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WSWS : Nouvelles et analyses : Amérique du Sud

Cuba célèbre le 50e anniversaire de la révolution à l’ombre de la crise économique mondiale

Par Bill Van Auken
6 janvier 2009

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Le leadership cubain a célébré le 50e anniversaire de la révolution qui renversa la dictature corrompue, et soutenue par les Etats-Unis, de Fulgencio Batista et qui porta Fidel Castro au pouvoir par des cérémonies relativement modestes et discrètes.

C’est un Fidel souffrant, maintenant âgé de 82 ans et qui a l’an dernier transféré le pouvoir à son frère de 77 ans Raoul, qui a communiqué une déclaration de 15 mots félicitant le « peuple héroïque » de Cuba.

Raoul a quant à lui prononcé un bref discours dans la ville de Santiago, là où est née la révolution, à une foule de quelque 1000 représentants d’Etat et invités. On ordonna au peuple cubain de ne pas s’y présenter.

Le président vénézuélien Hugo Chavez et son homologue bolivien Evo Morales, réagissant apparemment à la décision du leadership cubain de limiter les célébrations de l’anniversaire de la révolution, ont décidé d’annuler leur visite sur l’île.

La majorité du discours de Raoul Castro fut consacrée à la mémoire de ceux qui ont perdu la vie dans la révolution et a présenté la révolution de 1959 comme la réalisation des idéaux du dirigeant nationaliste cubain Jose Marti, qui avait été frustré par six décennies de domination américaine semi-coloniale à la suite de la guerre hispano-américaine de 1898.

Il fit un retour sur l’histoire de « haine maladive et vindicative du puissant voisin » dans la foulée de la révolution cubaine, de l’invasion manquée de la Baie des Cochons en 1961, en passant par les innombrables tentatives d’assassinat de Fidel Castro et d’autres dirigeants cubains, jusqu’au terrorisme soutenu par la CIA et les cinq décennies de blocus économique par les Etats-Unis.

La révolution, a-t-il défendu, demeure « plus forte que jamais ». « Cela veut-il dire que les dangers sont moindres ? Non, pas du tout. Ne nous berçons pas d’illusions. Alors que nous commémorons ce demi-siècle de victoires, il est temps de penser au futur, aux cinquante prochaines années qui seront aussi marquées par une lutte permanente.

« En voyant les bouleversements actuels dans le monde contemporain, on ne peut penser que les prochaines années seront plus faciles. Je ne dis pas cela pour faire peur, mais car c’est tout simplement la réalité. »

Il a ensuite cité une section du discours prononcé par Fidel en novembre 2005, avertissant que, « Ce pays pourrait se détruire lui-même, cette Révolution pourrait se détruire elle-même, mais ils [l’ennemi] ne peuvent la détruire. Nous pourrions la détruire nous-mêmes, et nous n’aurions que nous à blâmer. »

La gravité du ton du discours était sans aucun doute conditionnée par l’actuelle impasse économique à laquelle fait face le régime cubain et son inquiétude grandissante que la détérioration continue des conditions sociales et l’augmentation des inégalités sociales puissent mener à des soulèvements populaires.

Le mois dernier, le gouvernement a décrit le déficit commercial de Cuba, qui est en rapide expansion, comme étant « une question stratégique pour la survie économique du pays ». Le déficit a atteint près de 70 pour cent en 2008, soit environ 5 milliards $. L’économie souffre à la fois de l’augmentation des importations de carburant et de nourriture et de la baisse des revenus du nickel, la principale exportation de Cuba. Les prix du nickel ont chuté à un cinquième de ce qu’ils étaient en 2007.

Au même moment, il est de plus en plus difficile pour La Havane, en raison de la crise financière mondiale, d’obtenir du crédit neuf pour continuer l’achat de biens d’importations, qui fournissent 60 pour cent de la nourriture de Cuba. Et les prix de la nourriture ne cessent d’augmenter.

La crise a été exacerbée par les trois ouragans qui ont frappé Cuba l’automne dernier et qui ont détruit 500 000 maisons et causé pour environ 10 milliards $ de dommages.

A court de liquidités, l’Etat cubain se voit obligé de renégocier sa dette et reporter les paiements aux créanciers publics et privés.

Dans ces conditions, le gouvernement annonce de plus en plus la possibilité de politiques d’austérité. Dans un discours prononcé devant le parlement cubain le mois dernier, Raoul Castro a prévenu que, « Personne, que ce soit un individu ou un pays, n’a le luxe d’indéfiniment dépenser plus qu’il ne reçoit de la vente de ses produits ou des services qu’il rend. »

Il appela à ce que l’on mette un terme aux « subventions excessives » et exprima le besoin de « faire pression » sur la classe ouvrière cubaine pour augmenter la productivité.

Le salaire mensuel moyen équivaut à 20 $ et le système économique à double devise a creusé une brèche sociale entre ceux qui, en travaillant au gouvernement, dans l’industrie du tourisme, ou en recevant des paiements de l’étranger, ont accès au peso convertible et ceux qui n’y ont pas accès. Une couche avec de l’argent s’est développée au sein du premier groupe tandis que la majorité du deuxième groupe est condamnée à une abjecte pauvreté. Dans ces conditions, des mesures d’austérité pourraient entraîner des soulèvements sociaux.

