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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La « gauche » radicale francaise se cramponne au Parti socialiste

Par Francis Dubois et Pierre Mabut
7 juillet 2009

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La réaction de l’« extrême gauche » – le NPA (Nouveau parti anticapitaliste) d’Olivier Besancenot, Lutte ouvrière et le POI (Parti ouvrier indépendant) – et du PG ( Parti de gauche) de Jean-Luc Mélenchon à la débâcle de la social-démocratie lors de l’élection européenne du 7 juin a été un nouveau virage à droite déguisé en « unité de la gauche ». Malgré toutes leurs critiques vis-à-vis du « néo-libéralisme » du Parti socialiste, ces organisations se cramponnent avec l’énergie du désespoir à ce parti pro capitaliste.   

Quant au PS (Parti socialiste) il a réagi à un résultat qui fut un des plus bas de son histoire en préparant une campagne commune avec le parti conservateur de François Bayrou, le Modem ( Mouvement démocrate) en vue des élections régionales prévues pour 2010. 

L’élection européenne a laissé au PS tout juste 16,5 pour cent de suffrages exprimés. Il fut incapable de se mesurer à l’UMP (Union pour un mouvement populaire) le parti fortement impopulaire du président Nicolas Sarkozy, qui obtint 28 pour cent des voix. 60 pour cent des électeurs s’abstenant, le PS a perdu tout ce qu’il avait de soutien dans la classe ouvrière. Ce qui n’a pas empêché le NPA de continuer de présenter le PS comme une partie de la gauche. Le NPA couvre la trahison des intérêts de la classe ouvrière par la bureaucratie syndicale, sa main tendue au Parti socialiste (qui entretient des liens étroits avec la plupart des syndicats) n’est donc guère surprenante. Le NPA s’est donné pour objectif d’unir l’ensemble de ce qu’il appelle « la gauche » autour d’un programme d’illusions réformistes, précisément le genre de programme qui a empêché toute opposition à la destruction des emplois et des acquis sociaux par Sarkozy.

Une déclaration commune du NPA et du Parti de gauche du 30 juin, traitant d’alliances aux prochaines élections régionales, montre clairement que tous deux s’allieraient au PS : « Au second tour, les listes soutenues par le Parti de gauche et le NPA se battront pour faire gagner la gauche et empêcher que des régions basculent à droite. Pour cela, les deux organisations se prononcent d’ores et déjà pour des fusions "techniques" ou "démocratiques" des listes de gauche à l’exception de tout accord incluant le Modem. »

Malgré toute la rhétorique du NPA sur son indépendance vis-à-vis du Parti socialiste motivée par la politique pro-capitaliste de celui-ci, un tel accord ne peut que signifier qu’un soutien pour le PS qui contrôle 21 des 22 régions de la France métropolitaine. C’est là une trahison historique des intérêts des travailleurs autant qu’une tentative de les lier politiquement au Parti socialiste et à ses satellites.

Le dirigeant du NPA, Besancenot, avait lancé un appel à la gauche bourgeoise discréditée une semaine avant les élections dans une interview à Libération : « La séquence ouverte en janvier, la résistance massive face au gouvernement, enregistrent un ressac. Notamment à cause du manque d’unité de la gauche syndicale et politique […] Quand j’entends Ségolène Royal dire aux salariés de Molex et d’Arcelor [des sociétés qui licencient] : "L’Europe sociale à besoin de vous", je dirais que ce sont eux qui auraient besoin du PS, qui n’a pas pris aucune mesure pour faire que cette Europe soit palpable. »

Le 7 juin, jour de l’élection, le NPA disait dans une déclaration : « Nous continuons à proposer à toutes les formations de la gauche antilibérale et anticapitaliste un accord durable valable dans les échéances sociales et poltiques à venir, pour encourager les convergences des luttes, plus que jamais nécessaires. »

Besancenot fut dans ses hommages au PS encore plus explicite le 22 juin : « Nous voudrions nous retrouver avec lui dans les luttes. Le tout ou rien à gauche, c’est fini, mais il existe une étape intermédiaire : l’expression des désaccords sur le terrain ».

