Un nouveau rapport de la Banque mondiale intitulé « Perspectives
pour l’économie mondiale » réfute les récentes assertions selon
lesquelles on serait au début d’une reprise économique. Le rapport prévoit
une contraction de l’économie mondiale de 2,9 pour cent en 2009, une
importante révision à la baisse par rapport au précédent estimé fait par la
banque en mars, où elle avait anticipé une baisse de 1,7 pour cent. Elle a de
plus révisé à la baisse sa prévision de croissance pour 2010, soit de 2,3 à 2
pour cent, anticipant « une reprise beaucoup plus discrète que lors
d’une récession normale ».
La Banque mondiale affirme que le produit intérieur brut
(PIB) des Etats-Unis aura diminué de 3 pour cent à la fin de l’année,
celui du Japon de 6,8 pour cent ainsi que 4,5 pour cent pour la zone euro. Le
commerce mondial va chuter de près de 10 pour cent. Toutes ces prévisions sont
pires que ce qui avait été anticipé en mars.
Le rapport révèle en fait que la crise financière, qui fut
déclenchée par les pratiques prédatrices et spéculatrices des grandes banques,
est maintenant devenue une crise mondiale de la « véritable
économie ». Les conséquences humaines seront graves et celles-ci seront
surtout senties par les masses ouvrières et les régions les plus pauvres du
globe.
« Le chômage est en hausse et la pauvreté devrait
augmenter pour les économies en développement, entraînant une détérioration
considérable des conditions de vie pour les gens les plus pauvres et vulnérables »,
dit le rapport. On anticipe déjà que 200 millions de personnes vont sombrer
dans la pauvreté cette année en raison de la crise économique et que le nombre
de personnes sous-alimentées grimpera au-dessus d’un milliard pour la
première fois dans l’histoire de l’humanité.
La production industrielle mondiale a diminué de 13 pour
cent en l’espace de six mois, entre septembre 2008 et mars 2009, selon la
Banque mondiale. La valeur en dollars du commerce des biens manufacturiers a
chuté du tiers durant la même période et « pratiquement chaque » pays
a rapporté un déclin marqué de sa production industrielle.
De nombreux pays utilisent maintenant moins de 70 pour cent
de leur capacité industrielle, y compris les Etats-Unis.
La demande pour les biens de consommation durables a chuté
à un taux annualisé d’environ 20 pour cent en Europe occidentale et aux
Etats-Unis au cours du quatrième trimestre de 2008. Au premier trimestre de
2009, la demande mondiale d’automobiles a diminué de 30 pour cent.
La crise dans la production industrielle semble être
devenue un cycle qui se perpétue de lui-même. La chute du secteur manufacturier
mène à plus de mises à pied, ce qui réduit davantage la capacité des
consommateurs d’acheter des produits manufacturés, ce qui entraîne
davantage de mises à pied et ainsi de suite.
La confiance à la baisse des consommateurs est reflétée
dans une augmentation des taux d’épargne, qui aux Etats-Unis sont passés
de 0,6 pour cent en 2007 à 5,7 pour cent en avril 2009. La Banque mondiale
croit que cette tendance se poursuivra, les ménages continuant de récupérer une
partie de l’avoir qu’ils ont perdu dans les valeurs des maisons et
les investissements en bourse. La richesse des ménages américains a chuté de
près de 15 pour cent, ou 11,3 billions entre les quatre trimestres de 2007 et
2008.
La Banque mondiale anticipe que les pays en développement
vont expérimenter une hausse du PIB de seulement 1,2 pour cent en 2009, après
avoir augmenté à un taux de 5,9 pour cent en 2008 et de 8,1 pour cent en 2007.
En excluant la Chine et l’Inde, le PIB du monde en développement devrait
chuter de 1,6 pour cent.
Depuis qu’ils ont atteint leur sommet de 1,2 billion
de dollars en 2007, les flux de capitaux internationaux vers les nations en
développement ont chuté à 707 milliards de dollars en 2008 et la Banque
mondiale anticipe qu’ils vont chuter à 363 milliards de dollars en 2009,
moins du tiers du volume d’il y a deux ans.
Ces « perspectives économiques de plus en plus graves »
proviennent du déclin des investissements étrangers directs, de l’argent
des exportations et des allocations des émigrés. La crise des liquidités sera
aggravée en raison de la difficulté à garantir les prêts et le crédit, alors
que les principales économies, particulièrement les Etats-Unis, absorbent les
liquidités mondiales par des dépenses déficitaires en forte hausse. Le rapport
prédit que le total des besoins en emprunt des pays en voie de développement
vont excéder l’afflux de capitaux jusqu’à 635 milliards de dollars
en 2009.
