Les dirigeants du groupe
G8 des huit principaux pays industrialisés se sont alignés pour la photo à
l’issue du sommet de cette année en essayant de présenter sous le
meilleur jour possible leurs négociations qui se sont déroulées dans la ville
italienne de L’Aquila.
Le président américain
Barack Obama a parlé d’un consensus historique sur la politique
environnementale et la chancelière allemande Angela Merkel a déclaré que
« des progrès considérables » avaient été faits lors du sommet. En
fait, la plupart des décisions annoncées au cours des trois derniers jours
avaient été vagues et non contraignantes. De manière générale, elles sont un
recul par rapport aux positions acceptées (et non appliquées) lors des
précédents sommets du G8.
Le changement climatique
Lors du sommet, les tentatives de parvenir à des décisions
contraignantes sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre ont été
bloquées par les pays en développement tels l’Inde, la Chine et le Brésil
qui ont soutenu que les objectifs climatiques étaient utilisés par les pays
industrialisés, notamment les Etats-Unis, pour entraver leur propre croissance
économique. Les représentants des trois pays avaient été invités à participer
aux pourparlers du deuxième jour du G8 à l’Aquila.
Une proposition initiale avancée lors du sommet prévoyant
une réduction de 80 pour cent des émissions de gaz à effet de serre d’ici
2050 a été enterrée en l’espace de quelques heures après son annonce. Le
Canada a dit que le but était une simple « aspiration » et la Russie
a dit qu’elle ne pourrait atteindre cet objectif.
Enfin, le sommet a accepté de réduire de moitié les
émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, mais sa résolution finale
s'est distinguée par son manque de détails. La résolution est restée imprécise
quant à l’année de référence pour l’application de la réduction. Si
le point de départ est postérieur à 1990, année de base dans la plupart des
cas, alors l’objectif implique des réductions plus modestes étant donné
que dans la plupart des pays les émissions ont augmenté après cette date.
Ce récent accord est loin d’atteindre le but fixé
par l’Union européenne en mars 2007 et qui prévoyait une réduction de 20
pour cent des émissions de CO2 d’ici 2020 par rapport au niveau de 1990.
L’Allemagne avait même déclaré qu’elle souhaitait des réductions
allant jusqu’à 40 pour cent d’ici 2020.
Les dirigeants du G8 n’ont pas non plus précisé
comment leurs objectifs climatiques étaient censés être financés, les décisions
à ce sujet ayant été laissées en suspens jusqu’au sommet du G20 prévu fin
septembre à Pittsburgh en Pennsylvanie.
En commentant la résolution du G8 sur le changement
climatique, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon s’est
plaint de ce que le G8 avait « gâché une opportunité » de progrès.
L’aide à l’agriculture
Le succès dont on a fait grand cas à la fin du sommet
tournait autour de la décision des dirigeants du G8 de mettre en place un fonds
de 20 milliards de dollars sur trois ans pour aider l’agriculture des
pays les moins développés. Les premiers communiqués du sommet faisaient état de
15 milliards de dollars et les participants au sommet ont présenté la somme
finale acceptée et comptant 5 milliards de dollars supplémentaires comme une
avancée considérable destinée à assister les nations et les continents pauvres,
notamment l’Afrique.
La somme de 20 milliards de dollars est totalement
inadéquate pour soulager la pauvreté dans les pays sous-développés. Dans un
rapport publié une semaine avant le sommet, l’organisation caritative
britannique ActionAid avait noté qu’un milliard de gens souffraient de
famine dans le monde et déclaré que les décisions prises à la réunion du G8
pourrait « littéralement faire la différence entre la vie et la mort pour
des millions dans la population des pays en voie de développement »
La somme symbolique qui a été annoncée en Italie condamne
ces centaines de millions de gens à une famine et une pauvreté aggravées étant
donné que la crise économique mondiale frappe particulièrement cruellement les
économies les plus faibles et les plus vulnérables. La plus grande partie de
l’Afrique et de l’Asie est privée de capital, car il est monopolisé
par les puissances impérialistes pour essayer de sauver leurs systèmes
bancaires et ce au moment où les marchés d’exportation des soi-disant
pays du tiers-monde rétrécissent.