L’économie cubaine a été essentiellement maintenue à flot grâce au pétrole à rabais fourni par le Venezuela dans un accord d’échange dans lequel Cuba a envoyé des milliers de docteurs et d’éducateurs pour faire fonctionner les programmes d’assistance sociale de Chavez. Le récent effondrement des prix du pétrole et l’augmentation de la pression sur l’économie du Venezuela remet en doute la stabilité de cet arrangement.

L’effet d’un bouleversement de cette relation, bien que n’étant pas aussi désastreux que l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, serait très sévère. Plus de la moitié des revenus de l’Etat cubain en 2007 provenaient du Venezuela.

Ailleurs, le gouvernement cubain cherche à forger des liens économiques plus larges avec l’Union européenne, la Chine et la Russie, intégrant réellement l’économie cubaine plus directement dans le marché capitaliste mondial. Il a aussi été accueilli de nouveau dans l’arène des gouvernements bourgeois latino-américains, ayant été admis dans le Groupe de Rio pour la première fois depuis la révolution.

L’autre changement potentiel à l’horizon est l’annulation d’au moins quelques-unes des sanctions économiques imposées par Washington. Le président élu Obama a promis pendant la campagne électorale d’annuler des restrictions impopulaires imposées par l’administration Bush sur les visites et les versements faits par les Cubains-américains à leurs familles vivant sur l’île. La Chambre de commerce américaine et d’autres lobbys de la grande entreprise font pression pour que cette toute première diminution des sanctions américaines contre Cuba soit transformée en un assouplissement plus large de l’embargo, afin que le capital américain puisse de nouveau exploiter ce qu’il voit comme un marché hautement profitable.

Une telle normalisation des relations économiques avec les Etats-Unis pourrait ultimement présenter une menace beaucoup plus dangereuse à la survie du régime de Castro que l’embargo lui-même.

Dans une période antérieure, une génération de nationalistes de gauche en Amérique latine et de radicaux petit-bourgeois en Europe et aux Etats-Unis ont glorifié la révolution nationaliste menée par Fidel Castro, présentant faussement son régime comme un Etat ouvrier et faisant la promotion partout du castrisme comme étant la nouvelle route pour la révolution et le socialisme.

La tendance la plus pernicieuse de cette chorale pro-Castro fut la tendance révisionniste pabliste dans la Quatrième Internationale qui s’est servie de la révolution cubaine comme argument pour liquider le mouvement trotskyste et renoncer à ses tâches historiques.

Cette tendance révisionniste argumentait que la victoire de Castro signifiait que la révolution socialiste n’avait plus besoin de l’intervention active et dominante de la classe ouvrière, devenue consciente de ses tâches historiques. Plutôt, un « raccourci » avait émergé, dans lequel le socialisme pouvait être réalisé par un petit groupe d’hommes armés menant une guérilla et créant un nouvel Etat, la classe ouvrière et le reste des masses opprimées réduites à guère plus que des spectateurs passifs.

L’impact de ces conceptions politiques s’est avéré catastrophique pour le reste de l’Amérique latine. La promotion de la guérilla a servi à séparer de la classe ouvrière en entier les sections les plus révolutionnaires de la jeune génération et a pavé la voie à des défaites historiques et à la montée de dictatures militaires sauvages à travers le continent.

La montée de Castro ainsi que les séries de nationalisations et de réformes dans l’éducation et la santé qui étaient le produit de la révolution n’ont pas fait de Cuba un Etat socialiste. Ce n’était pas un Etat créé par la classe ouvrière s’emparant du pouvoir, mais plutôt un Etat imposé d’en haut par le Mouvement du 26 juillet de Castro en alliance avec le parti communiste stalinien. Il n’a jamais permis l’existence d’organes indépendants de pouvoir ouvrier et a impitoyablement réprimé toute remise en question de la domination politique des frères Castro.

Le castrisme ne représentait pas le socialisme, mais plutôt une des variantes les plus radicales des mouvements nationalistes bourgeois qui ont pris le pouvoir à travers une bonne partie de l’Afrique, de l’Asie et du Moyen-Orient lors de la montée des luttes anticoloniales des années 1950 et 1960. En fin de compte, il s’est avéré autant incapable que ses homologues d’ailleurs de forger un chemin authentiquement indépendant de l’impérialisme.

C’est la signification primordiale des remarques faites par Raoul Castro. Le 50e anniversaire de la révolution cubaine coïncide avec le développement de la plus grande crise du capitalisme mondial en 70 ans, amenant avec elle la possibilité d’un retour des luttes de classes internationales et de la lutte pour le socialisme à travers l’Amérique latine et à l’échelle mondiale.

Néanmoins, le régime sclérotique cubain voit ces développements comme une menace mortelle qui a le potentiel de renverser son économie fragile et de perturber ses tentatives d’établir des liens avec les classes dirigeantes capitalistes de l’Amérique latine, de l’Europe et ultimement des Etats-Unis.

Mais, les travailleurs cubains et la jeune génération ne seront pas immunisés à la radicalisation politique globale qui est provoquée par la crise économique. Avec les travailleurs du reste de l’Amérique latine, le succès de leurs luttes nécessite une assimilation des leçons amères d’un demi-siècle d’expérience avec le castrisme et la construction d’un mouvement révolutionnaire indépendant de la classe ouvrière basé sur le programme du socialisme et de l’internationalisme.

L’auteur recommande aussi la lecture de : Le castrisme et la politique nationaliste petite-bourgeoise

(Article original paru 3 janvier 2009)


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