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WSWS : Nouvelles et analyses : Moyen-Orient

Pour le pouvoir ouvrier et un Iran socialiste

Par Peter Symonds
18 juin 2009

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La crise politique qui se développe en Iran soulève des questions fondamentales pour la classe ouvrière. L'issue de l'élection présidentielle de vendredi dernier a révélé une fissure nette au sein du régime clérical du pays entre les sympathisants du président  Mahmoud Ahmadinejad et ceux de son principal rival Mirhossein Moussavi.

Personne ne doit se laisser abuser par la « révolution colorée » soigneusement orchestrée par le camp Moussavi afin de renverser le résultat des élections et exiger un nouveau scrutin. Bien qu'il existe des différences tactiques entre  Ahmadinejad et Moussavi, tous deux sont des défenseurs expérimentés du régime existant et des intérêts de la bourgeoisie iranienne.

Moussavi était soutenu par ces couches de l'establishment politique et religieux parmi lesquelles on compte les anciens présidents Ali Akbar Hashemi Rafsanjani et Mohammad Khatami qui se montrent très critiques envers la posture anti-américaine d' Ahmadinejad, qui n'a fait qu'apporter davantage de sanctions économiques, et de ses aumônes « dépensières » aux pauvres. Les importantes manifestations d'opposition dans les rues de Téhéran et d'autres villes sont dominées par les couches les plus aisées des classes moyennes urbaines auxquelles s'adressait la campagne électorale de Moussavi. 

Dans la mesure où les étudiants, les jeunes et tous les travailleurs opposés au régime ont été entraînés dans ce mouvement d'opposition, ils sont exploités tels des pions dans ce qu'on ne peut qu'appeler une tentative de révolution de palais. Tandis qu'il a bien pu y avoir des fraudes électorales, des commentateurs plus sobres font remarquer qu'Ahmadinejad a gardé un soutien important parmi les pauvres des campagnes et des villes, soit l'écrasante majorité du pays. La marge d' Ahmadinejad de 63 pour cent sur ses trois concurrents est quasiment identique à celle de l'élection de 2005, où il avait obtenu une victoire inattendue en exploitant l'importante hostilité à l'égard de son rival Rafsanjani. Ce dernier est l'une des personnes les plus riches du pays et notoire pour sa corruption.

Ceux qui présentent Moussavi sous un jour brillant démocratique se complaisent à ignorer son bilan de défenseur pur et dur du régime théocratique. Comme premier ministre entre 1981 et 1989, il avait joué un rôle crucial dans la répression de l'opposition politique, allant jusqu'à l'emprisonnement et l'assassinat de milliers de gens de gauche. En pleine guerre Iran-Irak, Moussavi avait aussi joué un rôle central en conduisant au bain de sang des jeunes gens issus, dans leur écrasante majorité, des couches les plus pauvres de la société et en imposant des mesures d'austérité brutales à la classe ouvrière.

Moussavi a été requalifié de démocrate libéral par une alliance de conservateurs tels Rafsanjani et de « réformistes » comme Khatami pour promouvoir un programme visant à faire retomber les tensions avec les Etats-unis et à imposer un programme de libre marché qui touchera lourdement les travailleurs. N'ayant pas réussi à obtenir une victoire au premier tour ou à imposer un deuxième tour de scrutin, Moussavi et ses alliés cherchent à s'appuyer sur les frustrations de leurs sympathisants, issus en grande partie des classes moyennes, pour obtenir le partage, à défaut du contrôle total, du pouvoir d'Etat.

Ces efforts sont soutenus par une campagne ouvertement partisane dans les médias américains et internationaux, tacitement appuyés par le gouvernement Obama et ses alliés européens. Personne ne devrait se laisser berner à croire que cet effort a pour objectif l'abolition du régime religieux ou la défense des droits démocratiques des masses en Iran.

Tout comme par le passé, l'impérialisme américain cherche à exploiter l'agitation politique en Iran pour amener une modification du régime qui soit plus favorable à ses intérêts stratégiques et économiques, en premier lieu pour garantir un soutien iranien plus grand à son occupation néo-coloniale d'Afghanistan et d'Irak.

Si Moussavi réussissait sa « révolution colorée » les premiers à en subir les conséquences seraient la classe ouvrière et les pauvres avec le nouveau régime cherchant à limiter les dépenses publiques, à privatiser les entreprises publiques et à garantir les profits des entreprises locales et des investisseurs étrangers. L'hostilité de classe à peine dissimulée de Moussavi et de ses sympathisants nantis envers les travailleurs se résume dans leur mépris ouvert envers les maigres aumônes faites par Ahmadinejad aux pauvres.

