Le World Socialist Web Site rend
hommage à la campagne courageuse et fondée sur des principes, menée par le
Socialist Equality Party (SEP, Parti de l’égalité socialiste) au Sri Lanka lors
des élections provinciales dans une situation de guerre civile, de répression
d’Etat et de communautarisme. C’est une source d’inspiration, un exemple de la
lutte pour l’internationalisme socialiste et une réfutation directe de tous
ceux qui insistent pour dire qu’il est impossible de lutter pour un tel
programme dans un monde fracturé en une myriade de divisions tribales,
linguistiques, ethniques et nationales.
La question primordiale est celle de la guerre
menée par le gouvernement contre les Tigres de libération de l’Eelam tamoul
(LTTE.) Le conflit qui dure depuis 25 ans a non seulement coûté la vie à plus
de 70 000 personnes et causé la mort et la destruction à la majeure partie
du nord et de l’est de l’île, mais a aussi touché tous les aspects de la vie.
La présence physique constante de postes de contrôle dans toute l’île,
contrôlés par des soldats armés jusqu’aux dents et la menace de détention
arbitraire, notamment pour les Tamouls, rappelle que le pays est en guerre. La
vie politique est dominée par des partis et des médias du courant dominant qui
sont d’une manière ou d’une autre totalement embourbés dans la politique
communautariste et soutiennent activement la guerre.
Le SEP était l’unique parti durant ces
élections à s’opposer à la guerre et à exiger le retrait immédiat et
inconditionnel des troupes, du nord et de l’est. Ses candidats ont défié de
façon directe la déclaration du président Mahinda Rajapakse disant qu’il menait
« une guerre contre le terrorisme ». Le SEP a montré que les racines
de la guerre se trouvaient dans les décennies de discrimination anti-tamoule
par une succession de gouvernements de Colombo. Loin de lutter pour la
démocratie et la paix, le gouvernement poursuit une guerre visant à assurer la
prédominance des élites cinghalaises par le maintien d’un Etat bouddhiste
cinghalais.
En même temps, le SEP n’a pas accordé son
soutien politique au LTTE et à son programme de séparatisme tamoul. Le LTTE n’a
jamais représenté les intérêts des travailleurs ordinaires, mais ceux de sections
de la bourgeoisie tamoule. Depuis le début, il a rejeté une lutte politique
pour l’unité des masses et a exigé à la place un petit Etat tamoul séparé, qui
n’a jamais eu de justification économique viable. Le culte du LTTE pour la
« lutte armée » est allé de pair avec l’élimination de ses opposants
politiques et le massacre insensé de civils cinghalais, ce qui a directement
fait le jeu des suprématistes cinghalais de Colombo.
Le SEP a mis en avant un programme visant à unifier
la classe ouvrière et à établir son indépendance politique par rapport à toutes
les factions de la bourgeoisie sri lankaise. Ses candidats ont expliqué que la
guerre et l’exploitation de la politique communautariste avaient toujours eu
pour dessein de diviser les travailleurs et de consolider l’Etat capitaliste,
que la guerre s’était accompagnée d’attaques contre le niveau de vie des
travailleurs à travers des restructurations à la faveur du marché. Ils ont
expliqué que l’unique moyen de mettre fin à la guerre, aux attaques contre les
droits démocratiques et au fossé grandissant entre riches et pauvres était par
la lutte pour un gouvernement de paysanset d’ouvriers fondé sur une
politique socialiste : une République socialiste du Sri Lanka et de
l’Eelam participant des Etats-Unis socialistes de l’Asie du Sud.
La lutte pour l’internationalisme socialiste
au Sri Lanka a toujours nécessité une dose exceptionnelle de courage politique
et, il faut le dire, de courage physique. Dès ses débuts en tant que
Revolutionary Communist League (RCL) en 1968, le parti avait été attaqué de
toutes parts. Six de ses membres ont été tués, soit par l’appareil d’Etat soit
par les tueurs du parti chauvin cinghalais, le Janatha Vimukthi Peramuna (JVP.)
