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WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

Sri Lanka : Interrogatoire par la police des médecins témoins des crimes de guerre

Par Nanda Wickramesinghe
16 juin 2009

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Le gouvernement sri lankais poursuit la détention et l'interrogatoire des trois médecins, Dr Thurairajah Varatharajah, Dr Thangamuttu Sathyamurthi et Dr V. Shanmugarajah, qui ont risqué leur vie pour apporter une aide médicale aux milliers de civils tamouls pris au piège dans les combats entre l'armée et les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE.)

Les journalistes et la plupart des humanitaires n'ayant pas droit d'accès à la zone de combat, ce sont ces médecins nommés par le gouvernement qui ont donné un aperçu de la situation horrifique confrontant plus d'un quart de million de civils dans la petite enclave tenue par le LTTE. Leur témoignage fournit des preuves oculaires des crimes de guerre perpétrés par l'armée sri lankaise qui a bombardé des zones occupées par des civils. Leur clinique de fortune a été touchée à maintes reprises durant les dernières semaines de combat.

Les trois médecins ont fui en même temps que des milliers de civils juste quelques jours avant que l'armée n'envahisse le territoire du LTTE. Ils ont été détenus par des soldats puis remis à la police. Pour détourner l'attention de leurs propres crimes, le gouvernement a accusé les médecins d'aider le LTTE et a qualifié leurs comptes-rendus de propagande. Seul le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a eu accès aux trois hommes.

Le ministre des droits de l'Homme, Mahinda Samarasinghe a dit à la BBC la semaine dernière que les médecins étaient détenus « pour cause de suspicion bien fondée de collaboration avec le LTTE ». Il a ajouté : « Je ne sais pas ce que l'enquête révélera, mais peut-être faisaient-ils même partie de toute cette conspiration visant à mettre à avant l'idée que les forces gouvernementales bombardaient et ciblaient les hôpitaux et ciblaient sans discrimination des civils, suite aux bombardements. »

Ce que Samarasinghe veut dire quand il parle de « conspiration », c'est l'accumulation de preuves d'atrocités dont le gouvernement sri lankais et l'armée sont responsables. Le gouvernement de  Colombo soutenu par la Chine, la Russie et l'Inde a empêché le vote d'une motion au Conseil des droits de l'Homme des Nations unies ce mois-ci appelant à une enquête indépendante sur les crimes de guerre commis à la fois par l'armée et le LTTE.

Des rapports des Nations unies, qui ont fait l'objet de fuites, estiment à au moins 7000 le nombre de civils tués depuis janvier dernier durant l'offensive finale de l'armée contre le LTTE. Alors que le président  Mahinda Rajapakse fait porter au LTTE la responsabilité de la mort des civils, les images satellites et les paroles des survivants révèlent au grand jour le mensonge du gouvernement selon lequel l'armée n'avait pas utilisé d'armes lourdes sur une zone peuplée de civils. D'autres estimations fondées sur des sources des Nations unies et des photos aériennes font état de plus de 20 000 morts.

Les commentaires faits aux médias par les trois médecins ont fourni un compte-rendu choquant du sort terrible de centaines de milliers de civils tamouls dans l'enclave du LTTE, dont une grande partie avait cyniquement été proclamée « zone sécurisée. » Eau et nourriture était en quantité extrêmement limitée. Les médecins devaient faire face chaque jour à des centaines de blessés arrivant dans des conditions terribles, et ce, sans matériel médical adéquat.

Le 13 mai, l'Agence France-Presse a dit que le Dr Varatharajah leur avait dit que l'hôpital de fortune avait été touché pour la seconde fois en deux jours. Au moins 50 personnes avaient été tuées, dont une aide soignante et 60 autres personnes avaient été blessées. Le Dr V. Shanmugarajah a dit à Associated Press par téléphone que c'était la troisième fois en un mois que l'hôpital était touché. 

