Lors d'une réunion du comité d'entreprise qui s'est tenue
avec les syndicats dans les bureaux de la préfecture de Grenoble lundi dernier,
les représentants de Caterpillar France ont rejeté la requête des syndicats de
retirer, avant d'engager les négociations sur les licenciements, les charges
pesant sur 19 travailleurs accusés d’« entrave au travail ».
Devant ce refus, les représentants syndicaux ont quitté la salle.
« Entrave au travail » fait référence aux
actions de travailleurs, durant ces trois derniers mois, pour défendre leurs
emplois et leurs conditions de travail : Ils avaient occupé leur lieu de
travail, séquestré leurs dirigeants et bloqué les entrées de l'usine.
Selon le code du travail, si les représentants syndicaux
quittent de façon injustifiée une réunion du comité d'entreprise, corps qui
doit valider les plans de licenciements pour qu'ils aient valeur légale, cela
permet alors à la direction de prendre ses décisions, sans opposition.
Expliquant qu'ils faisaient l'objet de
« menaces » de la part de travailleurs de Caterpillar excédés, les
syndicalistes ont fait valoir leur droit de retrait conformément au code du
travail en raison de la présence d'un « danger grave et imminent pour leur
santé ».
Aussitôt l'entreprise a annoncé qu'elle revenait sur sa
proposition de réduction des licenciements, de 733 à 600, qui avaient été
conclue en échange d'une intensification de l'exploitation des 2000
travailleurs restant, au moyen de l'annualisation des heures de travail. Cette
proposition avait été acceptée le 19 avril lors d'une réunion tripartite à
Paris entre les syndicats, la direction et des représentants de l'Etat. Lorsque
les délégués syndicaux étaient retournés à l'usine le jour suivant avec cette
proposition, celle-ci avait été rejetée par les travailleurs en grève puis
refusée lors d'un vote de l'ensemble de la main-d'oeuvre le 6 mai.
Le retrait par Caterpillar de sa proposition est le dénouement
d'une longue mascarade jouée par la direction depuis février où l'entreprise,
frappée par une baisse importante des commandes due à la récession mondiale,
avait décidé de supprimer 733 emplois à Grenoble. L'intersyndicale avait
rencontré la direction et fait la contre-proposition d'un maximum de 450
suppressions d'emplois.
Le délégué CGT (Confédération générale du travail, proche
du Parti communiste) Patrick Cohen a dit aux médias en quittant la réunion de
lundi : « La direction maintient ce qu'elle a mis en place depuis le
début. Elle n'a jamais eu la volonté de négocier depuis le début, mais de
passer en force. »
Le 11 mai, l'agence Reuters rapportait : « Les
syndicats paraissaient quant à eux désarmés face à cette annonce de leur
direction. Nicolas Benoit, délégué CGT, qui avait signé l'accord tripartite à
Paris le 19 avril a dit qu'il craignait que “pour la direction, cette
décision soit ferme et définitive. La direction sera la seule responsable de ce
plan de licenciement de 733 personnes. En trois mois elle n'a pas avancé d'un
seul pas, il n'y a eu aucune avancée.” »
Patrick Cohen, de la CGT, s'est déclaré
« dégoûté » par le passage en force de la direction et a suggéré que
l'intersyndicale allait réfléchir à la possibilité de réagir sur le plan
juridique.
La stratégie ratée des syndicats de Caterpillar, comptant
sur l'Etat comme médiateur dans leurs négociations avec la direction,
s’incarne dans le fait que des négociations avec leurs patrons américains
se tiennent dans des institutions gouvernementales et sous les auspices de
représentants du gouvernement.
Le 1er avril, les dirigeants syndicaux de Caterpillar, qui
avaient séquestré pendant un jour quatre cadres de l'entreprise dans leur
bureau afin d'essayer d'obtenir de meilleures indemnités de licenciement,
publièrent un « appel solennel » au président Nicolas Sarkozy pour
obtenir des fonds européens pour l'entreprise afin de lui permettre de
maintenir la production dans ses usines de Grenoble.
Les syndicats, de leur propre aveu, n'ont jamais lutté
pour la défense de tous les emplois chez Caterpillar. Dans l'ensemble, les
syndicats en sont venus à être partie intégrante de l'Etat et de la direction
et ne conçoivent la « défense » des emplois et des conditions de
travail que sur la base de leur propre entreprise et de la bourgeoisie
nationale.
Avec les annonces toujours plus nombreuses de fermetures
d'entreprises, de licenciements, de travail partiel dans toute la France et
l'Europe (ArcelorMittal, Continental, Johnson Controls, Continentaltech) il
devient de plus en plus clair que la défense des emplois, de l'industrie et du
niveau de vie nécessite une lutte politique déterminée non seulement contre les
patrons mais aussi contre les syndicats et pour le contrôle de l'industrie par
les travailleurs dans le pays et au-delà des frontières nationales.