Le NPA a intensifié sa campagne pour une « unité de la gauche » immédiatement après l’élection européenne. Le 18 juin, Besancenot disait dans le journal Métro « Le problème qui se pose aujourd’hui à l’ensemble de la gauche sociale et politique, c’est : est-ce qu’on est capable de rassembler toutes nos forces pour stopper le gouvernement dans les semaines et mois à venir ? On a besoin d’une victoire sociale du type de ce qu’on avait pu connaître au moment de contrat de première embauche sous Villepin. Tant qu’on ne l’aura pas, c’est le gouvernement qui garde la main ».

Le fait que le gouvernement « garde la main » est entièrement dû au fait que les syndicats travaillent main dans la main avec Sarkozy. Le NPA couvre ainsi la bureaucratie syndicale.

L’évocation ici du mouvement du CPE est frauduleuse. Ce que le NPA appelle une « victoire » du type CPE sur le premier ministre Dominique de Villepin en 2006 (il fut obligé de retirer en partie la législation CPE à la suite d’une mobilisation de masse des jeunes), s’est en fait avéré être une victoire pour Sarkozy. Il était alors ministre de l’Intérieur et rival acharné de Villepin et du président Jacques Chirac. Il prit l’initiative de faire des concessions et d’organiser la fin des mobilisations en alliance avec les syndicats. Il devint ensuite le candidat de l’UMP à la présidence, ayant écarté Chirac et Villepin. On se sert de telles « victoires » pour empêcher la classe ouvrière de tirer des leçons politiques et de lutter pour ses intérêts indépendants. 

Pour le NPA, l’avenir de la classe ouvrière dépend de ce que la bureaucratie syndicale et la « gauche » (dans laquelle il inclut le Parti socialiste) sont disposées à faire. Il écrit : « Si la gauche politique et syndicale ne travaille pas de concert, nous n’en finirons pas de payer leur crise ! » Etant donné que les partis politiques comme le PCF (Parti communiste français) et le Parti de gauche récemment constitué (une scission du Parti socialiste) collaborent étroitement avec le Parti socialiste, ceci revient à un appel lancé à des forces « de gauche » prêtes à entrer dans un gouvernement bourgeois de gauche sur la base d’un programme pro-capitaliste.

A cette fin, le NPA pétitionne cette « gauche » pour qu’elle organise une grève générale sur la base de la revendication d’« interdiction des licenciements ». Comme elle n’a aucune perspective d’un gouvernement ouvrier basé sur un programme socialiste, cette revendication ne peut être comprise que comme un appel lancé à Sarkozy et aux syndicats, qui sont responsables d’imposer la crise à la population travailleuse.

Le NPA a abandonné toutes ses réserves quant à l’alignement permanent du Front de gauche (l’alliance électorale du PC et du PG pour les européennes) sur le PS, même si leurs dirigeants respectifs, Jean-Luc Mélenchon du PG et Marie-George Buffet du PCF, ont tous deux fait partie de récents gouvernements bourgeois. Les 6,1 pour cent obtenus par le Front de gauche qui devance le NPA (4,9 pour cent) n’ont fait que pousser ce dernier dans des manœuvres d’unité encore plus désespérées. Il a maintenant l’intention de se présenter sur des listes communes avec le Front de gauche à l’élection municipale d’Aix-en-Provence.  

Quant à ce soi-disant Front de gauche, il fait office d’intermédiaire entre le Parti socialiste et l’« extrême gauche ». Entre 1981 et 2002, le PCF a fait à maintes reprises partie de gouvernements dirigés par le Parti socialiste, jouant un rôle crucial dans l’attaque du niveau de vie de la classe ouvrière.

Ayant comme slogan « Pour une autre Europe », le Front de gauche a fait campagne avec un vague programme de protestation contre le « néo-libéralisme » dominant l’Union européenne et pour une réforme de celle-ci dans le sens de plus de réglementation financière, d’une intervention accrue des Etats dans l’économie au niveau national et pour plus « d’Europe sociale » sur base de capitalisme.

Le Parti de gauche appela le résultat électoral catastrophique des sociaux-démocrates la « sombre réalité de la social-démocratie ». Le Parti de gauche y voit la cause de la « victoire de la droite » pour laquelle une partie de la classe ouvrière voterait, l’autre « décrochant de la vie politique ».

