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WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

Sri Lanka : Le discours de victoire indique une nouvelle attaque contre les travailleurs

Par Wije Dias
21 mai 2009

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Le président sri lankais Mahinda Rajapakse a fait un discours au parlement hier pour proclamer la victoire de l'armée sur les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE.) Rajapakse a cyniquement déclaré que l'armée avait « libéré » le peuple tamoul des griffes des LTTE « terroristes », alors qu'il n'inflige que mort, destruction et misère aux travailleurs, qu'ils soient tamouls, cingalais ou musulmans.

Rajapakse a dit avoir à coeur le sort des civils et « respecter même l'ennemi qui s'est rendu », mais l'assaut final de l'armée contre le dernier retranchement de combattants des LTTE lundi a été un massacre perpétré de sang-froid. Le gouvernement était déterminé à annihiler les principaux dirigeants des LTTE bien que ces derniers aient annoncé être prêts à faire taire leurs armes.

La proposition des LTTE dimanche de mettre fin au combat pour protéger la vie des civils et qui est parvenue de Norvège, a été tout simplement ignorée. Palitha Kohona du ministère des Affaires étrangères a dit aux médias : « La position du gouvernement est claire. La Norvège n'est plus un facilitateur. Les LTTE ont voulu rendre les armes un peu trop tard. » Lundi matin, l'armée a tué plus de 300 personnes, parmi lesquels les principaux dirigeants des LTTE.

Etant donné la présence au parlement des chefs militaires du pays, la plus grande partie du discours de Rajapakse s'est consacrée à féliciter les forces armées, dissimulant les crimes de guerre de son gouvernement et justifiant sa guerre comme étant « une guerre contre le terrorisme ».Vantant la victoire de l'armée, il a déclaré que l'héroïsme de cette dernière était exemplaire pour le « monde entier engagé dans la lutte pour éradiquer le terrorisme ».

Exagérant l'importance des LTTE au point de le qualifier de « massive organisation internationale » Rajapakse a déclaré : « Il n'existait pas d'école militaire dans le monde qui puisse faire face aux stratégies militaires sauvages utilisées par les terroristes des LTTE. Le monde ne connaissait pas la science militaire capable de confronter l'association de mines terrestres, de mines Claymore, de petits bateaux kamikazes, d'avions légers non détectés par les radars et même des ceintures d'explosifs. »

En réalité, la guerre de 26 ans n'avait pas pour but d'éradiquer le « terrorisme » mais de défendre le pouvoir et les privilèges des élites cingalaises. Le programme séparatiste des LTTE, ses attaques contre des civils cingalais et la répression impitoyable des opposants tamouls a certainement aggravé les divisions communautaires et fait le jeu des éléments les plus réactionnaires de l'establishment de Colombo. Mais la responsabilité de la guerre incombe clairement aux gouvernements sri lankais successifs qui ont exploité le chauvinisme anti-Tamoul pour diviser les travailleurs et renforcer leur pouvoir.

La victoire sur ce qui n'était guère plus qu'une armée de guérilla a été obtenue par l'utilisation de sang-froid de l'écrasante supériorité numérique et d'équipement de l'armée afin de terroriser la minorité tamoule du pays et d'écraser les combattants des LTTE. Rajapakse a qualifié les soldats de « héros » et a loué le sacrifice de leur mère, père et épouse, mais le gouvernement et les chefs de l'armée n'ont pas hésité à sacrifier par milliers des jeunes gens qui se sont engagés pour des raisons économiques dans des assauts frontaux sur des positions retranchées des LTTE.

Tous les efforts ont été faits pour créer l'illusion d'une jubilation populaire. Le ministère de l'Éducation a ordonné que tous les établissements scolaires de l'île donnent la possibilité aux élèves de regarder le discours du président. Allant un peu plus loin, certains proviseurs ont encouragé leurs élèves à défiler dans les établissements scolaires, drapeaux nationaux en mains. Le ministère de la Fonction publique a publié une circulaire permettant aux travailleurs de regarder le discours sur leur lieu de travail. Aujourd'hui a été proclamé jour férié.

En fait, à l'exception de manifestations d'extrémistes cingalais, de larges sections de la classe ouvrière n'ont pas exprimé la moindre allégresse concernant une guerre qui a coûté la vie à plus de 70 000 personnes et gâché une génération entière. Nombreux sont ceux qui sont soulagés et espèrent que la fin de la guerre améliorera leur vie mais ne croient guère en ce gouvernement. Parmi les Tamouls, il existe une inquiétude justifiée que la victoire militaire ne fera qu'intensifier le harcèlement et la persécution dont ils sont victimes.

Les promesses de Rajapakse d'aider le peuple tamoul « libéré » et de créer un « Printemps du Nord » sont totalement cyniques. De vastes étendues de la région de Wanni au nord de l'île ont été dépeuplées et sont transformées en friches. Près de 300 000 Tamouls sont considérés comme des prisonniers de guerre et retenus dans des camps de détention surpeuplés et sordides. Depuis le début de l'année, quelque 8000 civils ont trouvé la mort et plus encore ont été blessés, principalement du fait des bombardements aveugles de l'armée.

