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L'Iran, les médias et le World Socialist Web Site

Par Joe Kishore
1er juillet 2009

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« Concevez la presse comme un grand clavier sur lequel le gouvernement peut jouer », déclarait Joseph Goebbels. Dans le cas des médias américains, il n'est même pas nécessaire que le gouvernement en joue. Le clavier joue tout seul.

Cela est certainement vrai en ce qui concerne le traitement médiatique de la récente élection en Iran.

À peine l'élection terminée, les médias se sont accordés sur l'interprétation qu'ils souhaitaient donner des événements : le président iranien Mahmoud Ahmadinejad menait un « coup d'État », grâce à une élection « truquée ». Le candidat de l'opposition, Mir Hossein Moussavi, bénéficiait d'un soutien très large et menait une  « révolution verte » au nom de la liberté et de la démocratie.

Cette analyse a été présentée sans la moindre prétention à l'objectivité. La possibilité qu'il y ait plusieurs aspects dans cette histoire, d'autres interprétations du résultat des élections, est totalement ignorée. Les faits qui contredisent ou viennent remettre en question les conclusions voulues sont ignorés.

Les divers commentateurs de la télévision et de la presse écrite – pour ne rien dire des éditorialistes de la presse quotidienne – sont devenus des partisans affichés du candidat de l'opposition, qui se trouve être le candidat qui a la faveur des États-Unis.

L'impudence du rôle du New York Times, porte-parole du libéralisme politique américain, est particulièrement notoire. Avec le recul, il est évident que ce journal s'était préparé bien à l'avance pour assister le gouvernement américain dans son opération de déstabilisation visant à changer le personnel de haut rang et faire évoluer le régime de Téhéran dans un sens favorable aux intérêts économiques et géostratégiques des États-Unis. Le principal rédacteur sur les affaires internationales, Roger Cohen, et le rédacteur en chef Bill Keller ont été envoyés à Téhéran pour couvrir les développements, accompagnés de nombreux autres journalistes et assistants.

Le Times n'a jusqu'à ce jour présenté aucune analyse indépendante des résultats de l'élection qui a eu lieu. Il n'a pas reconnu, sans même parler de réfuter, ces groupes de réflexion et ces commentateurs de l'establishment qui ont affirmé que les résultats de l'élection étaient justes dans l'ensemble.

Dans aucun de ses articles, le « journal de référence » n'a mentionné, par exemple, l'analyse de Ken Ballen et Patrick Doherty, qui ont mené un sondage montrant que durant les derniers jours précédant l'élection, Ahmadinejad avait deux fois plus d'intentions de vote. À la place, le Times a immédiatement accepté sans réserves et affirmé comme un fait établi les allégations de Moussavi et de ses partisans.

Le New York Times a donné le la pour le reste de la presse écrite. Pendant ce temps, à la télévision, les chaînes d'information du câble ont procédé à une couverture ininterrompue et très biaisée des manifestations contre Ahmadinejad.

Les médias ont dévolu une grande partie de leur couverture à la mort d'une jeune femme, Neda Agha-Soltan, qui a été proclamée martyre de la cause démocratique, alors même que les circonstances de sa mort ne sont pas claires et qu'elle était apparemment une simple spectatrice, et non une manifestante. Il est fait grand cas de la violence d'Etat iranienne, alors qu'on ne parle pratiquement pas des attaques de drones américains contre des civils au Pakistan voisin qui ont tué plus de 80 personnes rien que cette semaine. Est-ce que la vie de ces Pakistanais ne compte pas ?

Il n'est pas nécessaire d'être un partisan du régime religieux iranien – et le WSWS en est l'opposant le plus constant et le plus affirmé – pour reconnaître l'hypocrisie et la malhonnêteté des médias américains.

Il semble qu'il existe un rapport inversement proportionnel entre les ressources que les médias dédient à une affaire et la fiabilité, le sérieux, des informations qu'ils fournissent. Aucune des questions les plus fondamentales qui se posent en Iran n'est soulevée.

Nulle part dans les grands médias, il n'y a eu d'analyse sérieuse de l'Histoire iranienne (sans parler du rôle réactionnaire des États-Unis dans cette histoire) ou de la dynamique de classes de la société iranienne. Le véritable programme de Moussavi et de son principal soutien, le multimillionnaire et vétéran du régime, Akbar Hashemi Rafsandjani, reste une page blanche, tout comme le rôle de Moussavi dans la répression de l'opposition de gauche dans les années 1980.

Il n'y a eu aucune analyse des intérêts géopolitiques en jeu, surtout des intérêts des États-Unis. Le fait que l'Iran est voisin de trois pays qui sont actuellement soumis à une intervention militaire des États-Unis – l'Irak, l'Afghanistan et le Pakistan – n'est pas considéré comme quelque chose d'important pour comprendre ce qui se passe dans le pays. La longue liste des provocations américaines en Iran, y compris le coup organisé par la CIA contre un gouvernement nationaliste populaire et le soutien de Washington à la dictature brutale du Shah, ne sont mentionnés qu'au passage, s'ils le sont.

La propagande sous couvert de journalisme n'a pas été confinée aux médias de grande diffusion. Les principales publications « de gauche » — The Nation, Huffington Post, Democracy Now !, et bien d'autres — ont rejoint le rang tout aussi bien.

Le porte-étendard de la politique libérale de gauche aux États-Unis, The Nation, a envoyé son principal commentateur en politique étrangère, Robert Dreyfuss, en Iran pour servir de porte-parole de la « révolution colorée ». Comme l'a révélé le WSWS, Dreyfuss a été une grande figure de l'organisation fasciste de Lyndon LaRouche. Il a écrit un livre dénonçant le renversement du Shah.

Sur ses conseils, The Nation, a publié un entretien, sous prétexte de mettre la crise iranienne en « perspective », avec l'ex-ministre des Affaires étrangères Ibrahim Yazdi. Dans son livre, Dreyfuss présentait Yazdi comme étant le contact de la CIA à l'intérieur du régime religieux.

Les publications censées être « socialistes » ne sont pas différentes. Un ajout récent sur le site de Socialist Worker, la publication de l'International Socialist Organisation (ISO) déclare en les approuvant que même des forces « politiquement de droite qui, il y a quelques mois auraient approuvé une attaque américaine contre l'Iran, se sont rangées du côté des Iraniens » — c'est-à-dire avec les partisans de Moussavi. Cela ne les trouble pas un instant de voir que l'ISO s'aligne ainsi sur des néo-conservateurs partisans d'une guerre contre l'Iran.

Le gouvernement d'Obama est devenu le moyen pour ces groupes des classes moyennes de faire leur paix avec l'impérialisme américain. Ils ont maintenant la « place » qu'ils ont si longtemps désirée. L'on sent un soulagement chez eux, sinon une véritable joie, à pouvoir côtoyer politiquement les forces les plus réactionnaires.

Dans ces conditions, le World Socialist Web Site a un rôle absolument essentiel. C'est la force de la rationalité et de l'objectivité, un contrepoids à la pression des médias bourgeois, de droite comme de « gauche ».

Le WSWS n'est pas qu'une source d'information en ligne parmi tant d'autres. Il est unique, non seulement par la qualité et la vision d'ensemble de ses reportages, mais surtout dans son orientation et sa perspective politique claire, s'appuyant sur l'héritage du mouvement marxiste. C'est précisément cet ancrage qui lui permet de développer une analyse correcte des événements politiques qui se développent et de fournir à la classe ouvrière en Iran et internationalement une perspective révolutionnaire indépendante.

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(Article original anglais paru le 26 juin 2009)

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