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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : Jean-Luc Mélenchon lance le Parti de Gauche

Par Antoine Lerougetel et Peter Schwarz
5 janvier 2009

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Le sénateur Jean-Luc Mélenchon et près de 1000 sympathisants ont fait scission d’avec le Parti socialiste et formé un nouveau parti, le Parti de Gauche (PG) suivant l’exemple du parti Die Linke (La Gauche) allemand. Oskar Lafontaine, dirigeant de Die Linke était présent en tant qu’invité d’honneur au meeting de lancement du Parti de Gauche à Saint-Ouen le 29 novembre dernier.

Dans son intervention au congrès fondateur, Mélenchon a appelé à la fondation d’un « parti creuset » où socialistes, communistes, écologistes et républicains « mêlent » l’histoire de leurs formations politiques « pour faire du neuf ». La révolution qu’il propose est une « révolution par les élections » au sein d’une « nouvelle majorité politique » construite à partir d’un « front de gauche ». L’objectif de ce « front de gauche » est de déloger le Parti socialiste de sa position dominante dans la gauche parlementaire en le dépassant aux élections européennes de 2009 et en mettant « en quarantaine le social libéralisme ».

Comme son équivalent allemand, le véritable objectif du Parti de Gauche est d’empêcher que les masses ne prennent un virage politique à gauche et de fomenter de nouvelles illusions dans le programme de réformes capitalistes qui a si lamentablement failli avec le Parti socialiste.

Le Parti de Gauche soutient explicitement les syndicats. Dans son discours, Mélenchon a appelé à « donner de la force aux syndicats qui luttent en première ligne ».

Le programme proposé par ce nouveau parti a été résumé à la fin du discours de Mélenchon. Il a appelé à un bouclier social (un revenu minimum pour tous) et promis une redistribution de dix pour cent de la richesse des capitalistes vers les travailleurs. Il envisage un monde, non pas dans lequel les banques deviennent propriété collective et placées sous le contrôle des travailleurs, mais un monde dans lequel, d’une manière ou d’une autre, la cupidité des banques est maîtrisée, où les « les créateurs et les savants marchent devant et les financiers derrière ». Ou encore, pour reprendre le discours d’Oskar Lafontaine : « Il faut civiliser le capitalisme. »

Lafontaine et Mélenchon ont tous deux fait l’éloge de François Mitterrand, le président français de 1981 à 1995, et l’ont présenté comme un modèle. Mélenchon a déclaré : « Nous n’oublions pas que c’est à la victoire du Programme commun [entre le Parti communiste et le Parti socialiste] que nous devons la retraite à soixante ans. » Lafontaine a glorifié le Congrès d’Epinay de 1971 où Mitterrand avait pris la direction du Parti socialiste.

Lafontaine a appelé à « la participation des employés au capital de leur entreprise » et prôné « une économie mixte où les entreprises privées, de loin la majorité, côtoient les entreprises nationalisées ».

Mélenchon, avec des connotations fortement nationalistes, a appelé au renforcement des frontières européennes : « De même contre l’Europe libérale passoire ouverte à tous les vents du libre échange absurde qui domine le monde, il faut exiger aux frontières de l’Union pendant cette période d’exception un tamis douanier qui bloque le dumping social et environnemental. »

Un dispositif de sécurité à gauche

La décision de Mélenchon de quitter le Parti socialiste (PS), dont il a été membre pendant 31 ans, est une réaction à la désintégration générale de la « gauche » parlementaire officielle française, le Parti socialiste et le Parti communiste (PC), et à la perte de leur base sociale antérieure.

Depuis les années 1970, l’alliance du Parti socialiste et du Parti communiste, au gouvernement et en dehors du gouvernement et avec les syndicats en grande partie sous leur influence politique, représente le principal pilier du régime capitaliste français. Mais leur virage à droite continu a eu pour conséquence l’aliénation politique de la masse de la classe ouvrière par rapport à ces partis.