Le gouvernement sri lankais subit une pression internationale pour trouver une « solution politique » à la guerre et qui proposerait quelques concessions minimales à la minorité tamoule. Mais le président a rejeté « les nombreuses propositions de divers pays et institutions… qui nous demandent de bien nous occuper de notre propre peuple tamoul » et dit que le Sri Lanka est « un pays ayant montré de façon unique par le passé » qu'il prenait soin des vaincus.

Tout en acceptant qu'une solution militaire n'était pas la solution finale, Rajapakse a ajouté de manière significative que « nous pouvons nous rendre compte qu'un document apporté sur un plateau comme solution politique pourrait aussi ne pas être la solution finale ». En rejetant tout document officiel, le président donne le message qu'il n'y aura pas de changements dans la constitution du pays, qui inclut le bouddhisme comme religion d'Etat, ni dans les nombreuses formes de préjugé anti-tamoul qui font partie intégrante du système administratif.

Rajapakse est complètement redevable aux couches extrémistes cingalaises de l'establishment politique et de l'appareil d'Etat, notamment de l'armée. Le président avait mis en place, il y a deux ans et demi, une conférence représentative de tous les partis, pour soi-disant proposer des réformes constitutionnelles afin de répondre aux doléances des minorités. Elle s'est réunie 144 fois sans parvenir à un quelconque accord, principalement parce que le Freedom Party sri lankais de Rajapakse et ses alliés chauvins, le Jathika Hela Urumaya et le National Freedom Front, s'opposent avec véhémence à ce que l'on fasse quelque concession démocratique qui soit aux Tamouls.

L'aspect le plus sinistre du discours de Rajapakse est lorsqu'il a déclaré que la fin de la guerre marquerait le début d'une ère nouvelle de « construction de la nation. » « L'époque soulève à présent un nouveau défi, » a-t-il dit. « C'est le défi de construire la mère patrie. A partir de maintenant, chacun devrait changer conformément à la nécessité de faire face à ce défi aussi. Tout comme j'ai accepté le défi précédent, j'accepte ce nouveau défi aussi. » 

Le gouvernement et le patronat sont tout à fait conscients que le coût de la guerre, ajouté à l'impact de la récession mondiale, ont créé au Sri Lanka une crise économique qui va s'aggravant. « La construction de la nation » veut tout simplement dire que de nouveaux fardeaux économiques draconiens vont être imposés aux travailleurs. Déjà le gouvernement a gelé les augmentations de salaire et les recrutements du secteur public et fait des coupes dans les subventions afin d'obtenir un prêt du FMI d'un montant de 1,9 milliard de dollars américains.

Après avoir demandé aux travailleurs de se sacrifier pour la guerre, Rajapakse insiste maintenant pour que la classe ouvrière « confronte » ce nouveau défi de « construction de la nation ». La même éthique militariste s'appliquera à cette nouvelle tâche. Il a déclaré que la victoire appartenait à ceux qui avaient rejoint le Drapeau national, sacrifié leurs fils à la guerre et « pensé non à leur estomac mais à leur pays ».

Annonçant que la guerre avait à présent « retiré de notre vocabulaire le mot “minorités” » Rajapakse a déclaré : « Il n'y a que deux peuples dans ce pays. L'un, c'est le peuple qui aime son pays. L'autre comprend les petits groupes qui n'éprouvent pas d'amour pour leur pays natal. Ceux qui n'aiment pas leur pays sont maintenant un groupe de moindre importance. »

Ces paroles ne signifient qu'une chose. Quiconque se plaint de n'avoir pas assez de nourriture pour remplir son estomac ou qui proteste contre les demandes de sacrifices à venir au nom de la « construction de la nation » sera considéré comme un traitre. Les remarques de Rajapakse soulignent le fait que ces « deux peuples » dont il parle sont d'un côté les élites riches qu'il représente qui n'ont jamais à s'inquiéter pour les besoins fondamentaux de la vie et de l'autre la vaste majorité de la population qui se bat pour survivre au jour le jour.

Le Socialist Equality Party (SEP, Parti de l'égalité socialiste) prévient que le gouvernement Rajapakse poursuivra sa « guerre économique » de façon tout aussi impitoyable qu'elle a mené son offensive contre les LTTE et les civils tamouls. Durant ces trois dernières années, ceux qui ont critiqué Rajapakse ou sa conduite de la guerre ont été soumis à des menaces, des détentions arbitraires ou des « disparitions » entre les mains d'escadrons de la mort pro-gouvernementaux. Avec la complicité des bureaucraties syndicales et des partis de « gauche », Rajapakse et ses ministres ont dénoncé les travailleurs qui faisaient grève et dit qu'ils aidaient les « terroristes des LTTE ».

Travailleurs, jeunes, étudiants et intellectuels doivent rejeter cette nouvelle « guerre économique » qui défend les intérêts de l'élite patronale et organiser une contre-offensive politique en vue de lutter pour leurs propres droits, besoins et aspirations fondamentaux. Cela ne peut se faire que sur la base du programme de l'internationalisme socialiste, pour unifier la classe ouvrière du Sri Lanka et de toute la région contre les exigences prédatrices de la classe capitaliste. Le SEP est l'unique parti qui lutte pour cette perspective.

(Article original anglais paru le 20 mai 2009)


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