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WSWS : Nouvelles et analyses : Economie mondiale

Rapport d'ouverture de Nick Beams à l'université d'été du PES

Le krach de 2008 et ses implications révolutionnaires

Quatrième partie

Par Nick Beams
19 mars 2009

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L'article qui suit est la quatrième partie et la conclusion du rapport d'ouverture de Nick Beams, secrétaire national du Parti de l'égalité socialiste (Australie) et membre du Comité de rédaction du WSWS, lors de l'université d'été organisée par le PES en janvier 2009 à Sydney. Pour accéder aux autres parties : 1, 2, 3

Il découle de notre appréciation des origines de la situation actuelle qu'il ne faut rien de moins qu'une révolution socialiste internationale pour surmonter la crise du mode de production capitaliste et, de plus, que c'est le seul moyen d'empêcher l'humanité de sombrer dans une catastrophe. Cette conception est au centre de notre lutte pour développer la conscience politique de la classe ouvrière.

La bourgeoisie a connu un effondrement idéologique dévastateur. Toute l'idéologie du « libre marché » sur laquelle elle s'appuyait pour lancer ses attaques contre la classe ouvrière durant les trente dernières années est en lambeaux. En conséquence, nous sommes témoins d'une tentative désespérée de créer l'illusion qu'une solution à cette crise existe dans le cadre du capitalisme. Divers économistes keynésiens, « de gauche », et même des soi-disant marxistes, sont mobilisés dans cet objectif. Et au-delà, la bourgeoisie cherche activement à cultiver de nouveaux appuis parmi les divers groupes radicaux.

Sur le front économique, une déclaration signée par vingt économistes « de gauche » et publiée le premier janvier, sous les auspices du Centre Schwartz pour l'analyse d’économie politique de la New School et de l'Institut d'économie politique, basé à l'Université du Massachusetts, en est un exemple typique.

Cette déclaration commence par avertir ses lecteurs que le monde n'a pas été confronté à une crise économique comparable à celle-ci depuis la Grande Dépression, avec une série de pressions à la baisse de la part des marchés financiers ayant des conséquences sur l'économie réelle et faisant échouer les stabilisateurs économiques et les institutions :

« Une action rapide et coordonnée de l'administration Obama, des autres gouvernements nationaux et des institutions financières internationales peut détourner le cours de ces crises si l'action vise audacieusement à répondre aux besoins des gens et des communautés, au lieu de sauvegarder les institutions en échec et les pratiques du passé qui ont contribué à créer cette crise. »

Ces « gens de gauche » voudraient présenter Obama comme une sorte de nouveau Roosevelt. Mais le capitalisme américain se trouve dans une situation entièrement différente d'il y a 75 ans. Lorsque Roosevelt est entré en fonction en 1933, les États-Unis étaient encore une puissance économique en expansion. Ce n'est plus le cas. Aujourd'hui, ils sont le pays le plus endetté au monde. Obama a promis de donner une impulsion à la dépense, censée profiter surtout aux entreprises, mais dans des conditions où le taux d'endettement américain menace d'exploser, il a dit clairement qu’on s’attaquerait aux droits à la protection sociale.

Une déclaration similaire a été publiée en septembre dernier par un groupe qui porte le nom d’Économistes européens pour une politique économique d’alternative. Comme leurs homologues américains, ils affirment que leurs recommandations économiques s'appuient sur les analyses avancées par Keynes pendant la dépression des années 1930 :

« Nos propositions pour une politique économique d’alternative, qui puisse contrer la crise financière et la récession qui menace l’Europe, partent de la conception bien connue de John Maynard Keynes selon laquelle les politiques publiques doivent encourager « l'euthanasie des rentiers […] Dans un scénario d’alternative, le crédit ne devrait pas être employé pour des gains financiers à court terme mais plutôt pour encourager l'investissement productif afin de promouvoir le plein emploi et de contribuer à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion. »

Ces économistes poursuivent en traçant les grandes lignes d'une série de réformes, dont la fin de la privatisation des retraites, un contrôle plus démocratique sur les institutions financières et la fin de ces pratiques financières qui ont accéléré le mouvement vers une plus grande inégalité sociale. Des politiques visant au plein emploi et à la cohésion sociale « [transformeraient] la finance et incluraient, en tant qu’élément important et indispensable, le secteur financier dans ce nouveau cadre. Ce ne serait pas la fin du capitalisme mais la fin du capitalisme à moteur financier. »

L'erreur fondamentale de ce programme réformiste tient à ce qu'il part du principe que la vaste expansion de la finance au cours des trente dernières années est en quelque sorte une excroissance malencontreuse qui s'est développée sur une économie réelle tout à fait saine par ailleurs ; que l'on a perdu le contrôle de la finance, supposée fonctionner comme une aide aux activités économiques productives, à cause de réglementations laxistes et de l'idéologie néo-libérale et qu'il faut maintenant la reprendre en mains.

Ce point de vue ignore les grands changements structurels du capitalisme mondial ces trente dernières années. Au début des années 1980, le secteur financier aux États-Unis s'appropriait entre 5 et 10 pour cent des profits des entreprises. En 2006, ce taux était de 40 pour cent. Cela constitue un changement qualitatif de l'économie américaine. Il s'est développé en réponse à la crise de l'accumulation de la fin des années 1970. Ce nouveau mode d'accumulation s'appuyait sur des opérations financières alimentées par une vaste croissance de la dette. En pourcentage du Produit intérieur brut (PIB), la dette américaine est montée de 163 pour cent en 1980 à 346 pour cent en 2007. Les dettes des ménages sont elles, passées de 50 pour cent du PIB en 1980 à 100 pour cent en 2007.

