wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Obama exige le droit d’emprisonner des « combattants » acquittés au cours de procès

Par Bill Van Auken
15 juillet 2009

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Lors de dépositions faites devant le Sénat américain la semaine dernière, les responsables légaux du gouvernement Obama ont non seulement défendu le système des tribunaux militaires bidons mis en place par l’administration Bush, mais ils ont encore proclamé le droit de l’actuel gouvernement de maintenir des prisonniers en détention illimitée même si ceux-ci ont été acquittés au cours d’un procès et si les soupçons de crimes relevant du terrorisme ne pèsent plus sur eux.

Cette exigence de vastes pouvoirs extra constitutionnels n’est que la plus récente d’une longue suite de décisions prises par l’administration démocrate et démontrant la continuité de cette administration avec celle de Bush pour ce qui est du militarisme et des attaques sur les droits démocratiques.   

La déposition faite devant la Commission du Sénat pour les forces armées par le principal avocat du Pentagone et par le chef de la division pour la sécurité nationale du département de la Justice eut lieu dans le contexte d’une tentative du Congrès de reconfigurer le système des tribunaux militaires mis en place sous l’administration Bush.

En 2006, le Congrès avait passé le Military Commissions Act (Loi sur les commissions militaires) pour essayer de donner une apparence légale aux cours martiales mises en place pour juger les soi-disant « combattants ennemis » et qui avaient été jugées non constitutionnelles par la Cour suprême américaine. La Haute Cour avait ensuite également passé un jugement en opposition au système des tribunaux militaires révisé par le Congrès.   

Les efforts actuels, tout comme ceux d’il y a trois ans, ont pour but de parer à des remises en cause réussies du système en question par les tribunaux. La Commission du Sénat pour les forces armées avait introduit une nouvelle législation sur les « commissions militaires » le mois dernier dans le cadre de la loi budgétaire militaire pour 2010.

Comme le dit le président démocrate de la commission sénatoriale, Carl Levin du Michigan, le but de cette législation était de substituer aux anciennes « de nouvelles procédures et un nouveau langage » qui « restaurerait la confiance dans les commissions militaires ».

Mais comme l’ont montré les avocats de l’administration, tout changement reviendra à un pur changement de décor dans un système digne de George Orwell où le gouvernement détermine qui est apte à juger, si les accusés sont envoyés devant un tribunal militaire ou un tribunal civil et même si on libère ceux qu’on aura innocentés. 

L’avocat du département de la Justice, David Kris, dit à la Commission sénatoriale que les procureurs civils et militaires débattent encore sur la question de savoir si de nombreux détenus qu’on a décidé de juger le seront devant un tribunal militaire ou civil.

« Il s’agit là d’un jugement impliquant un grand nombre de faits et qui exige une appréciation soigneuse de toutes les preuves » dit Kris. Il admit qu’une forme de jugement quelle qu’elle soit était préférable à une situation où on poursuivait la détention des prisonniers en tant que « combattant illégal ».

Mais ce qui est clair, c’est que ce processus « impliquant un grand nombre de faits » a pour but de déterminer quels prisonniers peuvent passer devant un tribunal civil, lesquels doivent être envoyés devant un tribunal militaire étant donné la faiblesse des preuves contre eux et lesquels seront simplement détenus sans procès parce qu’il n’y a pas de preuve utilisable dans l’un ou dans l’autre type de tribunal. Dans un tel système, tous doivent être trouvés coupables, la seule question est par quels moyens.

Une autre inquiétude de l’administration est sans aucun doute celle de maintenir hors des séances publiques les affaires qui pourraient faire connaître les crimes haineux commis par l’appareil militaire et l’appareil de renseignement américain dans la « Guerre contre la terreur » parmi lesquels il y a la torture, la « restitution extraordinaire » et les meurtres. 

La Maison-Blanche d’Obama a montré à maintes reprises sa détermination à couvrir ces crimes, en s’opposant, entre autres, à une décision de justice selon laquelle le Pentagone devait rendre publiques les photos de torture. Cela comprend aussi la tentative du département de la Justice de faire annuler les défis légaux contre les pratiques de l’administration Bush, y compris la restitution extraordinaire, la torture et l’espionnage intérieur illégal.

