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WSWS : Nouvelles et analyses : Economie mondiale

Le « Manifeste capitaliste » de l’éditorialiste de Newsweek International

Une tentative désespérée de rassurer

Par Nick Beams
11 juillet 2009

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Fareed Zakaria, éditorialiste pour le magazine Newsweek International, a écrit un essai intitulé « Le manifeste capitaliste : l’avidité est une bonne chose (jusqu’à un certain degré) » censé exprimer le soulagement, montrer que la panique créée par la crise financière mondiale est en train de s’apaiser et offrir aussi l’assurance qu’en dépit de toutes ses fautes, le capitalisme demeure « le moteur économique le plus productif que nous ayons inventé jusque-là ».

Le problème avec l’affirmation selon laquelle une fois de plus tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes est que la crise, loin d’être arrivée à son terme, commence tout juste à se développer.

Zakaria commence par se consoler de ce que les crises financières de ces vingt dernières années ont toutes été surmontées en ayant eu pour conséquence une croissance économique plus grande. Le crash boursier de 1987 a défié les prédictions d’un retour à la Grande Dépression « en se révélant être une défaillance passagère sur la voie d’un boom bien plus grand et de plus longue durée ». La crise financière asiatique de 1997 n’avait pas résulté en une récession mondiale. Au lieu de cela, les économies asiatiques « s’étaient reprises dans les deux années qui suivirent ». L’effondrement du fonds d’investissement Long-Term Capital Management en 1998, décrit alors par le secrétaire au Trésor des Etats-Unis de l’époque, Robert Rubin, comme étant « la pire crise financière de ces 50 dernières années », n’avait pas entraîné la fin des fonds d’investissement. Ceux-ci se sont en réalité plutôt « considérablement accrus » depuis.

Comment ces crises passées avaient-elles été surmontées ? Comme le remarque Zakaria, le président de la Réserve fédérale (FED) américaine, Alan Greenspan, avait toujours prôné la même solution : diminuer les taux d’intérêt et fournir de l’argent facile en créant une série de bulles financières.

Quand la crise des crédits « subprime » a débuté, le président de la FED, Ben Bernanke, a suivi le même processus. A cette occasion, toutefois, la baisse des taux d’intérêt ne réussit pas à réduire la crise. La FED commença à injecter des liquidités en août 2007 mais la situation ne fit que s’aggraver. La banque d’affaires Bear Stearns fit faillite en mars 2008 suivie de l’effondrement de Lehman Brothers en septembre et, dès la fin 2008, malgré l’injection massive de liquidités les cinq grandes banques d’investissement de Wall Street s’étaient soit effondrées soit avaient été obligées de mettre en œuvre des plans de restructuration. Le système financier mondial était au bord de l’écroulement.

Ceci en soi montre déjà que, loin de correspondre au tableau dépeint par Zakaria, à savoir que cette crise ressemble à toutes les autres depuis 1987, l’effondrement qui a commencé en 2007 a induit un changement qualitatif dans un processus continu.

Zakaria est obligé de reconnaître que le système financier mondial s’est « effondré plus souvent ces dernières trente années qu’à n’importe quelle autre période comparable de l’histoire ». Mais, il insiste pour dire que le problème n’est pas le système de profit en soi. « Ce à quoi nous assistons n’est pas une crise du capitalisme. C’est une crise de la finance, de la démocratie, de la mondialisation et finalement une crise de la morale. »

Pour commencer, séparer le capitalisme de chacun de ces phénomènes est absurde, comme si le mode capitaliste de production pouvait être extrait d’une façon ou d’une autre de la situation historique dans laquelle il est placé ; comme s’il ne façonnait pas l’environnement sociopolitique dans lequel il opère, y compris la morale dominante.

Examinons une à une les explications que Zakaria donne de la crise. Il insiste, comme beaucoup d’autres, que la faute se trouve dans l’application du système financier.

