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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : La campagne raciste contre la burqa est une atteinte aux droits démocratiques

Par Antoine Lerougetel et Alex Lantier
15 juillet 2009

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Le président conservateur Nicolas Sarkozy et la gauche bourgeoise française sont en train de monter ensemble une campagne antidémocratique visant à rendre illégale la minorité de femmes musulmanes en France qui portent la burqa ou le niqab, vêtement qui recouvre entièrement le corps. En plus de créer un dangereux précédent consistant à interdire une conduite religieuse personnelle, cette mesure a pour but d'attiser le racisme anti-musulman en divisant la classe ouvrière et en promouvant un climat politique fascisant dans le pays.

Dans son discours du 22 juin devant les parlementaires assemblés au Château de Versailles, le président Sarkozy avait déclaré, « La burqa n’est pas la bienvenue en France. »

Sarkozy reprenait une initiative d'André Gerin, député et maire PC (Parti communiste stalinien) de la banlieue défavorisée de Vénissieux, près de Lyon. La pétition de Gérin pour une loi interdisant le port de la burqa ou niqab sur la voie publique a le soutien de députés de tous les partis représentés à l'Assemblée nationale.

Juste après le discours de Sarkozy, une mission parlementaire a été mise en place pour étudier la question. Elle a commencé ses délibérations le 8 juillet et rendra son rapport à la fin du mois de décembre.

Comme l'indique clairement la composition de la mission parlementaire, c'est dans l'ensemble de l'establishment politique français, que l'on trouve les partisans de la victimisation des musulmans en France. La commission comprend 32 députés: 1 du PCF, un Vert, 11 du Parti socialiste (PS), 17 de l'UMP (Union pour un mouvement populaire, le parti conservateur au pouvoir) et 3 divers. Le rapporteur de la commission sera le député UMP Eric Raoult. La commission sera conduite par Gérin.

Jean-François Copé, dirigeant du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale a donné le ton. Il a dit à la presse le 8 juillet que ce qu'il fallait c'était « une loi d'interdiction précédée d'une phase de six mois à un an de dialogue, d'explication et d'avertissement. »

Il a suggéré que le port de la burqa ou du niqab par les femmes musulmanes était le signe d'une vaste conspiration : « Les extrémistes tentent une nouvelle fois de tester la République» Il a dit avec insistance que la burqa pose « un problème de sécurité et d'ordre public. » et a promis que « de toute façon, la réponse sera forte ». Il a suggéré de façon absurde que criminaliser une conduite personnelle fondée sur l'opinion religieuse n'avait rien à voir avec la discrimination religieuse. « La burqa est un débat politique, pas religieux. »

Les commentaires des médias plus larges démentent l'affirmation de Copé selon laquelle l'objectif n'était pas l'ingérence dans la liberté de religion. Rapportant les dépositions de la première session de la mission qui a commencé ses travaux le 8 juillet, l'Agence France-Presse a cité l'anthropologue Dounia Bouzar: « Mme Bouzar a expliqué que le voile intégral était le fait de salafistes qui disent se référer à l'islam des origines et se tiennent à l'écart du monde extérieur considéré comme impur. Elle a parlé du "comportement sectaire". »

Un autre facteur significatif dans la campagne anti-burqa est la haine anti-musulmane croissante au sein de la classe dirigeante française au moment où elle étend ses interventions impérialistes dans le monde musulman. La France a envoyé des soldats en Afghanistan pour consolider l'occupation néocolonialiste américaine sur place, présentant avec hypocrisie son intervention comme une défense des droits des femmes. Elle a aussi récemment obtenu le droit d'installer une base militaire dans le golfe Persique.

Ainsi le député UMP Pierre Lellouche, spécialiste des questions militaires et représentant spécial de la France en Afghanistan et au Pakistan a dit, « Si je me bats au quotidien pour le droit des femmes en Afghanistan, vous comprendrez bien que je souhaiterais que toutes les femmes en France aient droit à leur corps et à leur personne. »

Le stalinien Gérin a argué dans la même veine dans une interview au magazine conservateur L'Express le 18 juin dernier. Il a dit que la vision de femmes portant la burqa ou le niqab « nous est déjà intolérable lorsqu'elle nous vient d'Iran, d'Afghanistan, d'Arabie Saoudite... Elle est totalement inacceptable sur le sol de la République française. »

Ce n'est pas un hasard si les médias et les politiciens font constamment référence à la « burqa » que l'on voit très rarement en France, et non au niqab qui bien que très rare aussi est plus répandu. La burqa, vêtement d'une pièce recouvrant le corps entier de la femme, avec un grillage pour les yeux, est portée en Afghanistan et évoque des images associées au terrorisme dans un pays ravagé par la guerre. Le niqab qui recouvre aussi le corps tout entier comprend un tissu qui couvre le visage laissant une fente pour les yeux. Il est principalement lié aux pays arabes tels l'Arabie saoudite et les Etats du Golfe.

Bien que déguisée sous le manteau hypocrite de la laïcité et de la défense des droits des femmes, cette campagne anti-burqa est une attaque raciste contre les libertés individuelles fondamentales. Elle est aussi particulièrement dangereuse du fait qu'elle crée un précédent par lequel l'Etat peut déclarer illégale toute croyance religieuse ou politique qu'il juge contraire à ses intérêts. 

On ne peut accorder aucune confiance aux prétentions selon lesquelles les droits des femmes musulmanes peuvent être défendus en créant un climat anti-musulman et en forçant les femmes à modifier leurs croyances et leur conduite sous la menace de sanction de l'Etat.

