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  WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Troisième accident mortel chez Total depuis le début de l’année

Par Françoise Thull
24 juillet 2009

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Le 15 juillet une explosion a coûté la vie à deux jeunes travailleurs, brûlant grièvement six ouvriers et choquant onze autres, sur le site chimique du groupe Total Petrochemicals France (TPF) de Carling/Saint-Avold, en Moselle, près de la frontière allemande. L’explosion, qui s’était produite au cours d’une tentative de rallumage manuel d’un surchauffeur d’eau sans dispositif de redémarrage automatique, a enseveli les travailleurs sous les décombres de briques réfractaires qui composaient l’intérieur du surchauffeur.

Quinze jours à peine après la fin du procès de l’explosion de l’usine AZF à Toulouse qui avait fait 31 morts et 2 500 blessés en septembre 2001, le groupe Total récidive à nouveau en Lorraine. Lors de deux accidents précédents survenus en début d’année des ouvriers avaient déjà trouvé la mort : l’un, intoxiqué le 4 janvier à Total Provence, et un autre le 29 janvier à Total Flandres suite à l'explosion d’un camion citerne dans un atelier – un accident qui avait aussi blessé quatre autres travailleurs.

Cette catastrophe est sans doute la plus grave depuis la construction du site en 1947. Un jeune apprenti originaire de Bretagne, âgé de vingt ans, en stage de formation professionnelle depuis à peine six mois, et son maître de stage, un opérateur âgé de 28 ans ayant travaillé depuis huit ans sur la plate-forme, y ont trouvé la mort. Selon le communiqué du syndicat CGT, si l’unité touchée – le vapocraqueur no. 1 du site – avait disposé « d’équipements de même niveau que l’unité du vapocraqueur no. 2 que Total vient d’arrêter, l’accident ne se serait pas produit. »

Selon Claude Lebeau, le directeur de l’usine, le vapocraqueur no. 1 avait été rénové en profondeur en 2001 et avait subi une révision complète fin 2007. Après sa modernisation, sa capacité de production annuelle d’éthylène avait été portée à 350 000 tonnes par an (contre 250 000 tonnes à l’époque pour le vapocraqueur no. 2) pour ne desservir en priorité que la filière PVC du groupe chimique Arkema (anciennement Atofina) également située sur la plate-forme de Carling.

Mais le dispositif de redémarrage automatique faisant défaut sur le vapocraqueur no. 1, il a dû être démarré manuellement, obligeant les opérateurs à s’approcher au plus près de l’équipement. « C’est une manœuvre délicate mais classique. C’est à ce moment que la tragédie s’est produite, » a précisé le directeur de l’usine.

Pourtant, le directeur général a déclaré lors de sa visite du site de Carling après l’accident : « Nous ne connaissons pas l’origine exacte [de l’accident]. L’enquête judiciaire est en cours. »

Le vapocraqueur no. 1, où travaillent une centaine d’ouvriers, a une capacité de traitement annuelle de quelque 320 000 tonnes d’éthylène par an. Il est le seul en service. Il avait été arrêté le 13 juillet, suite à un incident électrique dû aux orages sur le site de Carling deux jours avant l’explosion. Le vapocraquage est un procédé pétrochimique par lequel des hydrocarbures saturés sont cassés en molécules plus petites pour produire de l’éthylène et du propylène, matière premières à l’origine de nombreuses matières plastiques de grande consommation.

La filiale TPF à Carling est classée « Seveso 2 seuil haut » et donc assujettie aux régulations européennes pour les sites traitant des substances extrêmement dangereuses.

Total, le quatrième groupe pétrolier et gazier mondial, est aussi un acteur majeur dans la chimie. Tout en réalisant des profits annuels de l’ordre de 14 milliards d’euros, le groupe évite de faire les investissements nécessaires sur ses sites. En même temps, il continue à imposer des plans de restructuration avec suppression d’emplois à travers la France.

Christophe Léguevaques, avocat des parties civiles au procès de l’usine chimique AZF de Toulouse, fait remarquer que Total est le groupe pétrochimique qui a connu le plus d’accidents mortels : 79 décès entre 2001et 2007, contre 65 pour le groupe BP et 47 pour le groupe Exxon.

A côté des deux autres usines pétrochimique dont dispose Total en France, à Gonfreville et à Notre-Dame-de-Gravenchon, toutes deux en Normandie, la filiale à Carling fabrique des produits de base tels que l’éthylène, le propylène, le méthane et le styrène ainsi que du polyéthylène et du polystyrène, deux plastiques de grande consommation.

Depuis la réorganisation, début 2004, d’Atofina SA dont les activités ont été réparties entre deux sociétés distinctes, le groupe Arkema et TPF, Total n’a cessé d’enchaîner les plans de restructuration.

Les chiffres suivants illustrent la baisse sensible des effectifs à Carling : de 1700 salariés en 2007, à 1290 salariés en 2009 et pour finir à 853 salariés d’ici 2013. Au début de l’année, la direction de Total Petrochemicals France qui regroupe les activités pétrochimiques de Total en France, avait annoncé la suppression de 306 postes d’ici 2012 : 130 à Gonfreville et une cinquantaine à l’usine de Notre-Dame-de Gravenchon qui fermera donc définitivement ses portes à la fin de l’année.

D’autres suppressions concernent le pôle de recherche et développement de Mont/Lacq (Pyrénées-Atlantiques), avec 25 postes et le siège social à La Défense avec 33 postes -- sans compter les emplois induits de la sous-traitance.

Les employés et les riverains de l’usine à Carling sont conscients de vivre sur une poudrière, tout comme les communes frontalières allemandes. Le chef des pompiers de la ville de Völklingen, près de Sarrebruck en Allemagne, s’était inquiété des colonnes de fumées qu’il voyait à l’horizon, car aucune information officielle ne lui était parvenue alors même que des accords transfrontaliers le prévoient.