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WSWS : Nouvelles et analyses : Economie mondiale

L'ONU avertit que la crise mondiale de l'emploi peut durer huit ans

Par Bill Van Auken
5 juin 2009

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La crise de l'emploi qui touche le monde entier peut durer huit ans, selon un rapport publié mercredi par l'Organisation internationale du travail. (OIT) L'agence des Nations unies, qui s'est réunie à Genève a averti que des niveaux élevés prolongés de chômage seront une menace pour « la stabilité politique et sociale » internationale.

Dans son rapport à la conférence de Genève, le directeur général de l'OIT, Juan Somavia a rapporté que « la récession économique mondiale a provoqué une vaste et profonde crise de l'emploi conduisant à une récession sociale croissante de par le monde. » Il a averti que « l’on s’attend à ce que le chômage continue de croître jusqu’à la fin de 2010, probablement 2011 ».

Le rapport fait remarquer : « Le dernier trimestre de 2008 et le premier trimestre de 2009 ont vu des chutes rapides et synchronisées de l'investissement, de la consommation, de la production et du commerce à l'échelle mondiale, conduisant à des pertes d'emplois massives dans de très nombreux pays. »

Commentant une prévision du Fonds monétaire international faisant état d'au moins quelques signes de reprise de la croissance économique mondiale d'ici le milieu de l'année prochaine, Somavia a dit qu'une quelconque reprise dépendait du succès des divers plans de relance nationaux et de la restabilisation du secteur financier. « Et ces deux résultats sont encore à ce jour incertains », a-t-il dit.

Même en cas de reprise de la croissance économique, a dit le directeur de l'OIT, l'expérience des crises antérieures indique que la reprise de l'emploi ne survient qu'après « une période de quatre à cinq ans. » Etant donné la profondeur de la crise actuelle, la plus grave depuis la Dépression des années 1930, et les taux de chômage déjà importants avant qu'elle n'éclate, ce pronostic est, pour le moins, optimiste.

« En bref, le monde est confronté à une crise mondiale profonde et durable de l'emploi », a déclaré Somavia.

Parmi les autres découvertes de l'OIT on compte les suivantes :

* On s'attend à ce que le taux mondial du chômage monte jusqu'à 7,4 pour cent cette année, ce qui signifierait 59 millions de travailleurs de plus qui perdront leur emploi, ce qui ramène le chiffre total de chômeurs dans le monde entier à 239 millions. Ce serait la première fois que l'on enregistrerait un taux de chômage dépassant la barre de 7 pour cent.

* Les rangs des personnes appauvries dans le monde et vivant avec moins de 2 dollars par jour pourraient augmenter de près de 200 millions de personnes cette année par rapport à 2007. Dans le même temps, on s'attend à ce que le nombre de personnes survivant difficilement avec 1,25 dollar par jour augmente de 53 millions.

* Citant les chiffres produits par Food and Agriculture Organisation (FAO, Organisation pour l'alimentation et l'agriculture), le rapport fait remarquer qu’au lieu de se rapprocher de l'objectif de faire diminuer de moitié le nombre de personnes mal nourries d'ici 2015, l'effondrement économique actuel a gravement exacerbé les effets de la récente escalade spéculative des prix de la nourriture, rajoutant encore bien des personnes au milliard de gens qui sont affamés.

* On s'attend à ce que le nombre de jeunes sans-emploi augmente de près de 17 millions cette année, faisant passer le taux mondial de chômage des jeunes de 12 pour cent en 2008 à 15 pour cent en 2009.

* Même dans les 30 pays dits développés qui constituent l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), la moitié des chômeurs ne reçoivent pas d'allocations chômage. Là où existent ces allocations, très souvent elles ne répondent pas de façon adéquate aux besoins des chômeurs. Dans la plupart des pays dits en voie de développement, il n'existe pas de telles allocations. Il en résulte que 8 travailleurs au chômage sur 10 dans le monde n'ont aucune protection.

Le rapport souligne à la fois l'étendue mondiale et le caractère féroce de cette attaque contre les emplois.

