« Concevez la presse comme un grand
clavier sur lequel le gouvernement peut jouer », déclarait Joseph
Goebbels. Dans le cas des médias américains, il n'est même pas nécessaire que
le gouvernement en joue. Le clavier joue tout seul.
Cela est certainement vrai en ce qui concerne
le traitement médiatique de la récente élection en Iran.
À peine l'élection terminée, les médias se
sont accordés sur l'interprétation qu'ils souhaitaient donner des événements :
le président iranien Mahmoud Ahmadinejad menait un « coup d'État »,
grâce à une élection « truquée ». Le candidat de l'opposition, Mir
Hossein Moussavi, bénéficiait d'un soutien très large et menait une
« révolution verte » au nom de la liberté et de la démocratie.
Cette analyse a été présentée sans la moindre
prétention à l'objectivité. La possibilité qu'il y ait plusieurs aspects dans
cette histoire, d'autres interprétations du résultat des élections, est
totalement ignorée. Les faits qui contredisent ou viennent remettre en question
les conclusions voulues sont ignorés.
Les divers commentateurs de la télévision et
de la presse écrite – pour ne rien dire des éditorialistes de la presse
quotidienne – sont devenus des partisans affichés du candidat de l'opposition,
qui se trouve être le candidat qui a la faveur des États-Unis.
L'impudence du rôle du New YorkTimes,
porte-parole du libéralisme politique américain, est particulièrement notoire.
Avec le recul, il est évident que ce journal s'était préparé bien à l'avance
pour assister le gouvernement américain dans son opération de déstabilisation
visant à changer le personnel de haut rang et faire évoluer le régime de
Téhéran dans un sens favorable aux intérêts économiques et géostratégiques des
États-Unis. Le principal rédacteur sur les affaires internationales, Roger
Cohen, et le rédacteur en chef Bill Keller ont été envoyés à Téhéran pour
couvrir les développements, accompagnés de nombreux autres journalistes et
assistants.
Le Times n'a jusqu'à ce jour présenté
aucune analyse indépendante des résultats de l'élection qui a eu lieu. Il n'a
pas reconnu, sans même parler de réfuter, ces groupes de réflexion et ces
commentateurs de l'establishment qui ont affirmé que les résultats de
l'élection étaient justes dans l'ensemble.
Dans aucun de ses articles, le « journal
de référence » n'a mentionné, par exemple, l'analyse de Ken Ballen et
Patrick Doherty, qui ont mené un sondage montrant que durant les derniers jours
précédant l'élection, Ahmadinejad avait deux fois plus d'intentions de vote. À
la place, le Times a immédiatement accepté sans réserves et affirmé
comme un fait établi les allégations de Moussavi et de ses partisans.
Le New York Times a donné le la pour le
reste de la presse écrite. Pendant ce temps, à la télévision, les chaînes
d'information du câble ont procédé à une couverture ininterrompue et très
biaisée des manifestations contre Ahmadinejad.
Les médias ont dévolu une grande partie de
leur couverture à la mort d'une jeune femme, Neda Agha-Soltan, qui a été
proclamée martyre de la cause démocratique, alors même que les circonstances de
sa mort ne sont pas claires et qu'elle était apparemment une simple
spectatrice, et non une manifestante. Il est fait grand cas de la violence
d'Etat iranienne, alors qu'on ne parle pratiquement pas des attaques de drones
américains contre des civils au Pakistan voisin qui ont tué plus de 80
personnes rien que cette semaine. Est-ce que la vie de ces Pakistanais ne
compte pas ?
Il n'est pas nécessaire d'être un partisan du
régime religieux iranien – et le WSWS en est l'opposant le plus constant et le
plus affirmé – pour reconnaître l'hypocrisie et la malhonnêteté des médias
américains.
Il semble qu'il existe un rapport inversement
proportionnel entre les ressources que les médias dédient à une affaire et la
fiabilité, le sérieux, des informations qu'ils fournissent. Aucune des
questions les plus fondamentales qui se posent en Iran n'est soulevée.
Nulle part dans les grands médias, il n'y a eu
d'analyse sérieuse de l'Histoire iranienne (sans parler du rôle réactionnaire
des États-Unis dans cette histoire) ou de la dynamique de classes de la société
iranienne. Le véritable programme de Moussavi et de son principal soutien, le
multimillionnaire et vétéran du régime, Akbar Hashemi Rafsandjani, reste une
page blanche, tout comme le rôle de Moussavi dans la répression de l'opposition
de gauche dans les années 1980.
Il n'y a eu aucune analyse des intérêts
géopolitiques en jeu, surtout des intérêts des États-Unis. Le fait que
l'Iran est voisin de trois pays qui sont actuellement soumis à une intervention
militaire des États-Unis – l'Irak, l'Afghanistan et le Pakistan – n'est pas
considéré comme quelque chose d'important pour comprendre ce qui se passe dans
le pays. La longue liste des provocations américaines en Iran, y compris le
coup organisé par la CIA contre un gouvernement nationaliste populaire et le
soutien de Washington à la dictature brutale du Shah, ne sont mentionnés qu'au
passage, s'ils le sont.
La propagande sous couvert de journalisme n'a
pas été confinée aux médias de grande diffusion. Les principales publications
« de gauche » — The Nation, Huffington Post,
Democracy Now !,et bien d'autres — ont rejoint le rang tout aussi
bien.
Le porte-étendard de la politique libérale de
gauche aux États-Unis, The Nation, a envoyé son principal commentateur
en politique étrangère, Robert Dreyfuss, en Iran pour servir de porte-parole de
la « révolution colorée ». Comme l'a révélé le WSWS, Dreyfuss a été
une grande figure de l'organisation fasciste de Lyndon LaRouche. Il a écrit un
livre dénonçant le renversement du Shah.
Sur ses conseils, The Nation, a publié
un entretien, sous prétexte de mettre la crise iranienne en
« perspective », avec l'ex-ministre des Affaires étrangères Ibrahim
Yazdi. Dans son livre, Dreyfuss présentait Yazdi comme étant le contact de la
CIA à l'intérieur du régime religieux.
Les publications censées être
« socialistes » ne sont pas différentes. Un ajout récent sur le site
de Socialist Worker, la publication de l'International Socialist
Organisation (ISO) déclare en les approuvant que même des forces
« politiquement de droite qui, il y a quelques mois auraient approuvé une
attaque américaine contre l'Iran, se sont rangées du côté des Iraniens » —
c'est-à-dire avec les partisans de Moussavi. Cela ne les trouble pas un instant
de voir que l'ISO s'aligne ainsi sur des néo-conservateurs partisans d'une
guerre contre l'Iran.
Le gouvernement d'Obama est devenu le moyen
pour ces groupes des classes moyennes de faire leur paix avec l'impérialisme
américain. Ils ont maintenant la « place » qu'ils ont si longtemps
désirée. L'on sent un soulagement chez eux, sinon une véritable joie, à pouvoir
côtoyer politiquement les forces les plus réactionnaires.
Dans ces conditions, le World Socialist Web
Site a un rôle absolument essentiel. C'est la force de la rationalité et de
l'objectivité, un contrepoids à la pression des médias bourgeois, de droite
comme de « gauche ».
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