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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La grève générale en Guadeloupe isolée par les syndicats français

Par Françoise Thull et Pierre Mabut
10 février 2009

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Depuis le 20 janvier, une grève générale contre la cherté de la vie se poursuit en Guadeloupe, Antilles françaises. Quarante-sept syndicats, associations et partis politiques regroupés dans le LKP, Collectif contre l’exploitation outrancière (Liyannaj kont pwofitasyon, en créole),  paralysent l’activité économique du pays.

Une manifestation massive rassemblant 25 000 personnes pour une population de 410 000 habitants s’est déroulée le 24 janvier à Pointe-à-Pitre, la capitale de l’île. Tous les magasins, les supermarchés, les écoles et les services publics étaient fermés.

Bien que la lutte contre l’augmentation du coût de la vie affecte tous les citoyens français, et la Guadeloupe fait officiellement partie de la République française, les organisations syndicales traditionnelles en France métropolitaine ont isolé et ignoré la lutte et la couverture médiatique en a été maigre et superficielle.

Les revendications formulées par les grévistes qui sont menés par le syndicat majoritaire, l’UGTG (Union générale des travailleurs de Guadeloupe) concernent en premier lieu les prix des produits de première nécessité. Ils réclament une réduction immédiate de 50 centimes du prix de l’essence, une baisse du prix de l’eau et des transports de passagers, un gel des loyers, une augmentation de 200 euros des bas salaires, des contrats à durée indéterminée pour tous les travailleurs et le droit à l’éducation ainsi qu’une formation de qualité pour les jeunes et les travailleurs. L’une des revendications porte sur la priorité des Guadeloupéens à l’embauche à des postes de responsabilité et la fin du racisme à l’embauche. Figurent également parmi les 146 revendications avancées par les grévistes, le développement de la production locale afin de satisfaire les besoins de la population, la suppression des taxes sur les engrais et les aliments de bétail.

La Guadeloupe, un archipel situé à 600 km de la République dominicaine et à 7000 km de la France métropolitaine, est une colonie depuis 1812. Malgré son intégration à l’Etat français en 1946, elle reste, tout comme les autres possessions françaises, économiquement arriérée.

Les effets de la récession mondiale ont été ressentis plus tôt dans cette communauté insulaire défavorisée. La Guadeloupe est une région française dont le conseil régional est dirigé par le Parti socialiste (PS) ; elle est le 97e département français. Selon les chiffres de 2007, le taux de chômage dépasse largement les 23 pour cent et les prix des produits de première nécessité sont 30 à 60 pour cent plus chers qu’en France. Seuls le rhum, la banane et les cigarettes sont relativement moins chers.

La Guadeloupe appartient au groupe des 13 régions les plus pauvres d’Europe avec un PIB s’élevant à 55,8 pour cent de la moyenne européenne.

Yves Jégo, le secrétaire d’Etat à l’Outre-Mer du président Nicolas Sarkozy, a été envoyé précipitamment en Guadeloupe durant le week-end du 31 janvier au 1er février pour apaiser les esprits et négocier une sortie de conflit avant que l’explosion sociale ne gagne la métropole. Sur l’île voisine de la Martinique, douze syndicats ont lancé un appel à la grève générale d’un jour pour le 5 février contre la baisse du pouvoir d’achat qui touche tout spécialement les 70 000 personnes de l’île vivant en dessous du seuil de pauvreté.

Jégo a annoncé plusieurs mesures pour essayer de calmer les grévistes et briser la cohésion de la grève guadeloupéenne. « Nous avons réussi après trois jours de négociations à obtenir un engagement clair, chiffré, de la grande distribution dans 60 supermarchés et hypermarchés de Guadeloupe… Une liste de 100 produits de la vie quotidienne sera publiée. Les prix vont baisser de 10 pour cent et ils seront maintenus à ce niveau jusqu’à la fin de cette année. » Un gel du prix des loyers a été annoncé et le revenu de solidarité active (RSA) s’appliquera à ceux qui travaillent à temps partiel, les travailleurs pauvres, dès cette année au lieu de 2010.

Les négociations continuent et la réponse du comité de grève du LKP est de poursuivre la grève. Toutefois, Jégo a réussi à rouvrir les 115 stations-services après avoir promis à leurs gérants l’arrêt de toute nouvelle implantation qui entraverait leurs bénéfices. Les barrages routiers et les manifestations avaient fermé les stations en décembre dernier et permis d’obtenir une baisse de 31 centimes sur le litre d’essence.

Alors que la grève est solide et tranquille (40 000 personnes ont fait le carnaval le 25 janvier pour manifester leur soutien à la grève), le gouvernement français a envoyé des unités anti-émeute de CRS supplémentaires afin d’intervenir comme bon leur semble. La mémoire est encore toute fraîche des cent personnes qui avaient été tuées par balles par des CRS au cours d’une manifestation en 1967.

