La déclaration ci-dessous sera
distribuée par les sympathisants du Comité international de la Quatrième
Internationale lors de la grève et de la journée nationale d’action du 29
janvier, à l’appel des syndicats, pour protester contre la politique du gouvernement
face à la crise économique.
La question centrale à laquelle sont
confrontés les travailleurs en cette grève et journée d’action du 29 janvier, à
l’appel des syndicats, est la question d’une perspective politique. Sur quelle
base les travailleurs peuvent-ils défendre leurs emplois et leur niveau de vie
face à la crise économique ?
Le renflouement des banques, à hauteur
de 360 milliards d’euros, organisé en octobre dernier par le président Nicolas
Sarkozy, participant d’une série de renflouements qui ont injecté des milliers
de milliards d’euros dans les banques du monde entier, représente l’échec
colossal du capitalisme. Avec pour objectif de stabiliser un système financier
mondial qui a volé en éclats, tout en laissant intactes les richesses de
l’élite dirigeante, amassées pendant des décennies d’imprudence financière et
d’attaques sociales sur la classe ouvrière, ces renflouements n’ont pas réussi
à empêcher un effondrement des prêts bancaires et de l’activité industrielle.
On ne peut défendre les intérêts des
travailleurs que par la mobilisation politique et sociale de l’ensemble de la
classe ouvrière avec pour objectif de convertir les banques et autres
industries majeures en des services publics, démocratiquement gérés et placés sous
le contrôle des travailleurs, en France et dans le monde entier. La défense de
la propriété privée ne fait que donner un chèque en blanc pour que des milliers
de milliards d’euros s’amassent dans les comptes en banque des super-riches. La
tâche à laquelle est confrontée la classe ouvrière est de maintenir et
d’étendre l’activité économique et d’empêcher la paupérisation de la population,
c'est-à-dire des travailleurs, des retraités et des petits entrepreneurs.
Ce que cette lutte requiert
fondamentalement, c’est une rupture politique avec la bureaucratie syndicale et
l’establishment politique français qui mettent en avant des réponses
nationalistes et non viables à la crise et c’est la construction d’une nouvelle
direction politique dans la classe ouvrière qui se fonde sur un programme
socialiste révolutionnaire, afin de placer l’économie sous le contrôle
démocratique de la classe ouvrière.
Les renflouements des banques par l’Etat
ont mis au grand jour l’arrogance de classe de Sarkozy qui insiste pour dire que
les hôpitaux, les retraites et autres programmes sociaux doivent être réduits afin
de faire des économies. Sarkozy est loin d’être le seul à faire de telles
déclarations. Le président Jacques Chirac et le premier ministre socialiste
Lionel Jospin avaient tous deux avancé de tels arguments avant lui pour
justifier leur propre politique d’austérité et de privatisation.
Lorsque les riches et les banques ont
besoin d’argent, le gouvernement en trouve rapidement. Ce ne sont que les
besoins fondamentaux de la classe ouvrière que l’on estime trop chers.
Le renflouement n’apportera de solution
ni au problème du crédit ni à celui de l’industrie. Selon des données de la Banque
centrale, le crédit accordé aux entreprises par les banques décline chaque mois
depuis septembre et le crédit au consommateur est tombé de 7 pour cent en
novembre. Les dernières données mensuelles montrent que la production
industrielle en France est descendue à un taux annuel de 9 pour cent et Le
Monde rapporte que les petites entreprises industrielles font état d’une
chute de 25 pour cent. En novembre, il y a eu une perte record de 64 000
emplois.
Il faut le dire carrément: En appelant à
faire grève aujourd’hui, le but des syndicats n’est pas de devenir le fer de
lance de la résistance de la classe ouvrière face à l’impact de la crise du
capitalisme, mais plutôt de contenir et de dissiper cette résistance. Comme Le
Monde l’écrivait récemment, « A l'Elysée comme au Parti socialiste,
dans les syndicats comme dans les milieux patronaux, tout le monde redoute une
explosion du chaudron social. » Tous ces modèles de l’establishment français
craignent l’éruption d’un mouvement social qu’ils ne contrôlent pas.
C’est pour cela que les syndicats ont
attendu jusque décembre avant d’appeler à la grève d’aujourd’hui. Ils se sont
bien gardés de lancer immédiatement un appel à la grève en septembre lorsqu’il
est apparu clairement que la crise financière aurait des conséquences
économiques massives, après l’effondrement du crédit et des marchés d’actions
suite à la faillite de la banque américaine d’investissement Lehman Brothers.
Les syndicats sont restés tout particulièrement silencieux au moment de
l’éruption des émeutes de masse en Grèce suite à la mort par balle d’un jeune
homme de 15 ans Alexandros Grigoropoulos, de peur que de telles protestations
de masse ne se propagent dans toute l’Europe.
Le report de la grève jusqu’à la fin du
mois de janvier avait aussi été calculé par les syndicats pour isoler le
mouvement des lycéens contre la réforme de l’enseignement du gouvernement
Sarkozy.