L’éclatement de la social-démocratie a également causé le désespoir du Parti ouvrier indépendant (POI), un parti qui a rompu avec le trotskysme en 1971. Un éditorial de son journal Informations ouvrières écrit par le dirigeant du parti, Daniel Gluckstein, analysait ainsi la situation : « Ce 7 juin a montré la profondeur de la crise de la démocratie politique. La marche à la dislocation des partis — dont l’existence est partie prenante de la démocratie politique, au même titre que les syndicats ouvriers — ne saurait constituer un signe positif. la reconquête de la démocratie est à l’ordre du jour…. S’ils ne veulent pas poursuivre leur descente aux enfers, les partis qui se réclament de la classe ouvrière et de la démocratie n’ont pas d’autre choix : il leur faut rompre avec toute subordination à l’Union européenne. » Le POI n’a pas présenté de candidats à l’élection de peur de légitimer les institutions de l’Union européenne et de ternir sa réputation nationaliste.

Le POI craint non seulement un éclatement de la social-démocratie, mais il veut encore sauver la démocratie bourgeoise aux dépens d’une réorganisation socialiste de la société. Et au lieu de la solidarité internationale des travailleurs, le POI avance vis-à-vis de l’Union européenne un nationalisme grossier. Comme le NPA, le POI appelle lui aussi à l’« unité de la gauche » au cours d’une campagne commune pour « interdire les licenciements ».

La réaction du groupe Lutte ouvrière aux résultats de l’élection, où il obtint 1,22 pour cent, fut de pratiquement ignorer l’effondrement de la social-démocratie en Europe. Sa dirigeante, Arlette Laguiller, écrit ainsi : « Mais même dans l’opposition, le Parti socialiste n’a rien à dire aux exploités… Ce qui comptera, c’est la capacité et la volonté de la classe ouvrière à se mobiliser… », ce qui n’a pas empêché LO de rejoindre le PCF et le PS sur des listes communes aux élections municipales de mars 2008.

Dès que l’élection eut été achevée, les staliniens et leurs sauveteurs sociaux-démocrates du Parti de gauche poussèrent à la mise en place d’un instrument politique capable de fonctionner comme une partie d’un gouvernement bourgeois « de gauche » d’alternative. Dans son premier discours après l’élection, Mélenchon appelait à la poursuite du Front de gauche sous forme d’un « Front permanent » pour toutes les élections y compris les élections législatives et présidentielles de 2012. Il adressa cette proposition « à toute l’autre gauche, notamment au NPA, aux Alternatifs, à Ecologie solidaire, AlterEkolo, et au MRC [Mouvement républicain et citoyen]. » 

Il ne laissa aucun doute quant au fait que l’objectif de ces alliances était de ramener des gouvernements bourgeois comprenant les sociaux-démocrates . « Pour ces raisons, le Parti de gauche se prononce pour la constitution de listes autonomes du Front de gauche, composées avec toute l’autre gauche [les partis de la gauche radicale petite-bourgeoise]. De telles listes pourraient prendre la tête de la gauche et faire élire de nouveaux exécutifs pour nos régions. Si elles n’y parvenaient pas, elles se mobiliseraient évidemment pour battre la droite au deuxième tour. Elles seraient bien sûr disposées pour cela à fusionner avec la liste de gauche arrivée en tête si les conditions politiques le permettent, notamment si celle-ci ne comprend pas de représentants du Modem ».

Mélenchon et le PCF sont fermement orientés vers le PS, qui est une partie essentielle de leur calculs politiques. Mélenchon sème des illusions réformistes, appelant « solennellement » la direction du PS « à changer d’orientation en rompant ses liens avec la droite européenne et les politiques libérales qu’ils impliquent ».

Le PS a besoin du Front de gauche et de l’« extrême gauche » pour pouvoir survivre en tant que principal parti d’opposition. Une dépendance mutuelle de la social-démocratie et de la « gauche » radicale fut résumée ainsi par l’ancien premier secrétaire du PS, François Hollande : « Un PS faible, et c’est toute la gauche qui souffre ».

(Article original publié le 3 juillet 2009)


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