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WSWS : Nouvelles et analyses : Perspective

L’offensive allemande en Afghanistan

Par Ulrich Rippert
30 juillet 2009

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Ces derniers jours l’armée allemande a fortement intensifié ses interventions en Afghanistan. Au cours d’une offensive majeure dans le Nord de l’Afghanistan, elle a déployé de l’armement lourd tel le véhicule de combat d’infanterie Marder et l’obusier lourd de type Mörser.

Pour la première fois depuis que les troupes d’Hitler avaient dévasté une grande partie de l’Europe, l’armée allemande mène à nouveau de vastes opérations militaires contre « des insurgés ». Selon des articles de presse, l’obusier lourd de 21 cm Mörser 18 avait été l’une des principales armes utilisées par la Wehrmacht d’Hitler sur les fronts de la Seconde Guerre mondiale. A présent, la même arme est utilisée une fois de plus dans sa forme moderne pour annihiler l’ennemi.

La décision pour le récent déploiement ne fut pas prise par le parlement allemand, mais par le haut commandement de l’armée allemande même. C’est avec une arrogance sans pareil que le général d’armée, Wolfgang Schneiderhan, avait annoncé cette action militaire en disant : « Le moment était tout simplement venu pour entreprendre cette intensification. »

L’armement lourd avait été transporté dans la zone de guerre il y quelque temps déjà. Il incombait au commandement militaire sur place la responsabilité de décider quand et comment l’armement devait être utilisé et une décision a donc été prise, a déclaré Schneiderhan.

Le ministre de la Défense, Franz Josef Jung (Union chrétienne démocrate, CDU) a cherché à minimiser la signification de ce dernier déploiement. C’est, a-t-il dit, seulement une opération menée par les forces de sécurité afghanes dans la lutte contre les talibans à laquelle ont participé 800 soldats afghans et 100 policiers afghans entourés de « 300 soldats allemands pour soutenir l’offensive afghane ».

C’est pourquoi il n’avait pas été nécessaire, a-t-il poursuivi, d’obtenir une extension du présent mandat pour l’armée allemande ou d’ouvrir un nouveau débat au parlement. L’actuel déploiement étant « entièrement » couvert par le mandat déjà accepté par les députés, a-t-il affirmé.

Jung a ajouté que ce ne serait pas un problème que d’envoyer 1000 soldats supplémentaires à Kundus pour augmenter le contingent allemand à 4500 hommes. En ce qui concerne la sécurité dans la région, la situation s’est considérablement aggravée au cours de ces quelques dernières semaines, mais elle ne requiert pas un nouvel ordre de mission, a souligné Jung.

Les commentaires faits par Jung montrent clairement le peu de valeur qu’il faut accorder à l’affirmation selon laquelle l’armée allemande moderne, contrairement à sa devancière, la Wehrmacht, est une armée responsable devant le parlement. Les affirmations sans cesse répétées par les politiciens que l’une des plus importantes leçons tirées de l’histoire allemande est que la politique militaire allemande ne doit plus être déterminée par le haut commandement allemand mais par les représentants élus du peuple ne servent à rien d’autre qu’à induire en erreur la population.

Après les crimes commis par l’armée allemande il y a 70 ans, le commandement de l’armée fut contraint de jouer les innocents. Maintenant, le commandement de l’armée réapparaît en affichant son arrogance d’antan.

Le général Schneiderhan a expliqué de manière claire et nette que le haut commandement prendra les décisions importantes quant au déploiement futur de l’armée allemande et décidera quand le parlement allemand devra lui donner un blanc seing pour ses actions militaires. Le ministre Jung a souligné le lien étroit qui existe entre le commandement militaire et le gouvernement tout en mettant en garde au même moment que l’armée allemande manquait de soutien au sein de la population. Indirectement, il a appelé les députés à intensifier leurs efforts pour justifier les interventions militaires de l’armée.

Visant le Parti de la Gauche qui à l’occasion s’exprime contre la guerre en Afghanistan, le ministre de la Défense a déclaré qu’il était totalement irresponsable de recourir à l’intervention de l’armée allemande en Afghanistan et de l’utiliser comme « munitions dans la campagne électorale ». Les talibans radicaux islamistes, a-t-il dit, avaient délibérément visé l’armée allemande pour leurs attaques parce qu’ils étaient conscients de l’impopularité de la guerre en Allemagne même.

Jung a cherché à insinuer que les opposants à la guerre étaient des complices des talibans et qu’ils partageaient la responsabilité de la mort des soldats allemands.