Ceci avait atteint un point critique lors des élections présidentielles de 2002, lorsque le candidat PS Lionel Jospin avait été relégué à la troisième place par le fasciste Jean-Marie Le Pen, et que dix pour cent des électeurs avaient voté pour des candidats se décrivant comme trotskystes. Ceci avait marqué la fin de la « gauche » officielle, mécanisme par lequel le capitalisme français avait conservé son pouvoir après la révolte de 1968.

En 2005, lors du référendum sur la Constitution européenne, il y avait eu une tentative de former une large alliance à la gauche du Parti socialiste et comprenant des sections du Parti socialiste, du Parti communiste, du parti pabliste la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et d’autres formations politiques. Plusieurs factions du Parti socialiste, Mélenchon jouant un rôle proéminent, avait défié la ligne officielle du parti et fait campagne pour le « Non », partageant la tribune avec la dirigeante du PC Marie-George Buffet et le porte-parole de la LCR Olivier Besancenot.

Mais bien que cette campagne ait été une réussite et que le « Non » l’ait emporté, la tentative de fusionner le camp du « Non » en un nouveau parti, ce que la LCR promouvait avec force, échoua. Les factions du Parti socialiste qui soutenait le « Non », dont Mélenchon et ses sympathisants, se réconcilièrent très vite avec la direction du parti. Et le Parti communiste fit clairement comprendre qu’il n’était pas prêt à briser son alliance avec le Parti socialiste, duquel dépendaient ses sièges parlementaires et postes ministériels.

Suite à cela, et après un score relativement important pour Olivier Besancenot à l’élection présidentielle de 2007, la LCR a décidé de former le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) tout seul. Ce projet qui sera formalisé en janvier 2009 a reçu une large réponse dans les médias, tandis que Besancenot voit sa cote de popularité grimper dans les sondages. La décision de Mélenchon de former le Parti de Gauche est une réaction à cet état de fait.

Bien que Besancenot et la LCR se soient donnés beaucoup de mal pour répudier tout lien avec la politique révolutionnaire et aient explicitement rejeté l’héritage du trotskysme, il existe d’énormes réserves parmi les cercles dirigeants quant à concéder trop de place à la LCR. La France a été fortement touchée par la crise économique mondiale et on s’attend à une plus forte radicalisation en France des travailleurs et de la jeunesse, dont la combativité est bien connue.

Besancenot a été transformé en célébrité par les médias et est traité avec beaucoup de respect par les cercles dirigeants, néanmoins des doutes importants existent concernant la capacité du parti qu’il est en train de former à contrôler et faire dérailler un mouvement combatif et déterminé des jeunes et des travailleurs. Contrairement au PS et au PC, il n’a pas à sa disposition un appareil bureaucratique fort, avec des centaines de permanents bien payés et endurcis. C’est pour cela que se pose la nécessité d’instruments de gauche supplémentaires pour faire dérailler un mouvement social.

Le Parti de Gauche est le troisième nouveau parti de « gauche » à être lancé cette année. Après que la LCR eut annoncé son projet de Nouveau Parti anticapitaliste, le Parti des travailleurs (PT, de Pierre Lambert) a formé le Parti ouvrier indépendant (POI) en juin de cette année. L’objectif de ce nouveau parti est de mieux intégrer les bureaucrates des autorités locales auxquels le PT s’était adressé lors des élections présidentielles de 2007 quand il avait présenté son candidat Gérard Schivardi comme candidat des 36 000 maires de France.

Un stratège politique

Jean-Luc Mélenchon est lui-même un stratège politique expérimenté. Comme de nombreuses personnalités de premier plan de la « gauche » française, il a reçu sa formation politique initiale dans l’un des groupes radicaux qui se décrivent faussement comme trotskystes.

Né à Tanger au Maroc en 1951, Mélenchon était un dirigeant lycéen lors de la révolte de la jeunesse en mai 1968. Il rejoignit l’OCI (Organisation communiste internationaliste) conduite par Pierre Lambert et militait dans les syndicats étudiants.