« La finance a foiré ou pour être plus précis, les banquiers ont foiré. En juin 2007, lorsque la crise financière a commencé, Coca-Cola, PepsiCo, IBM, Nike, Wal-Mart et Microsoft présentaient tous des bilans solides et un modèle d’affaires judicieux. Les principales entreprises américaines étaient hautement rentables et elles dépensaient avec prudence en s’accrochant à leurs liquidités dans le but de se constituer un coussin en cas de récession. »

La séparation de la finance (le mauvais côté) du reste de l’économie capitaliste (le bon côté) a une longue histoire. Elle fut traitée par Marx dans sa critique cinglante de l’anarchiste petit-bourgeois français Proudhon il y a plus de 150 ans. Comme l’expliquait Marx alors, le « mauvais » côté ne peut pas être séparé du « bon » surtout quand il apparaît que la plupart du temps le « mauvais » côté est la force motrice du développement historique. Et ceci est le cas dans la présente situation. Le développement du capitalisme américain, et de l’économie mondiale, s’est basé sur les vastes changements associés au processus de financiarisation qui a débuté dans les années 1980.

Quelques chiffres illustrent ce qui s’est produit. En 1980, les entreprises financières comptaient pour quelque 5 pour cent dans l’ensemble des bénéfices des entreprises. En 2006, ce pourcentage était passé à environ 40 pour cent. A l’échelle mondiale, en 1980 les valeurs financières égalaient presque en valeur le produit intérieur brut (PIB) mondial. Vingt-cinq ans plus tard, elles représentaient 350 pour cent du PIB mondial. Au cœur de cette transformation se trouve l’accumulation de la dette du secteur financier de l’économie américaine. Elle est passée de 63,8 pour cent du PIB en 1997 à 113,8 pour cent en 2007, suite au fait que les banques et les entreprises financières avaient plongé de plus en plus profondément dans la dette pour financer leurs opérations financières fondées elles-mêmes sur la dette.

Le développement et l’augmentation de la financiarisation n’était pas simplement un choix, mais était la réaction à la crise du processus d’accumulation capitaliste qui s’était développée à la fin des années 1960 et 1970. Confronté à une baisse du taux de profit, le capitalisme américain entreprit à partir de la fin des années 1970 un important programme de restructuration qui prévoyait la destruction de vastes pans de l’industrie manufacturière, une attaque concertée de la position sociale de la classe ouvrière, le développement de la délocalisation et de l’externalisation dans le but de profiter d’une main-d’œuvre meilleur marché, ainsi que le recours en tant que source de profit à la manipulation financière telles les offres publiques d’achat (OPA) hostiles et les fusions.

Un nouveau mode d’accumulation

La transformation de l’économie américaine dans les années 1980 a vu l’émergence d’un nouveau mode d’accumulation dans lequel le profit était fait par l’appropriation, par des méthodes financières, de richesse déjà créée. Au cours de l’histoire, la richesse avait été accumulée dans l’économie américaine par l’investissement, le commerce et la production manufacturière. A présent, la force motrice de l’accumulation était devenue l’augmentation du prix des actifs. C’est ce qui a déterminé la physionomie de l’économie américaine et l’accumulation du profit par toutes les sections du capital, même celles qui n’étaient pas directement liées à la finance.

Dans les années 1950 et 1960, les entreprises manufacturières basées sur la production à la chaîne, ne représentaient pas la majeure partie de l’économie américaine. Mais l’augmentation considérable de la rentabilité permise par ces méthodes créait des conditions dans lesquelles tous les secteurs du capital étaient en mesure de s’étendre. C’était une société dominée par ce que les sociologues ont appelé le « régime fordiste » dans lequel, comme le remarquait l’ancien PDG de General Motors Charles Wilson dans une phrase devenue célèbre « ce qui est bon pour le pays est bon pour General Motors et vice versa. »

Au cours de ces 25 dernières années, le rôle fondamental joué autrefois par la production à la chaîne dans l’économie américaine a été joué par le capital financier.