La peur d’un mouvement de la classe
ouvrière, indépendant, est en train de s’amplifier dans les cercles de l’establishment
français. Le quotidien conservateur Le Figaro écrit, « La peur
d'une insurrection populaire nourrie par la crise commence à s'insinuer dans
les esprits des dirigeants européens. » Faisant référence aux
manifestations de masse et aux émeutes dans les pays baltiques, l’Islande et la
Bulgarie, le journal ajoute : « Mais aucune solution n'étant vraiment
discernable, ce mouvement contestataire ne risque-t-il pas de gagner, à mesure
que la crise s'approfondit, l'Europe tout entière ? »
Si l’on regarde le texte de la
Déclaration commune des syndicats, datée du 5 janvier, appelant à une grève
pour peser sur la« politique publique, » on s’aperçoit qu’elle
est criblée de contradictions. Elle appelle à la défense des emplois, tout en
demandant aux entreprises confrontées à des ralentissements de la production de
négocier le chômage partiel ou des fermetures provisoires « dans
l'objectif de préserver l'emploi et les salaires. » Elle lance un appel à
une réglementation gouvernementale pour « mettre un terme à la
spéculation, aux paradis fiscaux, à l'opacité du système financier
international et encadrer les mouvements de capitaux. » On ne voit pas
trop comment Sarkozy, même s’il voulait le faire, pourrait réglementer ses amis
qui comptent parmi les milliardaires de France, tels Bolloré et Lagardère, sans
parler des financiers de New York, Londres, Tokyo ou Hong-Kong.
La perspective nationaliste de la
Déclaration commune est réactionnaire et non viable à la fois. L’Etat français
ne peut pas à lui seul protéger l’économie française d’une crise mondiale, pas
plus que Sarkozy n’a pu contenir l’intensification de l’inflation causée l’an
dernier par l’augmentation massive du prix des matières premières sur les
marchés mondiaux. Si initialement la crise s’est davantage concentrée sur
certains pays, durant l’effondrement des prêts hypothécaires à risques
américains et l’effondrement du crédit et des bulles du logement, principalement
aux Etats-Unis et dans certains pays européens comme le Royaume-Uni et
l’Espagne, la crise est à présent un phénomène mondial. Un gel mondial du
crédit et un effondrement des actifs et du commerce mondial frappent tous les
pays.
L’incohérence du programme des syndicats
n’est pas un hasard. La bureaucratie syndicale n’ose pas expliquer ce que les
syndicats sont en train de faire parce qu’ils sont les adjoints d’une élite
dirigeante française cherchant à imposer des mesures d’austérité à une classe
ouvrière hostile. Mais cela devient de plus en plus difficile à dissimuler. Le
25 janvier, le secrétaire général de Sarkozy, Claude Guéant, a accordé un
entretien au Parisien dans lequel il a dit qu’il n’était « pas
inquiet, mais attentif » à la grève du 29 janvier. Quand on lui a demandé
si Sarkozy voulait des syndicats forts, Guéant a répondu, « Oui, car leur
rôle est extrêmement important. Des initiatives seront prises pour que les
syndicats soient plus représentatifs, plus forts et encore davantage des
partenaires. »
Ceci vient juste après la réunion du 13
janvier à l’Elysée entre Sarkozy et les dirigeants des cinq principales confédérations
syndicales (CGT, CFDT, FO, CFTC et CGC.) D’après le communiqué de presse de
l’Elysée, Sarkozy a proposé « un schéma pour informer et consulter les
organisations syndicales sur la prévention et le traitement des
restructurations » et de collaborer à une « gestion prévisionnelle
de l'emploi. » Dans ce contexte d’effondrement économique, cela ne peut
que vouloir dire collaborer avec l’Etat pour imposer des suppressions d’emplois
et des baisses de salaires.
Avec cette stratégie, les syndicats
réitèrent la collaboration qu’ils entretenaient avec le gouvernement lors des
grèves du printemps et de l’été 2008. Les syndicats avaient alors négocié une
Position commune avec le patronat et un accord de base avec Sarkozy pour un
programme d’attaques sur les retraites et un affaiblissement du code du
travail, dont la loi sur la semaine de 35 heures, puis avaient cyniquement
appelé à une série de grèves bien espacées pour faire retomber la pression et
démoraliser les travailleurs. En conséquence, toutes les attaques
gouvernementales sur les acquis sociaux avaient été votées. Ecoeurés, les
travailleurs avaient réagi par une abstention record de 74,35 pour cent aux
élections prud’homales de décembre 2008.
Si les syndicats osent simuler une opposition
renouvelée à Sarkozy en appelant à des manifestations de masse, c’est parce
qu’ils savent qu’aucune force politique de l’establishment français ne s’opposera
à leur manière d’organiser la grève, ni ne montera de campagne politique fondée
sur une perspective de prise de contrôle de l’économie par la classe ouvrière
et la mise en place d’un gouvernement ouvrier. Ils ont tout à fait raison de
calculer que la loyauté des dirigeants des soi-disant partis de
« gauche » en France va à la classe dirigeante.
Tous les partis de la gauche officielle,
Parti socialiste, Parti communiste et Verts, soutiennent les syndicats et
mettent en avant l’idée qu’une pression de masse de la base peut changer la
politique économique de l’élite dirigeante française. Quant aux partis de l’« extrême-gauche »,
leurs critiques occasionnelles de la bureaucratie syndicale ne diminuent en
rien leur détermination à canaliser les luttes de la classe ouvrière derrière
la bureaucratie syndicale et à bloquer l’émergence d’un mouvement politique de
la classe ouvrière qui soit indépendant. Tous ces partis, la Ligue communiste
révolutionnaire (LCR) et son Nouveau Parti anticapitaliste, Lutte ouvrière et
le Parti ouvrier indépendant (POI) précédemment Parti des travailleurs, s’opposent
à la construction d’un mouvement politique visant à faire tomber le
gouvernement.
Les travailleurs français ont besoin de
toute urgence d’un parti qui lutte pour unifier la classe ouvrière à travers
l’Europe et internationalement sur la base d’un programme socialiste. Le Comité
international de la Quatrième Internationale et le World Socialist Web Site
appellent les travailleurs et les jeunes qui cherchent une alternative
socialiste au chômage de masse et à la pauvreté, à lire le WSWS, à contacter le
CIQI et à lutter pour construire une section du CIQI en France.