Sauf quelques exceptions, les pays en développement
souffrent déjà d’un manque de capitaux. Dans les mois après le début en
force de la crise financière en septembre 2008, ils ont souffert de la
migration des investissements hors des économies « émergeantes »,
alors que les investisseurs cherchaient la sécurité dans les devises et les
économies importantes et que les firmes récupéraient leurs investissements pour
améliorer leurs bilans financiers.
La Banque mondiale prédit que la crise pour les pays en
développement sera la plus grave en Europe de l’Est et en Asie centrale.
Là, la crise pourrait « forcer un bon nombre de pays… à entamer un
processus beaucoup moins ordonné d’ajustement, caractérisé par une
dépréciation considérable de la devise et des coupures douloureuses dans la
demande intérieure. »
La Russie, par exemple, devrait voir son PIB chuter de 7,5
pour cent en 2009, une conséquence des prix à la baisse des marchandises.
L’économie de la Turquie chutera de 5,5 pour cent et celle du Pakistan
stagnera, augmentant à un taux de 1,1 pour cent.
Quant aux grandes économies de l’Amérique du Sud, la
Banque mondiale s’attend à ce que le Brésil et l’Argentine voit
leur PIB diminuer, de 1,1 pour cent et 1,5 pour cent respectivement. Le PIB du Mexique
pourrait perdre 6 pour cent, une réduction causée par la baisse marquée du
commerce avec les Etats-Unis et les suites de l’éruption de la grippe
porcine dans ce pays. L’Afrique sub-saharéenne a été très durement
touchée par la diminution du prix des produits de base et le flux de capital
entrant « significativement diminué » signale le rapport. Il est
estimé que la croissance régionale atteindra 1 pour cent en 2009.
Les marchés financiers, qui ont perdu un peu de leur valeur
depuis deux semaines, ont réagi négativement aux avertissements de la Banque
mondiale sur la croissance mondiale. Les actions ont connu une baisse de leur valeur
aux Etats-Unis, en Europe, au Mexique et au Brésil après la publication du
rapport lundi dernier. Le mardi suivant, le Nikkei, le principal indice de la
bourse de Tokyo au Japon, a perdu 3,1 pour cent, des analystes citant les
craintes quant à l’économie mondiale. Les prix du pétrole brut ont aussi
diminué.
La Banque mondiale fait référence à la nature artificielle
de l’augmentation des prix des actions dans les principales bourses des Etats-Unis
depuis trois mois. Rien ne s’est produit dans l’économie réelle,
que ce soit aux Etats-Unis ou internationalement, qui pourrait justifier le
sentiment exubérant régnant parmi les investisseurs. Il semble maintenant que
la montée de la valeur des actions a été orchestrée, avec l’aide de l’administration
Obama, pour permettre aux gros joueurs de la finance de se refaire un peu.
Au début du mois de mars, le président américain Barack
Obama a appelé les travailleurs américains à investir sur le marché. « Ce
que vous voyez aujourd'hui, c’est que… le profit et le retour sur l’investissement
commencent à s’approcher du point où l’achat d’actions est
potentiellement une bonne affaire si vous envisagez un investissement à long
terme », a-t-il dit.
Mais un article paru mardi dernier dans le Financial
Times et intitulé « Des dirigeants pessimistes vendent leurs actions »
explique qu’au cours du dernier mois, au moment même où la propagande sur
les « nouvelles pousses » de l’économie atteignant son sommet,
les principaux dirigeants vendaient leurs actions en masse.
Selon des données de la Securities and Exchange Commission (SEC), l'organisme
fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers, la
vente des actions « par les soi-disant initiés au sein des compagnies »
a dépassé l’achat des actions par un facteur de 22. Les initiés
travaillant dans une des compagnies participant à l’indice boursier
S&P 500 ont vendu pour 2,6 milliards de dollars en action en juin alors que
pour la même période, ils n’en ont acheté que pour 120 millions de
dollars selon TrimTabs, une compagnie spécialisée dans la recherche d’information
utile aux investissements.
« Les joueurs les plus intelligents sur la bourse américaine (c’est-à-dire
les principaux dirigeants qui dirigent les compagnies à actions) ne gagent pas
leur argent sur une reprise économique », a dit Charles Biderman, le
directeur général de TrimTabs.