Yves Jégo est arrivé dans l’île en déclarant, « La Guadeloupe vit, depuis maintenant deux semaines, une situation exceptionnelle et les voies normales de sortie d’un conflit, le dialogue social et la construction, n’ont pas permis de trouver une issue. » Il a poursuivi en disant, « J’ai bien conscience que, après quinze jours de blocage, il faut que nous apportions des réponses au Collectif [LKP] qui lui permettent d’obtenir satisfaction. » Le dirigeant de l’UGTC, Elie Domata, a été cité par RFO Télé-Guadeloupe pour avoir salué la décision de Jégo qui « nous a donné l’impression d’avoir entendu et compris que la Guadeloupe est au bord de l’explosion et du chaos social ». Le président socialiste (PS) du conseil régional, Victorin Lurel, espérait que Jégo arrive « armé de solutions ».

Dans cette situation tendue, Domata a adressé une lettre ouverte aux syndicats et aux partis politiques de « gauche » appelant à la solidarité internationale. Cet appel est tombé dans l’oreille d’un sourd. Tout en publiant de vagues messages de « solidarité » sous forme de communiqués de presse, aucun des dirigeants de ces partis ou de ces syndicats n’a appelé à faire grève, ou à des actions de solidarité ou encore à des protestations d’aucune sorte.

Le Parti communiste français (PCF) réclame « une négociation globale et transparente » en affirmant qu’« il est urgent que le gouvernement s’engage en ce sens ». Le principal syndicat, la CGT, qui est proche du PCF, a noté qu’elle « examine les modalités d’un appui du mouvement syndical métropolitain pour exiger des pouvoirs publics que des réponses urgentes soient apportées aux revendications des travailleurs et population guadeloupéenne ».

Alain Krivine de la LCR/NPA (Ligue communiste révolutionnaire/Nouveau Parti anticapitaliste) a écrit dans Rouge : « Cette grève générale unitaire est un exemple pour tous ceux et toutes celles qui se battent ici pour un "tous ensemble" prolongé, contre la dispersion des résistances et leur isolement… et la meilleure façon de l’aider, lui qui nous aide tant, est de multiplier nos efforts pour assurer le succès de la grève et des manifestations du 29 janvier [en France]. » De telles remarques futiles servent de couverture au silence des dirigeants syndicaux ; aucune revendication n’a été avancée pour une action urgente et venir en aide aux grévistes guadeloupéens. Au nom de l’unité, Krivine n’a aucun commentaire public à faire qui risquerait d’embarrasser les relations que son parti entretient avec la bureaucratie syndicale.

Dans le même numéro de Rouge l’on peut lire une interview avec Patrice Gonot, le secrétaire du Cercasol, le nouveau parti frère en Guadeloupe du NPA, nouvellement fondé par la LCR. Il est lui aussi un membre actif dans le syndicat CTU (Centrale des travailleurs unis). Après avoir cité les revendications des grévistes, Gonot déclare : « Il y a eu des meetings unitaires dans toutes les villes. Tous nos ressentiments sont mis de côté, car c’est le devenir de la Guadeloupe qui est en jeu. » Ainsi la classe ouvrière et son indépendance politique passent après l’avenir de la « Guadeloupe » dans laquelle on compte la classe des propriétaires.

Gonot précise que pour le Cercasol les revendications sont négociables : « On a bien conscience que la plateforme est énorme. Il y a du court, du moyen et du long terme. » Gonot ne mentionne pas le besoin d’une action de solidarité en France et le rôle traître joué par les syndicats, mais conclut allégrement, « Tout le monde, y compris les patrons, admet qu’il y a un problème en Guadeloupe. Mais les questions posées débordent le cadre guadeloupéen. On se rend bien compte que les pouvoirs, en Guadeloupe, sont incapables de répondre aux questions que pose le peuple guadeloupéen. »

Le bureau national du Parti socialiste a publié un communiqué de presse qui déforme complètement les objectifs de la grève. Il n’exprime aucun soutien à la grève mais affirme avec arrogance que les revendications sont siennes. Il affirme que ses documents  proposant de relancer l’économie française en octroyant des aides aux entreprises et aux banques et en proposant des augmentations insignifiantes de salaire, ont été adoptés par les grévistes. Le PS qui dirige le conseil régional de Guadeloupe a une part de responsabilité dans la détérioration des niveaux de vie des travailleurs en imposant à tout moment à la population française la politique du gouvernement Sarkozy. Le PS gère 22 des 24 conseils régionaux français.

L’establishment de « gauche », que ce soit en Guadeloupe ou en France métropolitaine, dupe les travailleurs en laissant au gouvernement droitier de Sarkozy l’initiative d’imposer les conséquences de la crise économique à la classe ouvrière.

Afin de satisfaire l’ensemble des revendications légitimes des travailleurs guadeloupéens, il est nécessaire de créer l’unité de la classe ouvrière sur la base d’un internationalisme socialiste. Les actuels régimes bourgeois devraient être remplacés par des gouvernements ouvriers qui réorganiseraient l’économie sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière dans le but de satisfaire les besoins sociaux de la grande majorité de la population.

(Article original paru le 9 février 2009)


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