Avec Kris témoignait aussi Jeh Johnson, l’avocat en chef du département de la Défense. Celui-ci, argumenta en faveur du supposé pouvoir du président de maintenir en prison des détenus sans qu’ils soient jugés par un tribunal quel qu’il soit et de faire retourner des hommes en prison sans nouvelle accusation ou sans nouveau procès.   

« Il y aura à la fin de cette revue une catégorie de gens dont nous pensons, dans cette administration, qu’ils doivent rester en prison pour des raisons de sécurité publique et nationale » dit Johnson. « Et ce sont des gens à qui on ne fera pas forcément un procès. »

Il continua ainsi : « La question de ce qui se passe s’il y a un acquittement est une question intéressante ; nous parlons de cela souvent au sein de l’administration. Si pour une raison ou pour une autre, la personne ne reçoit pas une longue peine de prison, alors pour une question d’autorité légale, je pense que c’est notre opinion que nous devrions avoir la capacité de détenir cette personne ».

Johnson indiqua que de tels pouvoirs extraordinaires, qui sont la continuation de la répudiation de l’habeas corpus (un droit-clé, celui permettant de s’opposer à l’emprisonnement arbitraire) par l’administration Bush, vient de l’autorisation de la législation d’« usage de la force militaire » passée en 2001 à la suite des attaques terroristes du 11 septembre. C’est là le même prétexte légal fourre-tout utilisé par l’administration Bush pour justifier ses mesures anti-constitutionnelles.

Un membre du Congrès décrivit, de façon juste, comme des « parodies de procès » un système dans lequel des poursuites sont entreprises devant des tribunaux militaires ou civils selon l’endroit où elles sont assurées d’aboutir à une condamnation et dans le cas, peu probable, où un accusé parviendrait à échapper à la condamnation, le système peut, dans tous les cas, le renvoyer en prison. 

« Ce qui me tracasse est qu’ils semblent dire, "nous disposons de preuves suffisamment solides contre certaines personnes, alors on leur fera un procès en bonne et due forme" », dit le représentant au Congrès Jerrold Nadler (démocrate, New York) au Wall Street Journal. Poursuivant, il dit : « Pour certaines personnes, le dossier n’est pas si convaincant, alors on leur fera un procès un peu moins en bonne et due forme. On leur donnera juste assez de bonne et due forme pour garantir une condamnation parce que nous savons qu’ils sont coupables. Ceci n’est pas un procès en bonne et due forme, c’est une parodie de procès. » Nadler préside un sous-comité judiciaire du Parlement qui a tenu une audience sur les commissions militaires la semaine dernière.

Dans sa déposition, Kris, du département de la Justice, reconnut que le fait de savoir si des accusations de « soutien matériel au terrorisme » peuvent  faire l’objet d’un procès devant un tribunal militaire, qui, selon Obama n’existera que pour poursuivre des violations du droit de guerre, soulevait de « sérieuses questions ».

Mais il montra clairement que les avocats de l’administration avaient décidé que l’accusation de « soutien matériel » pouvait faire l’objet d’un procès devant une commission militaire et, dans la plupart des cas, être associées à des accusations de conspiration qui aideraient à faire tenir les condamnations en cas d’appel.

Ce point est significatif étant donné que la grande majorité de ceux qui sont détenus à la prison de la marine à Guantanamo Bay (Cuba) ainsi que les milliers de personnes qui ont été jetées en prison en Irak et en Afghanistan et dans des « sites noirs » de la CIA dans le monde entier, n’ont été accusés d’aucun acte terroriste spécifique. Ils sont bien plutôt accusés, sur la base de très peu de preuves ou pas de preuves du tout, de soutien à, ou d’association avec, des terroristes.

Le « soutien matériel au terrorisme » a aussi été le principal chef d’accusation dans toute une suite de machinations judiciaires aux Etats-Unis mêmes et dans lesquelles des dizaines d’individus ont été piégés par des agents provocateurs du gouvernement au cours d’opérations « complot terroriste » montées par le FBI. 