Peu importe qu’une société capitaliste soit saine ou bien gérée, l’accumulation du profit est un processus social. L’expansion de toute société dépend de la croissance de l’économie en général. Et, aux Etats-Unis, le capital financier a été la force motrice.

Toute tentative de séparer le « mauvais » côté du « bon » côté échoue dès qu’on y regarde d’un peu plus près. Zakaria nomme diverses entreprises comme faisant partie du « bon » côté du capital américain. L’une d’entre elles est Microsoft. Mais, l’une des principales sources de profit de Microsoft a été la vente d’ordinateurs et de logiciels qui ont stimulé le secteur financier. Examinons Nike et Wal-Mart. Ils ont fait des profits par l’exploitation de main-d’œuvre bon marché en Chine et dans d’autres pays, dans les conditions d’une production mondialisée. Mais ces opérations impliquant des relations financières complexes n’auraient pas été possibles sans la croissance des produits dérivés financiers. Dans le même temps, Nike et Wal-Mart n’auraient pas pu rester rentables sans l’augmentation de la dette à la consommation aux Etats-Unis, une grande partie de cette dette provenant du crédit immobilier, qui a soutenu les dépenses à la consommation en dépit de la stagnation ou du déclin des revenus réels durant le dernier quart de siècle.

La signification essentielle de la crise financière mondiale est qu’elle marque l’effondrement du mode d’accumulation qui avait prévalu ces dernières 25 années.

Les actifs financiers tirent en dernière analyse leur valeur de leur exigence sur la production de richesse réelle. Les actions en sont un exemple patent. L’action est la revendication d’une part des rentrées régulières générées par une entreprise particulière. Cette action peut être achetée et vendue et, sur le marché, sa valeur peut s’accroître au-delà de la valeur des actifs qui en forment la base.

Le fait que les actifs financiers aient presque quadruplé par rapport à la production mondiale au cours de ces deux dernières décennies et demie signifie que leurs revendications par rapport à la richesse réelle ne peuvent être satisfaites. Cette différence est exprimée dans l’émergence des soi-disant « actifs pourris » (toxic assets) dans les bilans des banques et des institutions financières, des revendications par rapport au revenu et à la richesse qui sont en fait sans valeur.

En d’autres termes, la crise n’est pas une crise de liquidité, autrement dit un manque de fonds suffisants pour assurer le fonctionnement d’un système autrement sain, mais d’insolvabilité. Son ampleur est indiquée par le fait que vouloir rétablir la parité qui avait existé en 1980 entre la valeur des actifs financiers et le PIB mondial voudrait dire éliminer des actifs financiers d’une valeur correspondant à deux fois le PIB mondial.

Ces chiffres montrent clairement la signification des plans de renflouement et de sauvetage que les gouvernements ont lancé de par le monde. Ils n’ont rien à voir avec la sauvegarde des emplois et des conditions de vie de la classe ouvrière. Ils visent plutôt à transférer à l’Etat le plus possible des dettes massives et des « actifs pourris » amassés par les institutions financières et les banques.

C’est précisément cette opération de sauvetage par l’Etat qui a stimulé les marchés boursiers au cours de ces derniers trois mois et qui a permis à Zakaria de pousser un soupir de soulagement. Comme le rapportait un récent article du Wall Street Journal, l’une des principales raisons du sursaut de plus de 30 pour cent est « déconcertante tant elle est simple ». Les marchés financiers « regorgent de fonds gouvernementaux » suite aux plus importants plans de sauvetage combinés de l’histoire moderne.

Le gouvernement américain a déjà promis de verser 12,7 billions de dollars pour étayer le système financier, soit à peu près l’équivalent du produit intérieur brut américain. Depuis l’intensification de la crise financière en septembre 2008, les gouvernements de par le monde ont engagé 18 billions de dollars de fonds publics, l’équivalent de presque 30 pour cent du PIB mondial, pour recapitaliser les banques. Ceci a conduit à un éclatement de leur position fiscale.