Finalement, les médecins ont été contraints de partir.  Associated Press a rapporté le14 mai que l'hôpital avait été abandonné, car il était trop dangereux d'y travailler. Quelque 400 patients en situation critique sont restés à l'intérieur, nécessitant désespérément des soins médicaux. Un membre de l'équipe médicale a dit: « A regarder l'hospice et entendre les civils crier, on ne peut que ressentir le désastre. » L'armée a envahi les derniers retranchements du LTTE le 18 mai.

Amnesty International a dit avoir vu les médecins le 25 mai à un poste de tri des personnes déplacées dans le pays (IDP) près de Omanthai. Pour faire taire les interrogations toujours plus nombreuses sur leur sort, le commandant de l'armée a nié avoir la moindre connaissance du lieu où ils se trouvaient. Mais le 20 mai une équipe du CICR les a aperçus sur ce même site. L'armée a ensuite remis les hommes à la police et ils ont été placés en garde à vue à la Division des enquêtes terroristes (TID.)

La porte-parole du CICR Sarasi Wijeratne a dit au WSWS le 3 juin que des avocats, des journalistes   et des proches s'étaient vus interdire l'accès aux trois médecins. Interrogée sur leur état de santé et le lieu où ils se trouvaient, elle a dit que le CICR était contraint au silence du fait d'un accord passé avec les autorités sri lankaises.

Interviewé par le journal britannique Independent, Satish Kumar, beau-frère du Dr Shanmugarajah a dit que des représentants du CICR lui avaient dit qu'ils avaient pu remettre des vêtements au docteur et qu'il « n'avait pas été torturé ». Cette question de la torture est à prendre très au sérieux, car le TID est bien connu pour faire usage de coercition physique contre les « personnes suspectées de terrorisme » afin d'obtenir des aveux pour ensuite les utiliser au tribunal. Dans le cas des trois médecins, les enjeux sont bien plus importants pour le gouvernement et c'est pourquoi il cherche à faire en sorte qu'ils se rétractent.

Kumar a dit au journal: « Si le gouvernement les poursuit, alors on pourra prendre un avocat. Tout le monde sait qu'ils n'ont fait qu'aider des civils et essayer de leur sauver la vie. Ils ont peut-être donné des chiffres des victimes, mais est-ce que c'est un délit? Le nombre de personnes qui ont été blessées est une évidence: ils sont maintenant tous dans les camps. »

Mais le ministre des droits de l'Homme Samarasinghe a dit que l'enquête sur les médecins pourrait durer un an ou plus avant que des charges ne soient portées contre eux. Selon les pouvoirs extraordinaires draconiens du pays et la Loi de prévention du terrorisme (PTA), les suspects peuvent être détenus quasiment indéfiniment sans motif d'accusation.

Samarasinghe a déclaré que les remarques des médecins aux médias internationaux avaient été faites dans une situation où le LTTE les menaçait d'un « pistolet à la tempe. »Il a poursuivi: « Il y a eu beaucoup de battage médiatique disant que nous avions lancé une attaque contre un hôpital. Ce battage médiatique a eu lieu à cause des médecins. Ils sont à présent en garde à vue au TID, avec mandat d'arrêt. Bientôt ils comparaîtront devant un tribunal. Et vous apprendrez ce qui s'est réellement passé. »

Ces remarques de Samarasinghe appellent la question suivante: si leurs commentaires précédents avaient été faits sous la menace, pourquoi détenir les médecins et empêcher que des journalistes, des avocats et des proches leur parlent ? Le fait même que ces trois hommes puissent être détenus avec interdiction de communiquer pendant un an ou plus signifie que le gouvernement a bien des choses à dissimuler.

La BBC a rapporté hier que le Dr Sathyamurthi avait été présenté devant un tribunal à Colombo comme le requiert formellement le PTA. Il n'a rien dit durant sa courte comparution puis a été remis en garde à vue policière.


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