Le résultat des élections régionales de Hesse
du dimanche 18 janvier est une gifle cinglante pour la grande coalition de
Berlin. Sur les 4,4 millions d’électeurs inscrits, seuls 1,6 million, soit 36
pour cent, ont voté pour l’Union chrétienne-démocrate (CDU) ou le Parti
social-démocrate (SPD) qui constituent tous deux, depuis 3 ans et demi, le
gouvernement fédéral. La désagrégation des soi-disant partis populaires que
l’on observe depuis longtemps s’est aussi poursuivie sans discontinuation en
Hesse.
Quelque 1,8 million d’électeurs inscrits ont
boudé les urnes ou ont voté nul. Le taux de participation a été de 61 pour
cent, un taux extrêmement bas. Il y a un an, la participation électorale avait encore
été de 64 pour cent.
Avec 23,7 pour cent des suffrages exprimés, le
SPD faisait le plus mauvais score de son histoire. Il perdait près de 400 000
voix par rapport à l’année dernière, un recul de 13 pour cent. 155 000 personnes
se sont abstenues et 120 000 ont changé leur vote en votant Verts.
Les pertes du SPD étaient plus ou moins escomptées
après que la présidente du SPD en Hesse, Andrea Ypsilanti, eût tenté,
contrairement à sa promesse électorale, de former un gouvernement avec La
Gauche et que cette tentative eût par deux fois échoué.
Par contre, le résultat du CDU était surprenant.
Contrairement à toute attente, en perdant encore 46 000 voix après avoir déjà
subi des pertes dramatiques il y a un an, il ne fut pas en mesure de profiter du
déclin du SPD. C’est uniquement en raison de la faible participation qu’il a pu
gagner 0,4 point pour passer à 37,2 pour cent.
Les principaux gagnants de l’élection furent
le Parti libéral-démocrate (FDP) et les Verts, qui gagnèrent tous deux plus de
6 pour cent, obtenant avec 16,2 et 13,7 pour cent respectivement des résultats
record. Avec le FDP, qui lors de la campagne électorale s’était déjà déclaré en
faveur d’une coalition avec le CDU, le ministre président en fonction, Roland
Koch, dispose à nouveau d’une majorité absolue.
La plupart des analyses électorales expliquent
les résultats de l’élection de Hesse par les « turbulences politiques des
ces derniers mois » (Institut Infratest dimap), par les conflits au sujet
d’une coalition SPD-Verts soutenue par La Gauche et qui a finalement échoué après
que quatre députés du SPD aient refusé leur soutien à Ypsilanti. Il se peut que
ceci ait influencé le résultat électoral mais sans en être l’élément décisif.
L’élection régionale de cette année s’est
déroulé dans des conditions tout à fait différentes de celle de l’année
dernière. Il s’agit de la première élection régionale à avoir lieu après l’éclatement
de la pire crise économique depuis les années 1930. Depuis l’explosion l’été dernier
de la bulle immobilière américaine, les banques ont comptabilisé des milliards
de pertes et le gouvernement fédéral a débloqué des sommes énormes pour
secourir les spéculateurs financiers. Entretemps, il ne fait pas de doute que
l’économie mondiale connaît en 2009 une grave récession.
Dans ces conditions, l’élection régionale de
Hesse révèle le gouffre considérable qui s’est creusé entre les partis établis
et la grande masse de la population. Le taux massif des abstentions et les
pertes importantes du SPD et du CDU sont l’expression de la défiance et de l’inimité
envers les partis qui depuis des années n’ont cessé de supprimer les acquis
sociaux et les droits démocratiques en collaborant pour ce faire étroitement
avec les directeurs des banques et des grands groupes.
Les gains électoraux du FDP et des Verts ne
semblent être contradictoires qu’en apparence. Un sondage réalisé pour la
chaîne allemande ARD a montré que plus de la moitié des électeurs ont voté pour
ces partis non pas parce qu’ils leur faisaient confiance mais parce qu’ils
faisaient encore moins confiance aux autres partis. Cela signifie que le succès
du FDP et des Verts est l’expression d’une défiance générale dans des
conditions où il n’y avait pas le choix d’une alternative sérieuse.
Les deux partis se différencient à peine en
contenu du SPD et du CDU. Le candidat en première position du FDP de Hesse,
Jörg-Uwe Hahn, est si incolore qu’au soir de l’élection il était incapable de
dire ce qui différenciait son parti du CDU. Et les Verts sont prêts depuis
longtemps à former une coalition aussi bien avec le SPD qu’avec le CDU.
Un autre résultat remarquable de l’élection de
Hesse est le score obtenu par La Gauche. Bien que le SPD ait perdu plus du
tiers de ses électeurs, La Gauche ne put en profiter. Certes, avec 5,4 pour cent
des votes elle intègre à nouveau le gouvernement régional, mais elle a
recueilli 1700 voix de moins qu’il y a un an alors qu’elle avait été fondée tout
spécialement dans le but de recueillir une partie du SPD quand ce dernier se
disloquerait. Et elle a complètement échoué
L’explication donnée par les analyses
superficielles est que les électeurs n’aiment pas « les extrêmes ». Le
problème est qu’il n’y a rien d’« extrême » dans La Gauche. Tout au
long de l’année passée, elle s’est vraiment efforcée de prouver sa fiabilité
aux partis établis en donnant un blanc-seing à la coalition rouge-verte
projetée par Ypsilanti. Dans les nouveaux Länder fédéraux et dans la ville de
Berlin, elle a depuis longtemps fait ses preuves en tant que parti d’Etat.
La stagnation de La Gauche a d’autres causes. Seuls
quelques-uns croient que son programme, un réformisme social réchauffé du style
des années 1970, est une réponse à la crise économique mondiale.
La plupart des travailleurs sont suffisamment
réalistes pour comprendre que la pire crise de l’économie capitaliste depuis
plus de 70 ans ne pourra être résolue par une « augmentation du pouvoir
d’achat » et d’autres mesures, que le parti La Gauche promet sans jamais
les mettre en application. Ils sont en quête d’une réponse plus radicale et
qu’ils ne distinguent présentement pas encore. C’est ce qui explique le nombre
considérable des abstentions et l’accroissement du FDP et des Verts qui ne comprennent
pas ce qui leur arrive. Mais, ce n’est là qu’un
phénomène passager.
La crise qui ne cesse de s’aggraver de jour en
jour rend inévitables les luttes de classe virulentes. La classe dirigeante et
ses partis, CDU, FDP, SPD, Verts et La Gauche, sont déterminés à rejeter les
conséquences de la crise sur la population laborieuse. Il s’agit de se préparer
à ces luttes par la construction d’un véritable parti ouvrier indépendant.