Les avocats du  Pentagone et du département de la Justice ont affirmé que l’administration et la commission sénatoriale étaient du même avis pour ce qui était d’interdire l’usage de confessions obtenues sous la torture pour condamner ceux qui passaient devant des tribunaux militaires. Des divergences sont cependant apparues entre l’avocat du département de la Justice Kris et un responsable légal de haut rang en uniforme qui faisait également une déposition.  

Tandis que Kris avertissait de ce que l’usage de confessions « involontaires » pouvait conduire à ce que des condamnations pouvaient être cassées en appel, le vice-amiral Bruce MacDonald, avocat général de la marine, arguait qu’un juge militaire devait être capable d’évaluer la « fiabilité » de « déclarations forcées » en décidant si elles pouvaient être retenues en tant que preuve.

Les avocats de l’administration ont aussi soutenu une disposition dans la législation passée par la Commission sénatoriale, qui permet l’usage de preuves basées sur le « on-dit » et qui serait exclu dans un tribunal civil. Comme le dit Kris, l’usage de ce genre de preuve est nécessaire « étant donné les circonstances uniques des opérations militaires et de renseignement ».

Le témoignage de l’avocat du Pentagone Jeh Johnson a aussi remis en cause l’engagement d’Obama de fermer la prison de Guantanamo jusqu’au 22 janvier 2010. Il accepta le fait que de nombreux dossiers ne seraient pas près d’ici janvier prochain et refusa de dire où les tribunaux militaires seraient installés, disant que l’administration considérait « différentes options ». Il y a quelques mois, le Congrès avait bloqué le financement du transfert de détenus vers les Etats-Unis.

Dans son témoignage devant la commission parlementaire mercredi, un ancien procureur à Guantanamo fit une condamnation cinglante du système des tribunaux militaires, y compris celui, proposé sous forme rénovée, par l’administration Obama.

Le lieutenant-colonel Darrel Vandeveld, parlant devant une commission juridique de la Chambre, dit qu’il était le septième procureur militaire de Guantanamo à démissionner parce qu’il ne pouvait pas « moralement ou légalement poursuivre l’accusé dans le cadre du système des commissions militaires ». 

La législation du Sénat, accusa-t-il, laissait en place un système qui est « illégal et anti-constitutionnel » et qui sert à « saper les valeurs fondamentales de justice et de liberté ».

Disant qu’il était allé à Guantanamo comme un « vrai croyant », Vandeveld précisa que sa conception avait été radicalement changée par le cas du jeune Afghan qu’il avait pour tâche de poursuivre, Mohammed Jawad.

Il décrivit ainsi les éléments de base de l’accusation contre Jawad qui pouvait avoir 12 ans lors de son arrestation par les troupes américaines en Afghanistan : « Une confession obtenue sous la torture, deux tentatives de suicide de la part de l’accusé, des interrogatoires injurieux, la retenue de preuves à décharge vis-à-vis de la défense, l’incompétence juridique et des tentatives hideuses de couvrir les fautes d’un système irrémédiablement ruiné ». 

L’administration Obama continue de détenir ce jeune qui fut confronté à la détention, à la torture et aux injures pendant près de sept ans, sur la base d’aveux extraits sous la torture.

Ce qui devient de plus en plus évident, c’est que l’actuelle administration maintient et étend l’infrastructure d’Etat policier créée par son prédécesseur avec l’affirmation bidon qu’un « procès en bonne et due forme » a été rétabli et qui ne sert qu’à donner à ce système hors de la légalité une apparence de légitimité. 

Ce système n’affectera pas seulement les 229 détenus de Guantanamo, bien que ce ne soit pas là une mince affaire, étant donné que des hommes innocents y ont été emprisonnés et torturés pendant sept années. Il sera aussi en place pour les détenus qui seront kidnappés à l’avenir dans le monde entier par l’armée américaine et la CIA, ainsi que pour quiconque sera considéré par le président des Etats-Unis (que ce soit Obama ou ses successeurs) comme une menace pour la sécurité nationale, y compris des citoyens américains.

Peu importe que ce « combattant ennemi » puisse prouver son innocence devant un tribunal ! Le président tout puissant peut tout simplement ignorer le verdict et le maintenir en prison. Cela correspond à la définition standard d’une dictature.

(Article original publié le 10 juillet 2009)


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés