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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Elections européennes

France : Le Nouveau Parti anticapitaliste prône le réformisme keynésien

Par Antoine Lerougetel et Alex Lantier
11 juin 2009

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La campagne pour l'élection au parlement européen du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) sur une ligne réformiste confirme la déclaration faite par le World Socialist Web Site sur le NPA au moment du congrès fondateur de cette organisation en février 2009.

Lancée par la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) qui s'est dissoute dans le NPA, l'initiative du NPA  représente la tentative de la LCR de répudier toute référence au marxisme et de se mettre dans les bonnes grâces de l'establishment politique français.

Même avant le congrès fondateur du NPA, Jean-Luc Mélenchon, membre de longue date du Parti socialiste (PS) et ancien ministre dans le gouvernement de la gauche plurielle du premier ministre socialiste Lionel Jospin, avait quitté le PS pour former le Parti de Gauche en novembre 2008. Il a proposé que le NPA rejoigne le Front de gauche aux côtés du Parti communiste (PC) et d'autres partis de « gauche » pour les élections européennes. Une faction minoritaire active au sein du NPA et conduite par le vétéran de la LCR Christian Picquet, a fortement encouragé une alliance ouverte avec le Front de gauche composé par le Parti de Gauche et le PC.

Ces propositions ont placé le NPA qui recrute ses membres sur la base de la politique de protestation et l'image médiatique du candidat de la LCR à l'élection présidentielle Olivier Besancenot, dans une situation difficile. Rejoindre le Front de gauche associerait publiquement le NPA au bilan de Mélenchon et du PC consistant à soutenir la politique d'austérité. D'un autre côté, refuser de rejoindre le Front de gauche conduirait à se voir accusé par Picquet et une bonne partie des membres du NPA de briser la solidarité avec Mélenchon et le PC.

La direction du NPA a finalement décidé de rester en dehors du Front de gauche mais de manoeuvrer pour faire porter la responsabilité de cette division sur le Front de gauche plutôt que sur le NPA. Critiquant le PS pour sa politique d'austérité « social-libérale » il a demandé au Front de gauche d'organiser une campagne séparée du PS non seulement pour les élections européennes de cette année mais aussi pour les élections régionales de 2010.

Le NPA a fait cette requête sachant bien que le PC ne survit financièrement que grâce à son alliance nationale avec le PS. Le PS partage les sièges au parlement de façon à permettre au PC de maintenir  un petit groupe à l'Assemblée nationale et de retenir l'allocation financière à laquelle elle a de ce fait droit.

Le NPA a rencontré les dirigeants du PC et du Front de gauche le 2 mars pour débattre de l'alliance électorale pour l'élection européenne. Comme on pouvait s'y attendre, ces partis ont refusé de s'engager à présenter des listes séparées du PS. Le 8 mars, Christian Picquet a annoncé que son groupe, Gauche unitaire, avait rejoint le Front de gauche pour l'élection européenne, tout en restant membre du NPA.

Besancenot a insisté sur le fait qu'il « n'a pas d'adversaire » au Front de gauche et qu'il était toujours prêt à lui « tendre une main fraternelle », mais afin de conserver sa posture d'indépendance par rapport au PS, le NPA a annoncé le 9 mars qu'il ferait campagne séparément du Front de gauche. L'explication donnée était le refus du Front de gauche d'exclure une alliance définitive avec le PS dans les élections à venir et notamment les élections régionales.

Le 18 mai, une faction appelée Convergences et alternatives, s'est constituée au sein de la direction nationale du NPA prônant une « lutte unitaire » avec les partis du Front de gauche. Le porte-parole du groupe, le syndicaliste Yann Cochin a dit à l'agence France-Presse: « Nous sommes pour un front unitaire dans les luttes et les élections. » Il a ajouté qu'il y avait déjà une « convergence de revendications » entre le NPA et le Front de gauche. Cochin a déclaré que son groupe représente plus ou moins 10 pour cent des membres du NPA.

Grâce à une couverture médiatique de grande envergure du congrès du NPA et particulièrement de Besancenot, le NPA a commencé sa campagne électorale avec 9 pour cent des intentions de vote dans les sondages. Tout comme les résultats généralement médiocres de la gauche officielle durant la campagne des européennes, ce chiffre est tombé autour de 6 à 7 pour cent des voix dans la plupart des sondages.

Le Front de gauche a augmenté son score prévu, apparemment dans une certaine mesure en prenant des voix au NPA et passant dans les sondages de 4,5 à 6 pour cent.

Le point d'appui des réunions de campagne du NPA a été des appels à davantage de manifestations et de grèves, afin de tirer profit de la recrudescence des luttes des travailleurs du fait de la crise économique, notamment dans le secteur automobile ou de l'équipement.

Mais le problème auquel est confrontée la classe ouvrière française n'est pas un manque  de combativité, mais c'est principalement la nécessité de former une organisation pour coordonner les luttes des travailleurs et les armer d'une perspective politique véritablement socialiste et indépendante, en opposition aux syndicats.

Le NPA a soutenu sans critique les trois journées d'action et de grèves d'un jour et de manifestations organisées cette année, le 29 janvier, le 19 mars et le 1er mai, par les huit principales fédérations syndicales de France (connues sous le nom de G8.) Le NPA n'a pas fait la critique politique évidente  que Sarkozy n'a rien à craindre de ces journées occasionnelles de grèves d'un jour.

Depuis 2007, le président Nicolas Sarkozy a réussi à faire passer, avec la collaboration étroite des syndicats, toutes les attaques contre les retraites et toutes les « réformes » sur le travail. Les journées d'action des syndicats ont été organisées avec pour unique objectif celui de désamorcer l'opposition populaire et de fournir une couverture politique à leur collaboration avec Sarkozy.

Plutôt que de révéler au grand jour cette trahison, le NPA a signé des appels communs de soutien aux syndicats avec le PS, le PC, le Parti de Gauche et d'autres groupes de « gauches. »

Le NPA cultive soigneusement le fétichisme de l'unité des syndicats et de la « gauche » dans les manifestations contre la crise sociale provoquée par la crise économique mondiale et la politique d'austérité du gouvernement. Tout en critiquant épisodiquement les confédérations syndicales, dont les principales composantes sont la CGT (Confédération générale du travail) alignée sur le PC et la CFDT (Confédération française démocratique du travail) alignée sur le PS, pour leur manque d'initiatives combatives, le NPA ne dénonce jamais leur intégration dans l'Etat français et leur collaboration dans la préparation des attaques de Sarkozy contre le niveau de vie, les conditions de travail et les droits démocratiques.

La réponse du NPA à la complicité des syndicats avec l'Etat n'est pas la construction par les travailleurs d'un parti révolutionnaire qui guidera la classe ouvrière dans une lutte pour le pouvoir. Au contraire, Besancenot a appelé maintes fois à un « nouveau mai 1968 », en référence aux manifestations étudiantes et à la grève générale qui avaient été trahies par le PC et la CGT en échange de concessions salariales.

Cet appel à un nouveau 1968 est peut-être plus révélateur que ne le conçoit Besancenot. Appeler à un nouveau 1968 pose obligatoirement la question : quels furent les résultats de l'expérience de 1968 ?

Alors que la grève de dix millions de personnes en 1968 avait démontré la puissance énorme de la classe ouvrière, l'histoire de France démontre depuis principalement les effets dévastateurs du manque de perspective politique de la grève. La défaite ultime de la grève et l'intégration des anciens étudiants gauchistes et du PC dans l'establishment français a ouvert la voie à quatre décennies de stagnation politique et de défaites pour la classe ouvrière.

Des industries toutes entières, notamment le textile et l'acier, se sont effondrées, dévastant de larges régions du pays. Les suppressions de postes et les privatisations ont éviscéré le secteur du service public. Avec l'aide du PS et du PC, l'establishment a réussi à marginaliser le marxisme en tant que force ayant une quelconque influence politique significative en France.

Que Besancenot s'en rende vraiment compte ou non, objectivement sa politique de contestation fait partie des efforts de l'establishment visant à empêcher l'émergence d'une politique ouvrière consciente en France et prépare pour les travailleurs des défaites similaires pour l'avenir. C'est pour cela que la bourgeoisie s'empresse autant pour lui donner du temps d'antenne.

Une perspective pro-capitaliste

Il n'existe pas d'indication plus claire de cette orientation pro-capitaliste que cette déclaration politique publiée par François Sabado, membre dirigeant du NPA, dans le numéro de mai 2009 du magazine Contretemps qui se consacre aux écrits de membres de longue date de la LCR et de plus récentes recrues libertaires du NPA parmi les intellectuels petits-bourgeois. Malgré son titre, « Une alternative anticapitaliste en Europe » l'article de Sabado propose que le NPA serve d'instrument de pression pour que la bourgeoisie relance le capitalisme européen.

Il écrit : « L'Europe pourrait constituer le cadre fonctionnel d'une relance keynésienne. Pourtant, les politiques de l'Union européenne illustrent bien l'incapacité des classes dominantes à impulser un tel tournant. » Il regrette que les classes dirigeantes « n'ont pas l'intention d'imposer de nouvelles normes financières ou de contrôler effectivement le crédit pour lancer l'activité ».

Sabado implique que la classe ouvrière est nécessaire pour pousser la bourgeoisie à adopter un programme keynésien. Il écrit : « L'option keynésienne n'a pas été un choix de construction socio-économique après un débat idéologique au sein des classes dominantes. Elle a été imposée par des rapports de forces, une montée des luttes ouvrières. »

Ces lignes constituent une répudiation publique de plus par Sabado et le NPA de la politique révolutionnaire. La politique keynésienne fait référence aux dépenses déficitaires de l'Etat bourgeois, visant à renforcer la demande sur le marché, pour contrecarrer la destruction du pouvoir d'achat des travailleurs du fait de la crise économique. Une telle politique d'orientation nationale est menée par de nombreux gouvernements capitalistes. Elle a été remise au goût du jour par les grandes puissances, pour la circonstance, en réponse à l'effondrement financier de 2008. Dans les années 1930, elle avait pris la forme de dépenses militaires massives par l'Allemagne nazie et du New Deal de Franklin Roosevelt aux Etats-Unis.

Des politiques keynésiennes cherchent non pas à renverser le capitalisme, mais à le sauver dans une situation où les agissements incontrôlés du marché libre menacent de provoquer un effondrement économique et l'éclatement d'une révolution sociale. Les adeptes de mesures keynésiennes, dont ceux tels Sabado, qui cherchent à canaliser les luttes des travailleurs derrière un programme keynésien, ne sont pas des « anticapitalistes », mais des apologues et des défenseurs du capitalisme.

Sabado se plaint que les plans de relance adoptés par les grandes puissances sont trop étriqués pour stopper une chute importante de l'activité économique. « Selon le prix Nobel d'économie, Paul Krugman », écrit-il, « le plan Obama qui dépasse 5 pour cent du PIB en 2009, ne réussira guère qu'à réduire de moitié l'ampleur probable de la récession. Que dire des plans de relance européens ? Ils sont pour le moins sous-dimensionnés: 1,3 pour cent du PIB en GB, 1 pour cent en France, 0,8 pour cent en Allemagne, 0,1 pour cent en Italie. »

Sabado sait que les banques centrales qui s'opposent à l'inflation des prix, telle la Banque centrale européenne, sont hostiles aux plans de renflouement que l'Etat bourgeois finance souvent en imprimant des billets de banque. Il écrit : « Il faut en finir avec l'indépendance de la Banque centrale européenne qui deviendra une banque publique assujettie aux institutions politiques que se donneront les peuples d'Europe. »

Incidemment, Sabado fait remarquer que les politiques keynésiennes des années 1930, telles qu'elles se fondaient sur des Etats capitalistes particuliers, « se sont essentiellement déployées sur la base de l'économie d'armement ». Bien qu'il reconnaisse implicitement le rôle que les politiques keynésiennes ont joué dans la préparation de la Deuxième Guerre mondiale, Sabado ne revient pas sur le fait qu'il les recommande.

En même temps qu'il affirme la viabilité d'une réforme du capitalisme, Sabado démontre sa démoralisation complète quant à l'action de la classe ouvrière. Son document ne mentionne aucune des grèves qui secouent le secteur public, les universités et une partie significative du secteur privé tel le secteur automobile, qui n'avaient pas connu de grèves depuis des années. Même des politiciens bourgeois tels la personnalité en vue du PS Ségolène Royal et le dirigeant gaulliste Dominique de Villepin mettent en garde sur l'existence d'« un risque révolutionnaire » en France. Mais Sabado ne peut qu'exprimer l'opinion qu'« Il n'y a pas de rapports mécaniques entre crise économique et lutte de classes. »

Avec l'entrée dans la lutte de sections de plus en plus nombreuses de la classe ouvrière et l'effondrement du volume du commerce mondial et de la production industrielle, il ne reste plus à Sabado qu'à répéter les vieilles rengaines de la LCR sur « un plan d'urgence social et écologique » parmi lesquelles la revendication que l'Etat rende illégal le licenciement. Son document a pour seul mérite de montrer que ces slogans pseudo radicaux, répétés depuis longtemps dans les documents de la LCR, correspondent à une orientation pro-capitaliste keynésienne. Elles n'ont rien de socialiste, de révolutionnaire ou de véritablement anticapitaliste.

Sans aucune proposition politique à suggérer aux couches grandissantes de la classe ouvrière entrant dans la lutte, Sabado exprime sa crainte que le NPA ne perde de son influence au profit des néofascistes. Il écrit : « Les différences entre ces périodes historiques [les années 1930 et aujourd'hui] sont nettes. Une course de vitesse est néanmoins engagée entre les salariés, les mouvements sociaux, le mouvement ouvrier, et les droites populistes, autoritaires, xénophobes. »

Sabado conclut par une discussion de la perspective d'action politique du NPA, sur notamment les raisons pour lesquelles le NPA ne construit pas d'alliance électorale ouverte avec des sections du PS ou du PC. Cette question que se posent des sections importantes d'adhérents du NPA est particulièrement à propos car Sabado propose une politique keynésienne, c'est-à-dire une politique qui ne peut être menée qu'avec la collaboration des échelons élevés de la bureaucratie d'Etat. Une telle politique nécessite donc le soutien des partis établis de la gauche bourgeoise.

Sabado écrit : « Dans tous les pays où la gauche radicale a participé à un gouvernement avec la social-démocratie ou le centre-gauche, elle a été satellisée par la gauche social-libérale. » Il cite pour exemple le PC dont la popularité a chuté lors de sa participation à un gouvernement PS qui avait imposé une politique d'austérité et qui avait au début des années 1990 rejoint la guerre du Golfe contre l'Irak. Il cite aussi le gouvernement d'Union de Romano Prodi de 2006 à 2008 en Italie, auquel participait Rifondazione Communista et qui avait fait voter des attaques contre les retraites et la participation dans l'occupation de l'Afghanistan menée par les Etats-Unis.

Comme le montrent la campagne du NPA et le document de perspective de Sabado, le NPA est lui aussi un satellite des partis au pouvoir, qui ne diffère du PC et Rifondazione que du fait que son orbite est excentrée. Si Sabado se retient de consommer ouvertement l'alliance avec le PS et le PC qu'implique sa perspective politique, c'est parce qu'il craint que cela ne conduise à l'effondrement du soutien populaire pour le NPA comme cela a été le cas pour le PC et à Rifondazione.

La conclusion que tire Sabado par rapport à ces derniers s'applique tout aussi bien au NPA : « La force d'attraction des institutions bourgeoises a été plus forte que toutes les proclamations anti-libérales. »

Les auteurs recommandent aussi la lecture de:

France : quelle est la nature du Nouveau Parti anticapitaliste formé par la LCR ? [5 février 2009]


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