En Grande-Bretagne, l’on s’attend à ce que la dette gouvernementale atteigne bientôt 100 pour cent du PIB tandis que la dette gouvernementale japonaise devrait approcher les 200 pour cent d’ici 2011 et la dette du gouvernement des Etats-Unis les 100 pour cent du PIB dans le même laps de temps. Selon les économistes du FMI, le ratio d’endettement public au PIB des pays du G20, qui représentent quelque 85 pour cent de l’économie mondiale, aura augmenté de 36 points de pourcentage du PIB par rapport aux niveaux atteints à la fin de 2007.

Un nouveau régime politique

Le financement gouvernemental ne peut cependant pas se poursuivre indéfiniment. Les dettes contractées par l’Etat pour financer les banques seront payées par des coupes dans les dépenses publiques et les services sociaux et un appauvrissement de force de la classe ouvrière. L’ampleur de cette attaque contre les conditions sociales et le niveau de vie sera directement proportionnée au montant des sommes d’argent engagées. Selon une évaluation faite en Grande-Bretagne, la consommation dans ce pays devra être réduite d’au moins 20 pour cent par rapport à son niveau de 2006-2007 pour pouvoir amorcer le retour à l’équilibre des comptes publics.

Zakaria souligne la croissance « terrifiante » de la dette gouvernementale aux Etats-Unis, notamment quand des droits et des engagements de retraite en font partie, et remarque que « personne n’a sérieusement essayé de combler le fossé, ce qui ne peut se faire qu’en (1) augmentant les impôts ou (2) en diminuant les dépenses. »

« Voici la maladie de la démocratie moderne : le système ne peut pas imposer une souffrance à court terme pour des gains à long terme. » Les implications politiques sont claires : il est impossible d’imposer les coupes massives des dépenses publiques et des revenus nécessaires à l’effacement de la dette gouvernementale dans le cadre de l’ordre politique actuel. La restructuration des Etats-Unis et des autres principales économies capitalistes requiert un régime nouveau et infiniment plus répressif.

Zakaria déploie des efforts extraordinaires pour essayer d’affirmer que le capitalisme n’est pas la cause de la crise. Le vrai problème, insiste-t-il, n’est pas l’échec, mais trop de succès. Le monde est arrivé à « un degré extraordinaire de stabilité politique » ; il n’y a pas de compétition militaire majeure entre les grandes puissances ; la violence politique connaît un déclin. Compte tenu des guerres qui sont menées par les Etats-Unis en Irak, au Pakistan et en Afghanistan, une telle affirmation ne peut être qualifiée que d’absurde. Quant à la persistance des rivalités entre grandes puissances, il suffit de noter l’inquiétude permanente et croissante qui règne dans le milieu des responsables politiques américains quant à la montée de la Chine.

Zakaria ne laisse pas les faits déranger l’histoire qu’il veut raconter. La stabilité politique, affirme-t-il, est allée de pair avec une réduction de l’inflation, avec la croissance économique et avec l’établissement d’un système économique mondial. C’est ce « bon temps » qui a rendu les gens complaisants et plus déraisonnables au fur et à mesure que le coût du capital a baissé. « L’économie mondiale est devenue l’équivalent d’une voiture de course, plus rapide et plus complexe que n’importe quel véhicule jamais vu. Mais il s’avéra que personne n’avait jamais piloté une telle voiture avant et personne ne savait comment le faire. Elle a donc eu un accident. »

Qu’en est-il de l’avenir ? « Le vrai problème », poursuit-il, « est que nous continuons de piloter cette voiture. L’économie mondiale demeure hautement complexe, interconnectée et déséquilibrée. Les Chinois continuent d’accumuler leur excédent commercial qu’ils doivent placer quelque part. Washington et Beijing devront travailler dur pour stabiliser petit à petit leur dépendance mutuelle de façon à ce que le système ne soit pas confronté à un autre crash. »

En d’autres termes, la crise est passée et toutes les conditions qui l’ont produite sont encore présentes et loin d’être résolues.

