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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : Les partis de « gauche » à la traîne dans la campagne pour les élections européennes

Par Kumaran Ira et Alex Lantier
14 mai 2009

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En France, la campagne pour les élections au parlement européen est particulièrement significative, car c’est la première campagne électorale en France depuis le début de la crise économique mondiale de septembre dernier. Malgré l’impopularité du président droitier Nicolas Sarkozy, les sondages actuels suggèrent que les partis conservateurs arriveront en tête de l'élection à venir.

Il y a aussi deux nouveaux partis en lice aux élections européennes : le Parti de Gauche (PG) fondé en janvier dernier par Jean-Luc Mélenchon suite à son départ du Parti socialiste (PS) et le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) fondé en février et dont la personnalité en vue est le facteur à temps partiel et célébrité médiatique, Olivier Besancenot.

Le Parti socialiste, plus grand parti bourgeois de gauche en France, fait campagne au sein de la coalition du Parti socialiste européen (PSE), qui a pour objectif de devenir le groupe le plus important au parlement européen. Le PSE compte actuellement 217 sièges au parlement européen, tandis que le Parti populaire européen (PPE, coalition de partis conservateurs) en compte 288.

Les représentants du PS expliquent qu’ils considèrent que les élections européennes sont essentielles pour prouver à la population que la politique du PS peut apporter une réponse à la crise économique. Il appelle aussi à une plus grande indépendance européenne sur les questions militaires. Lorsque le PS avait commencé à établir ses listes électorales fin février, la Première secrétaire du PS, Martine Aubry, avait appelé le PS à s’unifier pour les élections, en mettant en avant la situation économique et sociale du pays et les enjeux d'un changement de majorité au parlement européen.

Le PS a concentré ses critiques sur la manière dont le président Nicolas Sarkozy et le commissaire européen José Manuel Barroso, ancien premier ministre portugais et membre du PPE, font face à la crise économique. Sur son site Internet électoral, le PS attaque Barroso pour son « non interventionnisme », son manque de « politique volontariste pour préserver les emplois, » et parce qu’il n’a pas organisé de discussions sur l’avenir de l’industrie automobile en Europe.

Le parti conservateur de Sarkozy, l’UMP (Union pour un mouvement populaire) n’a toujours pas annoncé ses listes pour les élections européennes, apparemment du fait de difficultés rencontrées pour satisfaire les critères de parité hommes-femmes et du fait de tensions politiques entre Sarkozy et le puissant maire de Bordeaux et ancien premier ministre, Alain Juppé.

De ce fait, Sarkozy a décidé de faire campagne pour l’UMP à la place des candidats, faisant des discours sur des thèmes européens. En droite ligne avec sa récente promotion de mesures droitières et sécuritaires, telles l’interdiction de porter des cagoules dans les manifestations et l'interdiction des « bandes » de jeunes, il a appelé à refuser l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Il a aussi saisi l’occasion pour faire l'éloge de son propre bilan lorsque la France, à la présidence tournante de l’Union européenne fin 2008, avait conduit les négociations entre les Russes et les Géorgiens au moment de l’attaque de la Géorgie contre l’Ossétie du Sud en août 2008.

Les sondages prévoient un taux d’abstention important, de 49 pour cent voire plus. En France, la cote de popularité des institutions européennes est passée du taux le plus élevé de 74 pour cent en 1987 à juste 49 pour cent aujourd’hui. C’est en partie parce que le parlement européen exerce peu de pouvoir. Par exemple, il ne contrôle pas le budget de l’UE, ni ne nomme le personnel exécutif de la Commission européenne.

Plus largement, la situation reflète la désillusion populaire envers les institutions de l’Europe bourgeoise : Elles sont perçues comme consolidant les intérêts patronaux aux dépens des dépenses sociales et des intérêts de la classe ouvrière (notamment avec la directive Bolkenstein créant un marché européen unique pour les services) et comme incapable de faire cesser la guerre sur le continent européen, suite à l’expérience des guerres des années 1990 en Yougoslavie

Selon le dernier sondage CSA pour Le Parisien et Aujourd’hui en France, le président conservateur Nicolas Sarkozy arrive en tête avec 27 pour cent des voix, suivi par le PS avec 25 pour cent. Le MoDem conservateur (Mouvement démocratique) de François Bayrou obtiendrait 12 pour cent des voix et la liste Europe Ecologie, conduite par Daniel Cohn-Bendit et José Bové, 10 pour cent.