Le gouvernement est tout à fait conscient qu’une écrasante majorité de la population est opposée à la guerre. Et pourtant, le gouvernement est prêt à déployer de l’armement lourd et à planifier l’extension des opérations de l’aviation allemande, tout en étant prêt à payer le prix fort en victimes civiles afghanes, en davantage de soldats allemands tués et en accroissant le danger de représailles terroristes sur le sol allemand. Ce faisant, tout à l’image d’une junte militaire, il développe des arguments qui suggèrent que l’ensemble de la population, qui est opposée à la guerre, est responsable du nombre grandissant des victimes.

Certains des va-t-en-guerre les plus virulents se trouvent dans le Parti social-démocrate (SPD). Dans la tradition du dirigeant du SPD, Gustav Noske, qui avait mis sur pied le groupe de mercenaires des corps francs (Freikorps) à la fin de la Première Guerre mondiale et qui fut responsable de la répression sanglante qui coûta la vie à des milliers de travailleurs révolutionnaires, les sociaux-démocrates réclament aujourd’hui une répression plus sévère des opposants à la guerre.

« Ce qui me met en colère c’est que les Allemands ne veulent pas soutenir cette guerre », a déclaré l’ancien ministre de la Défense, Peter Struck, dans la dernière édition du journal Die Zeit. Il a ajouté, « Il revient maintenant à Madame Merkel, en tant que chancelière allemande, de contrer ce climat. »

Cette invitation à l’adresse du gouvernement à agir plus fermement contre la population équivaut à un appel en faveur de structures répressives et dictatoriales et ne se limite pas qu’à la guerre. Face aux conséquences dramatiques de la crise économique, l’augmentation du chômage et la pauvreté croissante, la crainte de troubles sociaux s’accentue au sein des cercles dirigeants. En réaction, Struck et les autres politiciens en appellent à l’Etat pour mettre en avant des mesures autoritaires dans le but de sauvegarder la loi et l’ordre.

L’opposition à la guerre grandit en Allemagne. Les derniers sondages d’opinion faisaient état que 85 pour cent des sondés étaient contre. Le lien étroit existant entre la question de la guerre et les questions sociales fait toutefois que ni les partis traditionnels ni les syndicats ne veulent appeler à manifester contre la guerre. Les manifestations qui eurent lieu il y a quelques années contre la guerre en Irak avaient été passées sous silence et le Parti de la Gauche s’abstient d’appeler à manifester de crainte qu’un mouvement de masse populaire ne se retourne contre la politique antisociale qu’il pratique à Berlin où il partage la responsabilité gouvernementale.

Bien que le Parti de la Gauche ait lancé plusieurs fois des appels en faveur d’un retrait des troupes allemandes d’Afghanistan, son orientation consiste à rechercher la collaboration politique avec le SPD, l’un des plus fervents partisans et défenseurs de la guerre.

Dans le but de dissimuler les vrais objectifs de la guerre, Jung continue d’affirmer que le déploiement des troupes allemandes est certes un déploiement armé mais pas une intervention dans une guerre. L’offensive actuelle, toutefois, pousse à l’absurde la propagande du gouvernement concernant un déploiement dans le cadre d’un « humanitarisme agressif ». Les routes qui furent construites au nom de l’aide humanitaire sont maintenant détruites par des tanks et des véhicules militaires et nombre de bâtiments récemment construits sont saccagés suite à la récente intensification de la guerre.

Chaque jour qui passe, il devient de plus en plus évident que l’Allemagne, qui dispose de la troisième plus grande présence militaire en Afghanistan après les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, soutient directement la guerre de conquête coloniale effectuée par les Etats-Unis et l’OTAN. Ce faisant, l’élite dirigeante allemande poursuit ses propres intérêts en renouant avec une tradition de longue date de la politique de grande puissance.

Dans un livre sur les relations germano-afghanes, Martin Baraki, professeur à l’Université de Marburg, en Allemagne, écrit : « La classe dirigeante de l’Allemagne wilhelmienne avait suivi très attentivement le développement de la politique intérieure en Afghanistan en cherchant pour la première fois à exploiter les aspirations à l’indépendance du peuple afghan de la domination britannique au profit des propres objectifs militaires de l’Allemagne durant la Première Guerre mondiale. »

La description faite par le même auteur des efforts considérables entrepris par le régime d’Hitler en vue d’entretenir de bonnes relations durables avec la clique dirigeante à Kaboul souligne à quel point l’importance de l’Afghanistan est grande pour les ambitions géopolitiques de l’Allemagne.

(Article original paru le 27 juillet 2009)

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