Chacun des membres du parti a fait l’expérience, et plus souvent qu’à son tour,
de menaces, violences physiques et persécution. Pour n’en nommer que deux, les
membres du Comité de rédaction international du WSWS, le secrétaire général du
SEP Wije Dias a été incarcéré 51 jours en 1987 pour avoir commis le « crime »
de prôner une politique révolutionnaire et K. Ratnayake a eu sa maison
entièrement brûlée par des voyous pro-gouvernementaux durant le pogrom
anti-tamoul de 1983 qui avait marqué le début de la guerre.
L’élection de la semaine dernière s’est tenue
dans un climat d’intimidation, de harcèlement politique et de répression
d’Etat. Rajapakse et ses ministres n’ont eu de cesse de qualifier ceux qui
critiquent le régime, les travailleurs grévistes et les étudiants qui
manifestent, de sympathisants des « terroristes des Tigres ».
Ceci n’est pas une menace en l’air. Des centaines de personnes ont été
assassinées par des escadrons de la mort qui opèrent en toute complicité avec
les forces de sécurité. En août 2006, le sympathisant du SEP Sivapragasam
Mariyadas a été tué par balle à Mullipothana dans le district oriental de Trincomalee.En
mars 2007, Nadarajah Wimaleswaran, membre du SEP et son ami Sivanathan
Mathivathanan ont « disparu » à un poste de contrôle maritime sur
l’île du nord, Kayts. Malgré une campagne déterminée du SEP, le gouvernement et
l’armée ont donné des réponses évasives et refusé de fournir des informations
sur ces deux hommes.
Dans un tel climat politique, il y a une pression
constante pour prendre le chemin de la facilité, pour s’adapter à la situation
dominante et pour se trouver une place dans l’orbite des partis de la
bourgeoisie nationale. Le Sri Lanka a son contingent de groupes de radicaux des
classes moyennes, tels le Nava Sama Samaja Party, dont le bilan total consiste
à promouvoir des illusions sur l’un ou l’autre des principaux partis bourgeois,
illusions qui se sont toutes révélées erronées. Le RCL avait été fondé en
opposition directe à de telles conceptions, dont la forme la plus développée
avait été la trahison du Lanka Sama Samaja Party (LSSP), lorsque ce dernier
avait abandonné ouvertement les principes du trotskysme et avait rejoint le
gouvernement bourgeois de Madame Sirima Bandaranaike en 1964.
Le fondement du programme du SEP est la théorie
de la révolution permanente de Léon Trotsky, qui soutient que dans les pays au
développement capitaliste retardé, tel le Sri Lanka, la bourgeoisie est
organiquement incapable d’avoir un quelconque rôle progressiste. Seule la
classe ouvrière, en mobilisant les masses rurales derrière elle, est en mesure
d’accomplir les tâches démocratiques inachevées, dont une réforme agraire
radicale, et à commencer la transformation sociale de la société en tant que
partie intégrante de la révolution socialiste mondiale. Cette perspective a été
confirmée positivement par le succès de la Révolution russe de 1917 et une
centaine de fois par la négative enAsie, Afrique, Proche-Orient et
Amérique latine. Au cours du vingtième siècle, la mise en avant par divers
partis staliniens et opportunistes des soi-disant qualités progressistes de tel
ou tel dirigeant ou parti bourgeois a conduit à une catastrophe après l’autre
pour la classe ouvrière, à commencer par la défaite tragique de la révolution
chinoise de 1925-1927.