Le NPA obtiendrait 7 pour cent des voix aux élections, devant le Front de Gauche (PG et Parti communiste) et Lutte ouvrière (LO) qui obtiendraient respectivement 3 et 2 pour cent, ce qui ferait un total de 12 pour cent pour « l’extrême-gauche ». Ce total représente une baisse par rapport aux résultats de ces partis dans les sondages effectués à la mi-février où ils obtenaient 18 pour cent des voix, le NPA obtenait alors 9 pour cent, le PG 6 pour cent et LO3 pour cent.

Cette baisse du soutien pour le PS et les autres partis de « gauche » en France est un fait marquant étant donné que la crise économique actuelle est vue comme une crise du capitalisme.

Les projections officielles évaluent le chômage en France à plus de 10 pour cent pour l’année prochaine, selon une déclaration de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques.) Plus de 20 pour cent des moins de 25 ans sont sans emploi.

Sarkozy a promis de dépenser des centaines de milliards d’euros pour sauver les banques, dont les patrons continuent de recevoir des bonus, ce qui provoque la colère des travailleurs. Pendant ce temps, des dizaines de milliers d’emplois sont supprimés chaque mois. Ces dernières semaines, il y a eu des conflits acharnés et parfois violents dans certaines usines françaises ou étrangères au sujet des suppressions d'emplois et des indemnités de licenciement, dont des séquestrations de patrons soupçonnés de planifier des licenciements en masse.

Le fait qu’une crise de cette ampleur et un regain de combativité parmi les travailleurs produisent non pas un regain mais une chute du soutien électoral pour les partis bourgeois de gauche souligne le fossé social qui sépare ces partis et la classe ouvrière.

Le gouvernement de Gauche plurielle du premier ministre Lionel Jospin (1997-2002), comprenant le PS, le PC et les Verts, avait mis en place une série de mesures d’austérité, dont des licenciements de masse et la privatisation de nombreuses entreprises publiques. La conséquence finale avait été une défaite humiliante pour Jospin, éliminé au premier tour des élections présidentielles de 2002. Les électeurs de gauche avaient abandonné le PS, divisant leurs voix entre différents partis et votant pour « l’extrême-gauche » dans des proportions jamais vues, ne permettant pas à Jospin de participer au second tour du scrutin.

Jusqu’à l’avènement de la crise économique l’an dernier, le PS était largement engagé dans des débats internes sur la manière de redevenir un parti défendant « une économie de marché écologique et sociale », selon une déclaration de principes d’avril 2008. Cela revenait à ne pas organiser d’opposition aux attaques contre les acquis sociaux proposés par une succession de gouvernements de droite depuis 2002.

D’amères expériences similaires sous-tendent un large courant en faveur des conservateurs de par l’Europe. Le Financial Times a remarqué le 20 avril, « Dans aucun grand pays européen on ne trouve le principal parti de gauche, qu’il soit au gouvernement ou dans l’opposition, franchement en tête. La prévision Burson-Marsteller pour les élections européennes de juin montre que le parti PPE de centre droit restera le groupe le plus important au parlement européen, même si les conservateurs britanniques et l’ODS tchèque mettent à exécution leur objectif de quitter le PPE. »

Le Financial Times a cité Olaf Cramme, directeur de Policy Network britannique de centre droit : « Malgré l’envergure de la crise du néolibéralisme, les propositions de gauche sur la manière de refaire le capitalisme ne sont pas bien acceptées. Le centre gauche trouve difficile de proposer une alternative crédible à la manière de garantir la richesse et la sécurité. En fait, dans bien des pays les partis conservateurs se sont montrés moins enthousiastes quant à la poussée du capitalisme financier, et plus déterminés que la gauche à réglementer le secteur financier. »

La plus grande part de responsabilité pour ce tournant droitier de la politique européenne retombe sur ce qu’on appelle « l’extrême-gauche », et notamment le NPA. Tout en se présentant comme l’incarnation d’une alternative révolutionnaire aux partis de gauche bourgeois, notamment le PS et le PC, en pratique le NPA a démontré dans les actes son accord fondamental avec la perspective de la gauche bourgeoise. Ceci prive les électeurs de tout moyen d’exprimer une hostilité combative à la politique poursuivie par les partis de la gauche plurielle.