Dans les pays « développés » de l'OCDE, plus de 7 millions de travailleurs sont devenus chômeurs en 2008. Depuis, la destruction des emplois s'est fortement accélérée. Aux Etats-Unis, 5,4 millions d'emplois ont été supprimés entre juillet 2008 et février 2009, portant le taux officiel de chômage à 8,5 pour cent ou à plus de 14 pour cent quand on y inclut les travailleurs en chômage technique forcé.

L'Espagne a vu 776 000 emplois disparaître au seul premier trimestre de 2009, ce qui a porté à 17,4 pour cent le taux de chômage, soit 4 millions de travailleurs au chômage.

L'Irlande a vu son taux de chômage grimper en flèche de 4,9 pour cent au premier trimestre de 2008 à plus de 10 pour cent en février 2009.

Dans la Fédération russe, le nombre de chômeurs a augmenté de 2 bons millions entre mai 2008 et janvier 2009, tandis qu'en Corée du Sud, 1,2 million d'emplois ont été supprimés entre juin 2008 et février 2009.

Dans les pays « en voie de développement », la situation est encore pire, avec des millions et des millions de personnes qui perdent leur emploi et sont poussés vers le secteur dit informel. Le rapport signale les quelque 20 millions de travailleurs chinois contraints de migrer des zones d'exportation industrielles côtières vers provinces rurales de l'ouest. Il fait remarquer que les pays d'Asie du Sud et d'Amérique du Sud ou d'Amérique centrale qui comptent beaucoup sur l'envoi d'argent à leur famille des personnes qui migrent sont durement touchés par le retour de ces travailleurs migrants à présent au chômage.

Le rapport de l'OIT avertit en particulier des conséquences de la crise pour les jeunes travailleurs, faisant remarquer que l'économie mondiale devrait créer 300 millions de nouveaux emplois entre aujourd'hui et 2015 pour procurer un emploi aux jeunes gens et jeunes filles à la recherche de leur premier emploi. Au lieu de cela, actuellement, le capitalisme mondial est en train de détruire un nombre encore plus grand d'emplois.

« Des dizaines de millions de jeunes sont sur le point de quitter l'école et d'entrer sur un marché du travail en dépression », dit le rapport. « Le manque d'opportunités pour trouver un emploi décent à un jeune âge peut compromettre de façon permanente les perspectives d'emploi futures des jeunes. »

L'agence a aussi fait remarquer, sans fournir de détails précis, la manière impitoyable dont la classe dirigeante capitaliste a utilisé la crise dans le monde entier pour accroître ses profits en réduisant les conditions basiques de vie et de travail de la classe ouvrière, jusqu'au niveau de l'esclavage. « les conventions collectives librement négociées ne sont plus respectées et les travailleurs doivent céder du terrain sur des niveaux de salaire et de prestations durement acquis pour conserver des perspectives crédibles d'emploi et de revenus futurs », déclare le rapport. « Le risque d'un recours au travail clandestin ou au travail illégal des enfants en tant qu'alternatives bon marché croît dans beaucoup de pays, ainsi que celui du recours au travail forcé ou obligatoire. »    

L'image de dévastation sociale présentée par le document de l'OIT s'est vue récemment confirmée dans la publication de nouveaux chiffres sinistres au moment même où le rapport était présenté.

Aux Etats-Unis, on a appris mercredi que des patrons du secteur privé avaient supprimé 532 000 emplois supplémentaires en mai, ce qui confirme la spirale descendante continue de la plus grande économie du monde.

En Europe, l'Union européenne a annoncé que le chômage avait dépassé 9,2 pour cent dans les seize pays de l'eurozone, soit le niveau le plus élevé depuis dix ans avec 3,1 millions de personnes qui ont perdu leur emploi entre avril 2008 et le mois dernier. Le nombre de chômeurs de l'eurozone a atteint 14,6 millions, soit plus ou moins l'équivalent des populations combinées d'Irlande et du Portugal.

