstream, l'affaire Elf et la vente des frégates à Taïwan, ainsi que de l'affaire de corruption des ventes d’armes à l’Angola.

Le silence du NPA sur les affaires politico-financières est une tentative politiquement motivée visant à dissimuler à la classe ouvrière les leçons de l’histoire et les perspectives du marxisme.

(Article original paru le 19 novembre 2009)

 

 


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