De plus, le communiqué sur l’aide pour l’agriculture
néglige de préciser si les 20 milliards de dollars (dont la somme de 3,5
milliards de dollars promise par les Etats-Unis est dérisoire) représentent une
nouvelle somme d’argent ou s’il s’agit simplement de
redistribuer des fonds promis depuis de longue date. Lors du sommet de
Gleneagles, en Ecosse en 2005, les dirigeants du G8 avaient promis non moins de
50 milliards de dollars pour l’aide aux pays sous-développés d’ici
2010. Selon l’Organisation de coopération et de développement économique
(OCDE) seul un tiers de cet objectif avait été atteint.
La politique financière et économique
Les dirigeants du G8 ont également été incapables de
trouver un accord solide sur la manière de combattre la crise financière.
Reconnaissant les dangers que pose la crise, le sommet a publié un communiqué
mercredi déclarant, « La situation reste incertaine et des risques
importants continuent de peser sur la stabilité économique et
financière. »
Cependant, le G8 est profondément divisé quant à la
réponse à donner à la crise. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne préconisent
des injections additionnelles de capital à grande échelle pour les banques et
les grands groupes tandis qu’un nombre de pays européens,
l’Allemagne en tête, sont contre davantage de mesures de soutien et
mettent en garde contre un gonflement des déficits budgétaires et une menace
d’inflation. L’Allemagne, dont l’économie est orientée sur
les exportations industrielles, est particulièrement préoccupée par la
perspective que l’augmentation des déficits américains continuera de
déprimer la valeur du dollar américain par rapport à l’euro, rendant
ainsi les exportations allemandes trop onéreuses pour le marché américain et
les autres principaux marchés.
Les dirigeants du G8 ont été incapables de trouver une
politique coordonnée pour réagir à la crise. Ils n'ont guère fait plus que de
demander à ce que certains gouvernements coopérèrent les uns avec les autres
alors qu’eux-mêmes poursuivent leur propre solution nationale. La
déclaration commune a reconnu le manque de consensus en précisant que les
« stratégies de sortie de crise varieront d’un pays à l’autre
en fonction de la situation économique et des finances publiques. »
Pour la forme, les participants au sommet du G8 ont
unanimement dénoncé le protectionnisme commercial et ont mis en garde contre
les dangers d’un isolement national grandissant. Dans une déclaration
commune publiée jeudi, les membres du G8 et du groupe G5 des économies
émergentes, le Brésil, la Chine, l’Inde, le Mexique et l’Afrique du
Sud, ont déclaré qu’ils s’étaient « engagés » à parachever
d’ici la fin de 2010 le cycle de Doha des négociations de
l’Organisation mondiale du commerce visant à réduire les barrières
commerciales et à libéraliser les économies.
Aucune de ces
proclamations ne peut être prise au sérieux. Plutôt que de supprimer les
barrières douanières et autres formes de protectionnisme économique, la réponse
universelle donnée par des nations individuelles à la crise financière a
consisté à renforcer des mesures de rétorsion dans le domaine du commerce, de
la monnaie et du capital à l’encontre d’autres pays.
Le gouvernement américain
a adopté une clause « Buy American » (« Acheter
américain ») faisant partie de son programme de relance, exigeant que seul
l’acier et d’autres produits fabriqués par des producteurs
nationaux soient utilisés dans les projets d’infrastructure planifiés. Le
plan de relance s’élevant à plusieurs milliers de milliards de dollars,
voté par le gouvernement Obama et le déficit budgétaire record qui en a été la
conséquence ont, de plus, fait que le gros du capital privé disponible de par
les marchés financiers mondiaux a afflué vers les Etats-Unis.
Les autorités chinoises
ont réagi avec leur propre plan de sauvetage qui renferme aussi une clause
« acheter national ». D’autres nations performantes sont en
train de prendre des mesures identiques.
Selon Holger Görg de
l’Institut pour l’économie mondiale de Kiel, Allemagne, « Si
la chancelière allemande, Angela Merkel, sauve Opel, suite à la crise parce que
c’est une entreprise allemande, c’est aussi du
protectionnisme. »
Des divergences concernant
la politique commerciale sont apparues lors du sommet au sujet des marchés
énergétiques. Alarmées par l’augmentation récente des prix du pétrole qui
fait apparaître le danger d’une récession mondiale prolongée, la France
et la Grande-Bretagne ont proposé des mesures pour réguler les marchés
énergétiques et réduire la volatilité des prix du pétrole. Leurs propositions
ont rapidement été repoussées par les exportateurs de pétrole, la Russie et le
Canada, qui tous deux ont dit qu’il serait impossible de gérer les
marchés de cette façon.