Leurs appels à des grèves bien suivies se fondent sur la prémisse, adoptée aussi par le PC et certaines sections du PS, que les grèves et des appels à la réglementation nationale peuvent introduire une nouvelle ère de solidarité sociale, sous le contrôle de l’Etat. Avec l’intensification de la lutte de classe et le soutien au PS qui faiblit, la crédibilité de cette perspective décline rapidement.

L'indication la plus claire de l'existence de rapports étroits entre « l’extrême-gauche » et la gauche officielle sont les curieuses négociations entre le NPA, le PC et le PG.

Après avoir passé plus de trois décennies dans le PS et occupé des postes ministériels sous Jospin, Mélenchon a crée le PG pour mettre en avant des illusions sur la capacité de la gauche officielle française à se réformer. Après sa fondation en novembre dernier, le PG a proposé un « Front de gauche » pour les élections européennes, comprenant le PC et plusieurs autres plus petits partis petits-bourgeois. La fondation du PG avait aussi pour but d’exercer une influence et de faire pression sur le NPA : avant le congrès fondateur du NPA, Mélenchon avait proposé que le NPA rejoigne le Front de gauche.

Cette proposition avait placé le NPA dans une situation difficile. D’un côté, pour gagner des membres il doit projeter une image radicale et ainsi maintenir un minimum d’indépendance organisationnelle par rapport au PS. Mais d’un autre côté, ses membres sont engagés dans une « lutte unitaire » avec les partis de la gauche officielle contre les partis conservateurs et sa direction travaille en étroite coordination avec les directions du PS et du PC.

Cyniquement, le NPA a résolu cette difficulté en proclamant son indépendance par rapport aux partis du Front de gauche, tout en continuant dans la pratique à travailler avec eux. Ceci s’est accompli au cours d’une division du travail entre Besancenot et Christian Picquet, membre de longue date de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR, prédecesseur du NPA)

Le 20 janvier, Besancenot fit la contre-proposition du NPA : Le NPA s’allierait au Front de gauche, uniquement si l’alliance durait non seulement le temps de la campagne pour les élections européennes, mais aussi le temps de la campagne pour les élections régionales de 2010. Il expliqua : « Si c'est pour faire un coup aux Européennes et qu'au moment des régionales (en 2010), la moitié du front retourne au bercail avec le PS, ça n'aura servi à rien et ça aura été destructeur. »

Besancenot signifia clairement qu’il n’avait pas d’objection de principe à travailler avec les partis du Front de gauche. Mais il présenta le problème comme étant la volonté de maintenir une certaine indépendance par rapport au PS. Le 1er février sur France 5 Besancenot réitéra sa proposition, insistant pour dire « n'avoir pas d'ennemis dans ce camp-là. Il faut que ce soit un front durable » et il ajouta que la « question essentielle d'indépendance vis-à-vis de la direction du PS soit également actée de façon durable. »

Le 2 mars, le NPA rencontra des délégations du PG et du PC pour discuter d’une possible alliance. Le PG et le PC refusèrent de s’engager à faire des listes pour les élections régionales séparées du PS. Le 9 mars, le NPA annonça officiellement qu’il se présenterait séparément aux élections, sans alliance avec le Front de gauche, « En cause le refus du Front de gauche d’exclure toute alliance définitive avec le Parti socialiste pour les élections à venir et notamment pour les régionales. » 

Le 8 mars, le dirigeant de la fraction minoritaire du NPA Christian Picquet annonça qu’il rejoindrait le Front de gauche pour les élections européennes, tout en restant membre du NPA.

Durant les négociations, la fraction de Picquet indiqua, à plusieurs reprises, s’intéresser à une alliance avec le Front de gauche et insista auprès du NPA pour qu’il rejoigne le Front de gauche. Picquet avait expliqué que « les sondages et la popularité de M. Besancenot ne suffisent pas à faire une alternative crédible à gauche. »

Pour justifier sa décision, Picquet dit qu’il était « inenvisageable d'accepter que des intérêts de parti prévalent sur l'intérêt général du peuple de gauche ». Il ajouta qu'il prenait la décision de participer au Front de gauche « en toute responsabilité et en toute conscience » et assura que sa fraction du NPA serait des « partenaires actifs et exigeants » pour le Front de gauche.

Picquet agit avec le soutien tacite de la direction du NPA : Bien que Picquet soit ostensiblement en train de défier la décision du parti sur la question de la participation au Front de gauche, il n’a pas été expulsé du parti ni n’a subi d’action disciplinaire.


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