La longue lutte du SEP pour une perspective scientifiquement
fondée est en train de croiser les expériences des travailleurs et des jeunes,
tandis que la crise profonde du capitalisme mondial génère un regain d’intérêt
pour la politique révolutionnaire. Alors même que la campagne électorale
officielle au Sri Lanka était dominée par le militarisme et une politique
communautariste semant la division, le programme du SEP a eu un écho parmi ceux
qui sont à la recherche d’une alternative à la catastrophe créée par les
gouvernements successifs de Colombo. Malgré des décennies de propagande
raciste, la vaste majorité des travailleurs, qu’ils soient cinghalais, tamouls
ou musulmans, gardent un sens élémentaire de solidarité de classe et sont
hostiles à la guerre. Parmi ceux qui ont voté pour le gouvernement, beaucoup
l’ont fait avec le faux espoir qu’une défaite du LTTE mettrait fin au conflit
communautariste et apporterait des améliorations dans leur vie.
La signification politique de la campagne du
SEP a cependant des répercussions bien au-delà du Sri Lanka. Sa perspective
d’Etats unis de l’Asie du Sud a une pertinence immédiate pour les travailleurs
et les jeunes de ce qu’on appelle le Tiers-monde. Tout comme on peut faire
remonter les origines des nombreux conflits de l’Asie du Sud aux accords de
1947-1948 qui avaient divisé le sous-continent, les tensions et guerres
ethniques, communautaristes et tribales qui ont dévasté d’autres parties du
monde ont aussi leurs origines dans les arrangements de l’après Deuxième Guerre
mondiale qui avaient mis fin aux anciens empires coloniaux.
Dans chaque cas, les élites dirigeantes
locales avaient obtenu leur « indépendance » en échange de leur
assurance de sauvegarder les intérêts économiques et stratégiques de leurs
anciens maîtres coloniaux. Le patchwork arbitraire des frontières nationales
établi par le découpage colonial du continent africain ou imposé au
Proche-orient suite à l’effondrement de l’empire ottoman, est depuis toujours
source de frictions et de conflits. Dans tous les pays, les uns après les
autres, les représentants politiques de la bourgeoisie ont accepté ces
frontières et ont manipulé de façon éhontée les divisions tribales, ethniques
et linguistiques pour établir une base à leur propre régime.
Pendant la Guerre froide, ces différentes
élites ont été en mesure de trouver un équilibre entre l’impérialisme et le
bloc soviétique. Soutenus par les staliniens soviétiques et chinois pour leurs
propres fins opportunistes, des dirigeants comme Sukarno en Indonésie, Gamal
Abdel Nasser en Egypte et Julius Nyerere en Tanzanie ont pris une coloration
anti-impérialiste et socialisante. Leurs manœuvres se sont néanmoins
inévitablement terminées en catastrophe. Suite à l’effondrement de l’Union
soviétique, la logique de tous les différents types de nationalisme est vite apparue
avec évidence. Les uns après les autres, les divers adeptes de la « lutte
armée » et de la « libération nationale », de l’OLP au
Proche-Orient à l’ANC en Afrique du Sud, ont fait la paix avec l’impérialisme,
troqué leur treillis contre des costumes trois-pièces et embrassé le marché
capitaliste.
Le SEP est le seul parti qui a lutté avec
courage sous la bannière de la Quatrième Internationale pour les principes du
socialisme international et refusé de s’incliner devant les soi-disant icônes
de la lutte anti-impérialiste. Sa campagne électorale a objectivement renforcé
l’unité de la classe ouvrière du Sri Lanka et internationalement en montrant
une voie politique claire pour sortir de l’embourbement de la pauvreté, de
l’arriération économique et des conflits fratricides qui sont l’héritage de 60
années de régime bourgeois dans les régions sous-développées du monde.
Nous invitons tous les travailleurs et les
jeunes à étudier attentivement le programme du SEP et son long bilan de lutte
politique et à rejoindre et construire le SEP et de nouvelles sections du
Comité international de la Quatrième Internationale comme nouvelle direction
révolutionnaire de la classe ouvrière de par l’Asie, l’Afrique, le
Proche-Orient et l’Amérique latine.