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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France: Le gouvernement menace de fermer les entreprises employant des sans-papiers

Par Antoine Lerougetel 
9 décembre 2009

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L'annonce du gouvernement français, le 22 novembre dernier, d'une réglementation draconienne contre les sans-papiers jette les bases d'une intensification des attaques contre des centaines de milliers de travailleurs, ainsi que les patrons qui les emploient. Entre 200 000 et 400 000 sans-papiers vivent en France, et occupent généralement des emplois dans les secteurs les moins bien payés du bâtiment, de la restauration et des services.

Le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, Eric Besson, et le ministre du Travail Xavier Darcos ont annoncé la nouvelle réglementation dans des déclarations séparées.

Darcos a annoncé que les préfets recevraient le pouvoir de fermer les entreprises employant des sans-papiers. Il a ajouté que le gouvernement va « renforcer les contrôles et recourir à des sanctions qui touchent au porte-monnaie et à l'image de l'entreprise afin d'avoir un effet dissuasif. »

Besson a dit sur la 5e chaîne que ce sera «arsenal complet de lutte contre les abus, » comprenant la «fermeture administrative des établissements employant des étrangers en situation irrégulière » ou « l'inéligibilité à tout appel d'offres public ou privé de toute entreprise qui aurait employé des sans-papiers. » Une majoration des amendes et le « remboursement des aides publiques » seront imposées aux entreprises fautives.

Avec un cynisme époustouflant, Besson a tenté de présenter cette réglementation comme étant motivée par de la sollicitude à l'égard sans-papiers: « Si des étrangers en situation irrégulière sont exploités sur notre sol par des réseaux mafieux, c'est aussi parce qu'ils trouvent sur notre sol des employeurs et des exploiteurs qui abusent de leur situation »

Il a dit qu'il informerait les préfets des trois conditions requises pour qu'un sans-papiers obtienne un titre de séjour: être en France depuis plus de cinq ans, avoir présenté aux autorités une demande de titre de séjour au moins un an auparavant et travailler dans un secteur qui connait des difficultés de recrutement. Il a fixé à seulement 1 000 travailleurs le quota de ceux qui pourraient remplir ces conditions extrêmement restrictives.

Cette mesure réactionnaire est la dernière d'une série d'attaques de la classe dirigeante contre les immigrés et les minorités ethniques et religieuses. En France, parmi ces attaques on compte le « débat » sur l'identité nationale organisé par l'Etat et la commission parlementaire sur l'interdiction de la burqa. Des événements similaires sont en train de se produire dans toute l'Europe, et le récent référendum suisse interdisant la construction de minarets en est un bon exemple.

Ces mesures sont provoquées par deux impératifs de l'impérialisme européen: le premier est de créer le climat idéologique adéquat pour accroître son intervention militaire néo-coloniale impopulaire en Afghanistan, aux côtés des Etats-Unis; et le second d'attiser une atmosphère raciste et de diviser la classe ouvrière au moment où la colère massivement ressentie s'intensifie face à l'augmentation du chômage et à la politique d'austérité sociale et de guerre du gouvernement.

Le 30 novembre, Le Monde avait interviewé Claude Dilain, maire PS (Parti socialiste) de Clichy-sous-Bois où à l'automne 2005 la mort de deux jeunes immigrés cherchant à échapper à la police avait déclenché des émeutes dans les banlieues partout en France et l'état d'urgence pendant trois mois. 4,5 millions de personnes vivent dans ces quartiers appelés « zones urbaines sensibles; » 33,1 pour cent d'entre eux vivent en dessous du seuil de pauvreté qui est fixé à 908 euros par mois et le taux de chômage s'élève à 17 pour cent, et 41 pour cent pour les jeunes hommes entre 15 et 24 ans.

Dilain a expliqué: « La colère ne touche plus uniquement les jeunes, ceux qui étaient en première ligne pendant les émeutes de 2005, mais elle s'étend désormais aux adultes, en particulier aux trentenaires qui ont fait des études, se sont mariés, ont des enfants, mais sont retombés au chômage avec la crise. En 2005, il y avait un débat un peu théorique pour savoir si on se trouvait face à une émeute ou une révolte sociale. Aujourd'hui, dans certains cas, je sens qu'on est passés au stade de la révolte sociale et c'est dangereux. »

La montée des tensions sociales s'ajoute à la dynamique politique néfaste sous-tendant l'élection du président Nicolas Sarkozy en 2007, sur le ticket du tout sécuritaire faisant appel au sentiment anti-immigrés et anti-musulman. Sarkozy avait récupéré une large section des voix néofascistes et fut le premier président à accueillir à l'Elysée le leader du Front national (FN) néofasciste, Jean-Marie Le Pen.