Lénine avait remarqué une fois que la force du marxisme vient de ce qu’il est vrai. De temps en temps, même des adversaires conscients du marxisme sont obligés, en raison de la logique même des faits objectifs, de noter des processus qui constituent le cœur de l’analyse marxiste. C’est précisément le cas ici.

Selon Zakaria, « Plus généralement, la crise à laquelle nous sommes confrontés est la mondialisation elle-même. Nous avons mondialisé les économies des nations. Le commerce, les voyages et le tourisme rapprochent les gens. La technologie a créé des chaînes mondiales de distribution, d’entreprises et de clients. Mais notre politique reste résolument nationale. Cette tension est au cœur de nombreux crash dans ce domaine, un décalage entre des économies liées entre elles et qui produisent des problèmes mondial, mais pas de processus politique adéquat qui puisse produire des solutions mondiales. »

Le mouvement marxiste a depuis longtemps identifié comme l’une des contradictions centrales du monde capitaliste celle existant entre le développement mondial des forces productives d’un côté et le système d’Etat-nation sur lequel s’élève la superstructure juridique et politique de l’autre. C’est cette contradiction qui fait que le socialisme basé sur le développement d’une économie planifiée à une échelle internationale est une nécessité historique. Tout comme l’ordre politique du féodalisme avait dû être renversé pour permettre le développement des forces productives sous le capitalisme, il en est de même aujourd’hui de la production mondialisée qui a rendu le système capitaliste d’Etat-nation aussi réactionnaire et arriéré que l’étaient il y a deux à trois siècles les principautés et les royaumes féodaux.

Cette contradiction était survenue durant la première décennie du siècle dernier sous la forme de la Première Guerre mondiale. Elle est à présent apparue une fois de plus à un niveau bien plus élevé. Elle ne peut être résolue que par la prise de pouvoir politique de la classe ouvrière à une échelle mondiale ; car autrement l’humanité risque d’être plongée dans des guerres et des crises économiques éventuellement plus dévastatrices encore que celles qui ont marqué les cinq premières décennies du vingtième siècle.

Zakaria appelle à une meilleure coordination internationale. Mais la logique objective du système capitaliste elle-même pousse les événements dans la direction opposée. La production capitaliste se fait à une échelle mondiale. Son objectif n’est pas de satisfaire les besoins de l’humanité, mais d’accumuler du profit privé. Lorsque l’accumulation s’accroît, les différentes sections du capital, remarquait Marx, opèrent comme une sorte de fraternité en se partageant le butin entre eux. Lorsque le système s’effondre et qu’il n’est plus question de se partager le profit mais d’essayer d’éviter les pertes, une lutte féroce éclate. Un tel effondrement n’implique plus des luttes concurrentielles intenses sur le marché, comme c’était le cas au dix-neuvième siècle, mais avec l’énorme développement de l’industrie et de la finance capitalistes, les crises économiques occasionnent inévitablement l’implication directe de l’Etat capitaliste.