Moussavi serait tout aussi impitoyable qu'Ahmadinejad à piétiner les droits démocratiques et à réprimer toute opposition à son programme. Tous ceux dans les médias internationaux et les capitales occidentales qui se lamentent à présent sur le manque de démocratie en Iran soutiendraient des mesures répressives à l'encontre de la classe ouvrière.

S'opposer à la campagne cynique de Moussavi ne signifie en aucune façon que l'on soutient politiquement le démagogue de droite Ahmadinejad qui a le soutien des factions dominantes de l'establishment politique iranien, dont le dirigeant suprême l'ayatollah Ali Khamenei.

La posture d'anti-américanisme d'Ahmadinejad n'a rien à voir avec une authentique lutte anti-impérialiste mais a pour but de faire pression sur Washington pour un arrangement plus avantageux aux intérêts de la bourgeoisie iranienne. Sa dénonciation de la corruption et sa position prétentieuse d' « homme du peuple » ayant à coeur les pauvres ne peut effacer le fait que la fracture sociale n'a fait que s'aggraver sous son gouvernement.

Le chômage, l'inflation, le manque de logement et l'ensemble du niveau de vie de la majorité de la population n'ont fait qu'empirer. Ahmadinejad n'est en mesure de se présenter comme défenseur des pauvres que du fait de l'absence de toute alternative socialiste authentique dans la classe ouvrière.

Dans la crise actuelle, une fois de plus un rôle politiquement criminel est joué par le Parti stalinien Tudeh ainsi que les divers groupes étudiants qui s'opposent à toute mobilisation indépendante de la classe ouvrière et cherchent à canaliser l'hostilité au régime derrière Moussavi. Tout à fait conscients du bilan anti-classe ouvrière de Moussavi, ils défendent la position du « tout sauf Ahmadinejad. » Comme l'histoire l'a démontré à maintes reprises en Iran et dans le monde, c'est une voie qui conduit à la catastrophe.

Quiconque se laisse convaincre par de tels arguments devrait se souvenir des conséquences de la révolution de 1979. La force motrice sociale de cet immense mouvement qui avait finalement eu raison du Shah Mohammad Reza Pahlavi était la classe ouvrière.

Des grèves déterminées des travailleurs de l'industrie pétrolière en particulier avaient paralysé l'économie et forcé ce régime appuyé par les Etats-Unis à capituler. Le Parti Tudeh avait joué un rôle crucial en enchaînant la haine largement ressentie pour le shah à une faction dissidente de l'establishment religieux en promouvant l'illusion que l'ayatollah Khomeini représentait une alternative progressiste.

La classe ouvrière iranienne a une longue histoire de lutte révolutionnaire. Mais les leçons amères de cette histoire confirment un principe fondamental de la Théorie de la révolution permanente de Léon Trotsky: l'incapacité organique de toute section de la bourgeoise dans les pays au développement capitaliste retardé de répondre aux aspirations des travailleurs pour les droits démocratiques fondamentaux et un niveau de vie décent.

Comme l'a expliqué Trotsky, seule la classe ouvrière, par une lutte pour la prise du pouvoir à la tête des masses opprimées est capable de mener à bien une lutte conséquente pour les droits démocratiques. Un gouvernement de travailleurs et de paysans briserait l'étau des religieux et des intérêts bourgeois qu'ils défendent et commencerait une transformation socialiste de la société dans l'intérêt de la majorité, et non des profits de la minorité riche.

L'actuelle agitation politique en Iran a ouvert des fissures profondes dans l'establishment politique. Il ne fait pas de doute qu'il y a des jeunes, des étudiants et des travailleurs qui débattent avec sérieux de la manière de mettre fin au régime oppressif. Mais tant qu'ils resteront piégés derrière l'une ou l'autre faction de l'élite dirigeante il n'en résultera inévitablement que la consolidation du régime bourgeois et une série de plus de répression politique. L'unique voie pour sortir de ce piège politique est de se tourner vers une mobilisation politique, indépendante, des travailleurs et des masses opprimées dans la lutte pour prendre le pouvoir et établir un Iran socialiste.

Une telle perspective n'est concevable que comme faisant partie d'une lutte plus large de la classe ouvrière pour des Etats unis socialistes du Moyen-Orient et internationalement. La tâche urgente à laquelle sont confrontés les travailleurs et les jeunes est la construction de sections du Comité international de la Quatrième Internationale en Iran et dans toute cette région. Ceci requiert l'étude minutieuse de toutes les expériences stratégiques du mouvement trotskyste durant tout le vingtième siècle. Les leçons de ces luttes sont le guide indispensable à l'action politique.

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