L’Iran
Dans une déclaration
commune et sous la pression massive exercée par la délégation américaine, le G8
s’est dit « sérieusement préoccupé » par la « violence qui
a entouré l’élection présidentielle en Iran, » mais a remis à plus
tard l’adoption de nouvelles mesures contre le pays. Lors de sa visite en
début de semaine à Moscou, le président Obama avait exercé une pression
considérable sur la direction russe pour qu’elle adopte une attitude plus
dure à l’égard du gouvernement iranien. A L’Aquila, toutefois, la
délégation russe a déclaré que les mesures visant l’opposition en Iran
étaient une affaire intérieure.
Des défis au dollar
américain
Comme c’est souvent
le cas lors de tels sommets, les questions les plus significatives et les plus
litigieuses n’étaient pas inscrites à l’ordre du jour officiel.
Alors que les dirigeants du G8 étaient incapables de trouver des accords viables
sur la politique économique, le changement climatique et la pauvreté dans le
monde, des preuves grandissantes ont indiqué l’émergence d’un bloc
de pays déterminés à défier le rôle dominant des Etats-Unis dans la politique
commerciale et les affaires du monde.
Jeudi, le conseiller
d’Etat chinois Dai Bingguo avait ouvertement critiqué le rôle du dollar
américain comme monnaie de réserve mondiale. Selon le ministère des Affaires
étrangères chinois, Dai a dit aux dirigeants présents au sommet :
« Nous devrions avoir un meilleur système pour l’émission et la
régulation des monnaies de réserve de façon à ce que nous puissions maintenir
une relative stabilité des taux de change des principales devises de réserve et
encourager un système international de monnaies de réserve diversifié et
rationnel. »
Dai n’a pas
mentionné le dollar mais la cible de ses remarques était évidente. Le total des
investissements de la Chine dans le Trésor américain dépasse mille milliards de
dollars.
Les commentaires de Dai reprennent
les critiques concernant le rôle du dollar américain initialement émises en
mars par des sources officielles chinoises, mais ses remarques, faites lors
d’une réunion de haut rang des dirigeants mondiaux, représentent un
nouveau stade dans l’intensification des tensions économiques entre les
Etats-Unis et la Chine.
Priés de commenter les
remarques de Dai, les dirigeants du G8 ont cherché à minimiser leur
signification. Le premier ministre britannique, Gordon Brown, avait dit
initialement ne pas se souvenir que Dai avait fait de tels commentaires lors
d’une séance du sommet à laquelle il avait assisté en présence du
président américain. Après que sa mémoire eut été rafraîchie, Brown a dit,
« Nous ne voulons pas donner l’impression qu’un grand
changement est imminent et que les accords actuels seront déstabilisés. »
En fait, les commentaires
de Dai avaient été précédés en début de semaine de déclarations faites par le
principal conseiller économique du Kremlin, Arkady Dvorkovic, au Wall Street
Journal que la question d’une monnaie de réserve mondiale alternative
devrait faire partie de l’ordre du jour de la réunion du G8.
« Nous soulignerons, aux côtés de la Chine, le besoin
de développer progressivement un système financier mondial qui sera fondé sur
plusieurs nouvelles monnaies régionales fortes », a dit Dvorkovich aux
journalistes. « Avec le temps, » a-t-il ajouté, « ces nouvelles
monnaies revêtiront un caractère plus mondial ».
Dans un développement significatif, le même thème a été
abordé par le président français, Nicolas Sarkozy, qui a dit jeudi lors
d’une conférence de presse que le système actuel, basé sur la suprématie
du dollar américain depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale était dépassé
et devrait être remplacé.
« Franchement, soixante ans après, on doit se poser
la question : est-ce qu’un monde multipolaire… ne doit pas
correspondre à un monde multi-monétaire économiquement ? » Sarkozy a
ajouté, « Je souhaite, même si c’est un sujet difficile, que dans
les mois qui viennent nous [en] parlions. »