Des sondages montrent à présent qu'aux élections régionales de Mars 2010 le FN pourrait bien remporter suffisamment de voix pour affaiblir l'UMP (Union pour un Mouvement Populaire) de Sarkozy. La réponse des ministres de Sarkozy consiste à mettre en place des mesures attirant les voix néofascistes.

L'Etat est en mesure d'attiser ouvertement les pires opinions politiques car ceux qui gouvernent savent pertinemment qu'aucune opposition politique significative ne viendra des syndicats ni des partis soi-disant de « gauche » qui sont complètement en faillite.

 

 
Manifestation de sans-papiers à Paris le 29 novembre

L'attitude de la CGT (Confédération générale du travail, proche du Parti communiste français) à l'égard des sans-papiers en est un exemple. En 2007, après que Sarkozy avait fait passer une loi interdisant l'embauche de sans-papiers, la CGT avait travaillé avec des patrons dépendant de l'emploi des sans-papiers notamment dans le secteur du nettoyage, de la restauration et du bâtiment, et appelant à une modification de la loi.

Mais quand en avril 2008, un groupe de sans-papiers avait occupé les locaux de la CGT à Paris demandant d'être régularisés, la CGT avait refusé de s'occuper de leur cas. Christian Khalifa, représentant CGT de la région parisienne, avait cyniquement dit sur LCI TV: « On est une organisation syndicale, pas une association de sans-papiers. Notre action se mène à l'intérieur des entreprises. » L'ensemble de la « gauche », le PCF, la Ligue communiste révolutionnaire (prédécesseur du Nouveau parti anticapitaliste, NPA d'Olivier Besancenot), le PS et diverses associations antiracistes et de soutien aux sans-papiers, avaient exprimé leur soutien à la CGT.

Ce n'était là que le prélude à une collaboration directe avec les forces de sécurité de l'Etat contre les travailleurs. Le 24 juin dernier, un commando envoyé par la CGT, en coordination avec les CRS (police anti-émeute) ont attaqué et expulsé les 600 sans-papiers toujours présents dans les locaux du syndicats.

La réaction de ces groupes à la nouvelle réglementation est du même ordre que l'attaque pour déloger les sans-papiers des locaux parisiens de la CGT.

La CGT a envoyé une lettre au premier ministre François Fillon, signé par cinq fédérations syndicales et six associations humanitaires dont la CIMADE, l'unique association autorisée à intervenir dans les centres de rétention, RESF (Réseau éducation sans frontière) et la LDH (Ligue des droits de l'Homme. Cette lettre déclare que « Nos organisations syndicales et associations sont impliquées dans la régularisation des travailleurs et travailleuses sans-papiers. » Il demande qu'une circulaire officielle soit donnée aux préfets « avec des critères améliorés » et « une procédure de régularisation standardisée. »

Dans les faits, bien évidemment, cela signifie une procédure standard visant à refuser un titre de séjour à la vaste majorité des sans-papiers. Besson lui-même n'a eu aucune difficulté à déclarer qu'il soutenait cet appel à une harmonisation des procédures.

Le NPA n'a pas fait de déclaration qui lui soit propre mais a affiché une déclaration d'Alain Pojolat de l'UCIJ (Unis contre l'immigration jetable), « un collectif unitaire qui regroupe plus de 70 associations, partis et syndicats. » Avec une légèreté empreinte de cynisme, Pojalat écarte cette nouvelle réglementation comme étant une menace sans fondement.

Il écrit que Xavier Darcos, ministre du travail « menace » de fermer les entreprises qui embauchent du personnel sans-papiers et ajoute, « Une telle décision, si elle était sérieusement envisagée, aurait pour effet de paralyser une grande partie de l’économie et la fermeture immédiate de centaines d’entreprises du BTP, du nettoiement ou de la restauration. »

De tels commentaires témoignent simplement de la complaisance sans limite de ces couches de militants anciennement de gauche. L'objectif de Darcos et Besson n'est pas de détruire l'économie française mais d'empoisonner l'atmosphère politique et de donner à l'Etat les armes nécessaires pour agir de façon agressive contre l'opposition de la classe ouvrière. En cela la possibilité pour l'Etat de sélectionner publiquement et fermer des entreprises qui emploient des sans-papiers serait un atout considérable.

Mais plus généralement, il existe une logique objective au fait que l'Etat assume des pouvoirs extraordinaires et attise les opinions fascisantes. Sous l'impulsion d'une crise politique et sociale, un gouvernement sous pression pourrait appliquer ces mesures de manière bien plus extrême que ne l'avaient envisagée les ministres.

 


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