Chercher à justifier cette mesure par des appels à la laïcité est erroné et réactionnaire à la fois. D'un point de vue légal, la laïcité est un principe du rôle de l'Etat, stipulant que celui-ci va adopter une position de neutralité envers la religion. Pointer du doigt et persécuter une minorité opprimée tels les musulmans de France pour leur conduite personnelle est une violation directe de ce principe.

La campagne anti-burqa falsifie aussi la principale expérience politique qui a conduit au vote de la loi sur la laïcité de 1905: l'Affaire Dreyfus. A cette époque, une coalition de socialistes et d'intellectuels gagnèrent un soutien massif pour avoir fait annuler la victimisation par l'Eglise catholique, l'armée et l'Etat d'un membre d'une minorité religieuse persécutée, le capitaine Alfred Dreyfus, officier juif faussement accusé d'espionnage au profit de l'Allemagne. Aujourd'hui, les personnalités les plus puissantes de l'Etat exercent des représailles sur des membres d'une minorité opprimée tout en cherchant à dissimuler leur racisme sous le couvert de la laïcité.

Une campagne aussi droitière n'est rendue possible que du fait de la collaboration du PC stalinien, parti de gouvernement de la bourgeoisie française depuis longtemps, ainsi que de la soi-disant « extrême-gauche. » Leur soutien à cette mesure contredit l'opinion acceptée qu'ils représentent en quelque sorte la gauche. En fait, après une dégénérescence politique et un changement de leurs orientation et composition sociale sur plusieurs décennies, ces partis se retrouvent à présent dans le camp de la droite politique.

Le rôle de Gérin est particulièrement significatif pour souligner le chauvinisme qui règne au sein du PC stalinien. Admirateur de Fidel Castro, il avait adhéré au PC en 1964 comme militant syndical et avait été élu au comité central du PC en 1979. Elu conseiller municipal du PC en 1977, il devint maire de Vénissieux en 1985 et est député à l'Assemblée nationale depuis 1993.

Ayant attiré l'attention à l'échelle nationale pour son soutien enthousiaste à la répression par Sarkozy des émeutes urbaines des jeunes des banlieues en 2005, ses déclarations racistes symbolisent l'alignement de sections du PC sur la politique néofasciste du Front national. Dans son livre publié en 2005 Les Ghettos de la République, préfacé par Eric Raoult, il écrit, « Pour ma part, je prends peu à peu conscience de l'étendue du problème. Il s'agit de différences de modes de vie, de différences culturelles entre le monde judéo-chrétien et le monde islamique. »

Le 5 octobre 2007, dans une interview accordée à Riposte laïque, il attaquait les « familles qui posent problème » et pointait du doigt les familles immigrées. Il avait dit, « Voilà des années que je pose cette question au préfet et au procureur : faites partir ces familles pour le bien de tous, et si elles sont étrangères, n'hésitez pas à les expulser. Je suis en effet pour des méthodes radicales, fortes qui donnent l'exemple. » Dans une autre interview le 7 décembre 2007, Gérin se plaignait du « danger mortel que représente le racisme anti-blanc, anti-France ».

La réponse de la soi-disant « extrême-gauche » en France a une fois de plus démontré sa tendance inhérente à s'adapter aux initiatives les plus méprisables de l'establishment politique français. Lutte ouvrière (LO) a publié une dénonciation des femmes qui portent la burqa au motif ridicule qu'elles forcent d'autres femmes à en faire autant : « Reconnaître la "liberté" de porter la burqa, ce serait aider à nier la liberté des milliers d'autres de refuser les pressions qui les poussent à la porter. »

LO ajoute, « La liberté religieuse, elle aussi invoquée, ne peut être prise pour argument. » En d'autres termes, du point de vue de LO la liberté de religion ne s'applique qu'à certains, et elle ne s'applique pas aux couches les plus opprimées de la classe ouvrière en France, parmi lesquelles on compte la plupart des musulmanes qui portent la burqa.

Le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) d'Olivier Besancenot a gardé un silence assourdissant sur cette question. Le site Internet du parti ne comporte aucun commentaire au sujet de la burqa. C'est un fait particulièrement significatif du fait qu'ils préparent une alliance électorale avec le PC pour les élections régionales de l'année prochaine.

Aucun de ces partis n'a soulevé cette question évidente: l'implication d'une mesure aussi dangereuse pour les libertés politiques plus larges en France. Si des croyances religieuses ou opinions politiques peuvent être déclarées illégales parce qu'elles sont jugées néfastes aux fondements idéologiques de la République française, l'Etat fait une avancée majeure sur la voie conduisant à interdire la politique prolétarienne révolutionnaire et à préparer la répression de classe.

De telles inquiétudes, automatiques pour tout parti sérieusement préoccupé par la menace de la répression de l'Etat, ne viennent cependant pas à l'esprit du PC et de « l'extrême-gauche », car ces partis sont entièrement intégrés à l'establishment bourgeois et à l'Etat.

Cette campagne anti-burqa est un avertissement sérieux à la classe ouvrière quant à la dégénérescence de l'establishment bourgeois français et de ses satellites petits-bourgeois. Cette campagne fournira une couverture médiatique soutenue visant à diviser les travailleurs sur des lignes ethno-racistes et à empoisonner le climat contre les musulmans, précisément au moment où les économistes prédisent l'aggravation des tensions du fait de la crise économique, avec l'augmentation du chômage et l'arrivée d'une nouvelle vague de jeunes diplômés sur le marché du travail. Les travailleurs ayant une conscience de classe doivent s'opposer à cette campagne anti-burqa et rompre avec tous les partis qui la promeuvent ou l'acceptent.

(Article original anglais paru le 14 juillet 2009)


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