Trois jours avant l’investiture du 44e
président des Etats-Unis, les différences entre le gouvernement sortant et le
nouveau ont en grande partie été effacées.
George W. Bush, comme le reconnaissent même
les médias, qui sont contrôlés par le patronat, est le président le plus détesté
de l’histoire américaine. Barack Obama est, du moins selon les sondages qui
mesurent l’opinion publique, le bénéficiaire d’une période provisoire de lune
de miel durant laquelle les espoirs dépassent en poids l’expérience et nombreux
sont ceux qui sont prêts à « lui donner sa chance. »
Bien plus décisive que ces illusions, il y a
la politique du gouvernement Obama. Tout donne à croire que l’opposition
populaire à Obama grandira rapidement et que la colère et l’indignation quant à
la grossière tromperie impliquée dans le processus électoral jetteront de
l’huile sur le feu. Alors que des millions de gens ont voté pour le candidat
démocrate et contre le programme de guerre du gouvernement Bush, de répression
et de faveurs accordées aux riches, les initiatives prises par Obama montrent
l’unité fondamentale qui existe entre les deux grands partis pro-patronaux et
qui tous deux sont des instruments de la même élite dirigeante patronale.
La première décision politique d’importance
prise par Obama, avant même son entrée en fonctions à la Maison-Blanche, a été
de jeter son poids dans la balance pour obtenir l’autorisation du Congrès de
débloquer la deuxième moitié des 700 milliards de dollars mis de côté l’automne
dernier sur demande du gouvernement Bush et destinée à soutenir le système
financier américain. Le Sénat (les démocrates ayant voté par 46 voix sur 52 en
faveur du déblocage) a soutenu jeudi le dernier plan de relance des banques.
Le président élu a annoncé le même jour qu’il s’attaquerait
à une autre priorité du gouvernement Bush, la réduction des coûts des
programmes de protection sociale tels Medicare, Medicaid et de la Sécurité
sociale. Il a déclaré à la rédaction du Washington Post qu’il réunirait
un « sommet consacré à la responsabilité fiscale » avant de soumettre
son premier budget au Congrès. Il a dit au sujet des dépenses relatives au
système public de protection sociale, « Nous devons faire preuve de
sérieux en nous assurant que les décisions difficiles seront prises sous mon
contrôle et personne d’autre. »
L’équipe économique choisie par Obama comprend
Timothy Geithner comme secrétaire au Trésor. Geithner est l’un des trois
responsables clés du gouvernement Bush pour la gestion de la crise financière
en raison de ses fonctions de président de la Réserve fédérale (Fed, banque
centrale américaine) de New York. Le plan de relance proposé par le futur
gouvernement prévoit une baisse d’impôts d’un montant équivalent à au moins un
quart de mille milliards de dollars dont un grand nombre vise les intérêts des
entreprises.
Il y a une certaine continuité à la fois dans
le personnel et la politique étrangère et militaire, notamment dans le choix de
conserver Roberts Gates à son poste de ministre de la Défense, et c’est la
première fois qu’un chef du Pentagone est maintenu dans ses fonctions en dépit
d’un changement de parti à la Maison-Blanche. Gates est un fervent défenseur
des premières décisions majeures prises en politique étrangère par le nouveau
gouvernement, à savoir l’intensification de la guerre américaine en Afghanistan
avec l’envoi de 30 000 troupes supplémentaires cette année ainsi qu’une hausse
des attaques à l’intérieur du territoire du Pakistan voisin.
En ce qui concerne l’Irak, Obama garde à leur
poste les trois généraux responsables de la guerre : Raymond Odierno, le
commandant des troupes américaines en Irak ; le général David Petraeus, le
nouveau chef du Commandement central (Centcom) qui couvre l’Irak et
l’Afghanistan ; et le général Douglas Lute qui occupe le poste d’assistant
et de conseiller adjoint en matière de sécurité nationale et qui est le coordinateur
de la guerre en Irak et en Afghanistan auprès de la Maison-Blanche.