Pendant ce temps, l'UNICEF rapporte que la faim en Asie du Sud-Est « au plus haut depuis 40 ans » du fait de la hausse des prix des carburants et de l'alimentation provoquée par le ralentissement économique mondial. Par rapport à deux ans auparavant, 100 millions de personnes supplémentaires ne mangent pas à leur faim. La Banque mondiale a récemment évalué à 400 millions le nombre de personnes dans cette région souffrant de malnutrition chronique, avec les trois quarts des 1,2 milliard de la population de la région vivant avec moins de 2 dollars par jour.

L'information peut-être la plus frappante du rapport de l'OIT est l'avertissement répété et remarquablement explicite, pour un document publié par une agence de l'ONU, lancé aux gouvernements et aux élites dirigeantes du monde sur les implications potentiellement révolutionnaires d'une crise prolongée du chômage.

« Les crises prolongées du chômage comportent des risques majeurs pour la stabilité politique et sociale, » déclare le document, en ajoutant,  « Les conséquences pour le bien-être personnel et familial, le bien-être des sociétés, la stabilité des nations et la crédibilité de la gouvernance nationale et multilatérale sont incalculables. »

Et le rapport fait ensuite remarquer que « les classes moyennes, sur lesquelles repose la stabilité politique et sociale, se sont affaiblies à mesure que leur part dans le revenu total a diminué et que la polarisation s'est accentuée, » et avertit, « le sentiment d'injustice monte et alimente les tensions sociales. »

Le rapport cite l'indice d'instabilité politique élaboré par l'Economist Intelligence Unit qui indique que dans 95 pays sur 165 étudiés, le risque d'instabilité est élevé ou très élevé, et dans 17 pays seulement il est jugé faible.

De plus, il cite le témoignage récent du directeur américain du renseignement national, Dennis Blair, qui a dit au Congrès : « La principale inquiétude sécuritaire à court terme des Etats-Unis est la crise économique mondiale et ses implications géopolitiques. » Le rapport poursuit, faisant remarquer que Blair « a développé l'idée que si les crises économiques duraient plus d'une ou deux années, cela augmentait le risque d'une instabilité menaçant le régime ».

La réponse de l'OIT à cette crise très profonde est aussi vide de sens que sa mise en garde est vraie. Il propose « un pacte mondial pour l'emploi » qui consiste tout juste en des voeux pieux et des appels lancés aux gouvernements du monde « à placer les questions d'emploi et de marché du travail, ainsi que les questions de protection sociale et de respect des droits des travailleurs au coeur des plans de relance et autres mesures adoptées au niveau national pour faire face à la crise ». Il prône également « le dialogue social », ce qui signifie la collaboration tripartite entre le patronat, le gouvernement et les bureaucraties syndicales, comme « instrument clé pour bâtir un consensus. »

Mais la réalité est que dans tous les pays les uns après les autres la solution capitaliste à la crise est la destruction des emplois et du niveau de vie des travailleurs. Dans ce processus, les syndicats aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne et ailleurs, collaborent à la réduction des salaires et la suppression des emplois tout en cherchant à détourner la colère des travailleurs vers des voies nationalistes et protectionnistes afin de protéger la source réelle de l'augmentation du chômage et des inégalités, à savoir le système capitaliste.

L'OIT, en tant qu'agence représentant les Etats membres de l'ONU n'a aucun intérêt à dévoiler au grand jour les racines de la crise dans le contexte de l'échec historique du capitalisme. Néanmoins, son rapport montre clairement que les contradictions sociales à l'échelle mondiale sont en train de s'intensifier du fait de la crise économique mondiale jusqu'à un niveau qui rend inévitables une éruption de la lutte de classes et des soulèvements politiques. Les travailleurs ne peuvent pas accepter et ne veulent pas accepter des années de chômage, de pauvreté, de faim et la mise au rebut d'une génération toute entière.

On ne peut réussir à résister à cette situation qu'au moyen d'une lutte internationale pour unifier la classe ouvrière sur la base d'un programme socialiste visant à mettre fin au système capitaliste fondé sur le profit et à construire une nouvelle société fondée sur l'égalité et l'utilisation des ressources du monde pour subvenir aux besoins humains et non aux profits des grandes entreprises et à l'accumulation de richesse de l'oligarchie financière.

(Article original anglais paru le 4 juin 2009)


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