En 1971, l’OCI mit fin à son affiliation au mouvement trotskyste international, le Comité international de la Quatrième Internationale et soutint le Parti socialiste dont la direction fut prise par François Mitterrand au cours de cette même année. De nombreux membres de l’OCI furent envoyés secrètement dans le Parti socialiste, dont Lionel Jospin qui devait devenir plus tard premier ministre.

Mélenchon les suivit en 1977, après avoir été expulsé de l’OCI. A partir de là, il devint un loyal partisan de Mitterrand. Il fut élu sénateur en 1986 et, mis à part quatre années sans siège, il est resté sénateur jusqu’à ce jour. Il a eu un poste de secrétaire d’Etat dans le gouvernement de Jospin de 2000 à 2002. Il a conduit ou participé activement à de nombreux et différents regroupements à la « gauche » du PS.

Mélenchon et son collaborateur Marc Dolez, un député du Nord, ont annoncé leur décision de rompre avec le Parti socialiste et de former le Parti de Gauche après que la motion de Benoît Hamon qui prétend représenter l’aile gauche du parti n’eut recueilli que 19 pour cent des voix des électeurs lors du vote précédant le Congrès du Parti socialiste à Rennes. Vingt-neuf pour cent ont soutenu la motion conduite par Ségolène Royal, candidate présidentielle en 2007, et 25 pour cent celle de Martine Aubry, la maire de Lille et actuelle dirigeante du parti. Royal et Aubry sont toutes deux loyales partisanes de l’Union européenne.

Etant donné que Mélenchon a accepté tous les tours et détours de la ligne du parti pendant trois décennies, il est évident que la raison officielle donnée pour cette rupture est fausse. La vraie raison est la désintégration rapide du Parti socialiste qui est divisé en deux entre les partisans de Royal et d’Aubry et qui est bloqué dans une hostilité acharnée entre factions.

Aubry a remporté le vote national des militants pour le poste de première secrétaire en novembre dernier par une toute petite majorité sur Ségolène Royal. Aubry jouit du soutien des poids lourds du parti, du président du FMI Dominique Strauss-Kahn aux anciens premiers ministres Lionel Jospin et Laurent Fabius, tandis que Royal se base sur les nouveaux adhérents qui ont été attirés par sa trajectoire droitière et ont rejoint le parti via Internet. Royal veut faire entrer le PS dans une alliance avec le MoDem (Mouvement démocratique) de centre droit de François Bayrou.

Dans une situation où le Parti socialiste est dans une crise profonde, Mélenchon cherche à raviver le projet d’une large alliance à gauche et qui avait échoué après le référendum sur la Constitution européenne. Cela concernerait le Parti socialiste, ou une partie de celui-ci, ainsi que le NAP de Besancenot.

Immédiatement après le lancement du Parti de Gauche, Mélenchon et Dolez ont lancé un appel à « la constitution d'un front de forces de gauche pour les élections européennes ». Mélenchon a déclaré que son objectif était de faire des élections au parlement européen de 2009 « un référendum sur le Traité de Lisbonne ». Dolez a quitté le groupe socialiste à l’Assemblée nationale et rejoint le groupe de députés PC et Verts.

Le Parti communiste a répondu de façon favorable à l’invitation du Parti de Gauche, proposant son propre « Front progressiste européen ». Comme le Parti communiste est déjà dans une alliance électorale avec le Parti socialiste et les Verts pour les élections européennes, cela ramène le Parti de Gauche au milieu d’où il est issu, à une différence visible près : son invitation à « un front de forces de gauche » inclut explicitement le NAP de Besancenot et le POI lambertiste qui tous deux soutiennent sa position sur le Traité de Lisbonne. Le POI, virulemment anti-européen est en discussion régulière avec le Parti de Gauche.

(Article original anglais paru le 27 décembre 2008)


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