Pratiquement tous les candidats retenus par
Obama en matière de politique étrangère et les conseillers, la secrétaire
d’Etat Hillary Clinton, le conseiller à la sécurité nationale James Jones, le
vice-président Joseph Biden et une flopée d’adjoints au Conseil à la sécurité
nationale, aux ministères d’Etat et de la Défense, ont soutenu la guerre en
Irak jusqu’à ce qu’elle devienne une débâcle militaire et politique pour
l’impérialisme américain.
Jones, l’ancien commandant des forces de l’OTAN, fait partie
des quatre généraux et amiraux (respectivement de l’armée de terre, de la
marine, de l’air et des Marines) à la retraite qui ont récemment été nommés au
plus haut niveau de la hiérarchie dans le gouvernement Obama. Le général Jones
sera rejoint par l’amiral Dennis Blair, nommé au poste de directeur du
renseignement américain, le général Eric Shinseki, nommé au poste de secrétaire
d’Etat aux anciens combattants et le général Jonathan Scott Gration qui prendra
probablement la tête de la Nasa.
Tout au long de la période transitoire, Obama s’est abstenu de
faire des commentaires sur une grande partie des questions relatives à la
politique étrangère, en répétant la formule « il n’y a qu’un seul
président à la fois ». Il ne s’est écarté du respect envers Bush qu’en une
seule occasion : en défendant publiquement le droit d’Israël de perpétrer
son attaque sanglante contre la population palestinienne de Gaza. Il n’y a pas
le moindre « changement » dans la transition des républicains aux démocrates
à la Maison-Blanche quand il s’agit d’accepter les crimes du régime sioniste.
Vendredi, une autre preuve évidente a été donnée qu’Obama
poursuit les mêmes intérêts impérialistes que Bush. Conformément à un article
paru dans le Washington Post, « Le président élu Barack Obama a signalé
en privé à des membres des services secrets américains de haut rang qu’il
n’envisage pas d’ouvrir une enquête juridique sur les pratiques passées de la
CIA de torture par l’eau et d’autres méthodes d’interrogatoire, a dit hier
l’ancien directeur de l’agence, Michael V. Hayden. Obama a été informé sur des
détails clés des pratiques d’interrogatoire de la CIA le mois dernier lors
d’une réunion à huis clos en faisant comprendre clairement après coup qu’il s’intéressait
davantage à la protection du pays contre des attaques terroristes qu’à faire
des enquêtes sur le passé, a précisé le directeur sortant de la CIA. »
L’article du Post n’a été publié que quelques jours
après l’extraordinaire déclaration faite par un juriste du Pentagone
responsable pour les tribunaux militaires à Guantánamo Bay que les prisonniers qui
y étaient incarcérés avaient été systématiquement torturés sur ordre de
Washington. Il s’agissait là d’un signal clair envoyé par Obama aux services du
renseignement militaire américain que personne ne serait tenu pour responsable des
crimes commis durant les huit années de Bush à la Maison-Blanche.
Le gouvernement Obama a adopté la « guerre contre le
terrorisme » déclarée par Bush à la fois en paroles et en pratique.
L’investiture même sera entourée de mesures de sécurité sans précédent dans
l’histoire américaine, avec la fermeture des ponts traversant le Potomac, avec
des centaines de policiers en civils dans le métro et des milliers d’agents
armés en uniforme, déployés dans les rues. La semaine passée, les candidats retenus
pour la Maison-Blanche rejoignaient leurs homologues du gouvernement Bush pour
une répétition générale d’une attaque terroriste.
Obama et ses collaborateurs de haut rang ont à maintes
reprises déclaré leur intention d’organiser une « transition sans heurts »
en reconnaissant les mérites du gouvernement sortant pour sa coopération. Il ne
s’agit pas là d’un échange de simples formules de politesse, ce qui se passe ce
mois-ci à Washington est un changement de parti et, dans une certaine mesure,
de personnel, mais pas un changement politique fondamental. Le gouvernement
Obama, tout comme celui de Bush, défendra les intérêts de l’élite patronale à
l’encontre de la population laborieuse et de l’impérialisme américain à
l’encontre du monde.