C’est ce qui s’est passé l’année dernière. Après l’écroulement de Lehman Brothers en septembre, et le risque d’effondrement du système bancaire et financier, chaque gouvernement de par le monde a réagi non pas en faveur d’une action coordonnée mondialement, mais pour protéger son « propre » système bancaire en précipitant immédiatement des conflits. Dans les mois qui ont suivi, les divergences n’ont fait que s’accroître. Les Allemands et les Français sont hostiles aux plans de sauvetage du gouvernement américain parce qu’ils craignent, à juste titre, que ceux-ci permettront aux banques américaines de préserver leur position de domination mondiale. Le gouvernement américain quant à lui, rejette les appels en faveur d’une plus grande régulation parce qu’ils visent le système bancaire américain. Entre-temps, le gouvernement britannique ne veut pas introduire des régulations plus strictes de peur de mettre en danger la position de Londres, décrite par l’éditorialiste du Financial Times, John Plender, comme étant « le lieu des aventures du système financier mondial. » Ceci suscite l’opposition du gouvernement allemand qui nourrissait l’espoir que la crise serait porteuse de davantage d’opportunités pour Francfort. Les diverses interventions au profit des entreprises ont également aiguisé les rivalités nationales. Le plan de renflouement d’Opel du gouvernement allemand par exemple met en danger la production en Belgique, soulevant même des questions à propos d’une éventuelle violation des règles qui gèrent l’existence du marché unique européen.

En ce qui concerne une coordination entre les Etats-Unis et la Chine en vue de résoudre le problème du déséquilibre monétaire international, la Banque centrale chinoise a, par deux fois dans les trois derniers mois, appelé à la restructuration du système financier international et au remplacement du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale. Au cas où ceci aurait lieu, il s’ensuivrait un rapide déclin de la position mondiale du capitalisme américain qui a tiré d’énormes avantages du rôle joué par le dollar en tant que monnaie mondiale.

En l’absence d’une coopération internationale, Zakaria met en garde qu’il « y aura davantage de crash, et [qu’] il pourrait éventuellement y avoir une retraite hors de la mondialisation vers la sécurité, et la croissance lente, d’économies nationales protégées. » Dans les années 1930, le développement précisément d’une telle situation avait conduit à la Deuxième Guerre mondiale. Ceci aurait même des conséquences encore bien plus destructrices de nos jours.

A la fin, Zakaria conclut en disant qu’une « crise morale » pourrait « se trouver au cœur de nos problèmes. » La majorité de ce qui s’est passé au cours de ces dix dernières années était légitime, mais « très peu de personnes ont agi de manière responsable ». Pourtant, poursuit-il, rien de tout cela n’est arrivé parce que « les hommes d’affaires sont subitement devenus plus immoraux. Cela fait partie de l’ouverture et de la compétitivité accrue du monde des affaires. »

Zakaria a choisi de ne pas développer ce point parce que cela ne montrerait que trop clairement que cette « crise morale » est elle-même l’expression de la crise de l’économie capitaliste.

Le processus même lié à la montée du capital financier a rendu la ligne de partage entre la légalité et l’illégalité encore plus indécise, sans parler de moralité et d’immoralité.

Dans un monde où des opérations financières portant sur plusieurs millions ou milliards de dollars et comprenant des instruments financiers dérivés complexes, où la valeur des actifs financiers peut être modifiée en changeant la valeur de l’une ou de l’autre variable du modèle mathématique sur lequel elle est basée ; où plus un dérivé financier est complexe et obscur plus il rapportera de profit à son vendeur ; où de vastes fortunes peuvent être constituées par la spéculation financière et où une entreprise, qui n’a recours pour améliorer ses résultats à aucune des méthodes douteuses les plus récentes, risque d’être avalée par un dépeceur d’entreprise financé par des fonds spéculatifs, à quel prix la morale ?

De plus, le développement de l’oligarchie financière qui domine et contrôle l’ensemble du système politique signifie que toute réforme rationnelle de l’ordre actuel est impossible même si une solution était disponible.

Les forces productives de l’économie mondiale, la voiture de course complexe et puissante, pour reprendre l’analogie de Zakaria, créées par le travail intellectuel et physique conjoint de la classe ouvrière mondiale se sont développées dans des proportions considérables. Et elles ne doivent plus rester entre les mains de l’élite dirigeante qui a perdu le droit historique, politique et moral de garder la commande du volant. C’est pourquoi une révolution socialiste et le transfert du pouvoir politique entre les mains de la classe ouvrière est devenu une nécessité historique.

(Article original paru le 4 juillet 2009)


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