L'augmentation la plus rapide s'est produite dans le secteur financier. Ses dettes sont passées de 21 pour cent du PIB en 1980 à 83 pour cent en 2000 et 116 pour cent en 2007.

Ces chiffres indiquent le rôle crucial du secteur financier dans l'accumulation du profit et le rôle de la création de dettes dans tout le processus. Cette transformation du mode d'accumulation, qui a généré toute une série de nouveaux instruments financiers, notamment les produits dérivés, n'est pas confinée aux États-Unis. En Grande-Bretagne, par exemple, on estime que l'emploi dans le secteur financier a augmenté de 22 pour cent depuis 1984. Il y a 30 communes en Grande-Bretagne où au moins 25 pour cent des travailleurs qui y vivent sont employés dans le milieu des affaires et des services financiers. 9 des 11 régions britanniques ont au moins une commune où 20 pour cent des résidents travaillent dans ces services.

Une étude publiée en 2003 a établi que dans la plupart des pays de l'OCDE, la part des revenus de la rente – les revenus qui partent vers le secteur financier – a « augmenté de manière importante ». Elle a établi que des années 1960-70 aux années 1980-90, la part des rentiers au Royaume-Uni a augmenté de 143 pour cent, de 92 pour cent aux États-Unis, de 112 pour cent en Corée et de 155 pour cent en France.

Loin d'être une sorte d'excroissance sur le corps, par ailleurs sain, de l'économie capitaliste, la croissance de la finance signifie l'émergence de toutes les contradictions inhérentes à ce mode de production. Le circuit du capital va de M à M' – un apport d'argent initial, M, qui revient avec une plus-value, M'. Le capital-argent est le point de départ et le point d'arrivée de tout le processus.

« C'est précisément parce que la forme argent de la valeur est la forme indépendante et concrète sous laquelle il apparaît, que la forme de circulation de M à M', qui commence et se termine avec de l'argent réel, exprime le plus concrètement la création de monnaie, la force motrice de la production capitaliste. Le processus de production apparaît simplement comme une étape intermédiaire inévitable, un mal nécessaire pour créer de l'argent. » (Marx, Capital Tome 2, p. 137).

En d’autres mots, ce n’est pas la finance qui est accidentelle vis-à-vis de la production réelle, mais bien plutôt la production qui, comme l’écrit Marx, est un « simple moyen de valorisation de la valeur avancée ».

C’est pourquoi la crise historique du système capitaliste dans son ensemble prend l’apparence d’une crise financière, parce que le processus même de la financiarisation a donné à toutes les contradictions du mode de production capitaliste une nouvelle et extrême intensité.

L’ascension de la finance a été inséparable du développement d'un régime d'accumulation qui a intégré toutes les sections de la population du globe dans le circuit capitaliste mondial.

Dans la première décennie du vingtième siècle, Rosa Luxembourg a, par erreur, envisagé que le capitalisme s'effondrerait parce que toutes les régions non capitalistes du monde avaient été incorporées par les puissances impérialistes.

Bien que son évaluation ait été erronée sur ce point, l'histoire a incontestablement confirmé son insistance sur le rôle crucial des régions du monde les moins développées.

Le capital parvint à surmonter la dernière crise d'accumulation par l'incorporation du travail à bas salaires en Chine, en Inde et dans d'autres régions dans son circuit mondial. Mais, ce faisant, il n'a pas résolu ses contradictions fondamentales. Il a plutôt créé les conditions de leur éruption sous une forme encore plus explosive. La tendance à la baisse du taux de profit a été contrée pour un temps par la surexploitation du travail en Chine et ailleurs, ainsi que par la baisse du niveau de vie de la classe ouvrière dans les tous les pays avancés au cours des 30 dernières années.

Mais ce processus, à son tour, a créé une vaste masse de capital fictif, qui prétend à sa part de la plus-value accumulée. Comment va-t-on satisfaire ces prétentions ? Il n'y a pas d'autre Chine en attente pour envoyer du sang frais dans les artères du capitalisme, et même s'il y en avait une, le regain obtenu en employant des travailleurs coûtant un trentième de ce que coûtent ceux des pays avancés ne pourrait pas être répété.

Des sections entières du capital vont devoir être éliminées par la récession et la dépression, par la guerre commerciale et, si besoin, mécaniquement par une véritable guerre. Et partout dans le monde, les « gens de gauche » vont jouer un rôle majeur en soutenant leur « propre » bourgeoisie dans la guerre de chacun contre tous.

Les préparatifs idéologiques sont déjà en route. Le dernier numéro du The Nation [magazine politique de référence du camp démocrate, ndt] contient un article de William Greider, qui fait remarquer qu'un plan de relance par un pays seul ne marchera pas parce que « l'obstacle le plus complexe au rétablissement est la mondialisation et ses effets négatifs sur l'économie ». Le plan de relance d'Obama, toujours selon Greider, pourrait faire redémarrer les usines en Chine tout en laissant un chômage élevé aux États-Unis.

Quelle est la réponse adéquate ? Un plan de relance mondial. Mais que faire si les autres puissances ne sont pas d'accord ? « Les États-Unis pourraient en proposer les grandes lignes avec une condition fondamentale : si les partenaires commerciaux ne sont pas prêts à agir ensemble, Washington devra agir unilatéralement. »

Autant pour les critiques « de gauche » de George W. Bush. Et en quoi consisterait ce programme ? Des pénalités douanières et des politiques économiques incitant les multinationales à maintenir leur production au pays, qu'il faudra mettre en application par un régime fiscal adapté et « Si nécessaire, un tarif général qui impose une limite maximale aux importations. » C'est le retour au pré carré – le retour à la politique du  « ruine ton voisin ».

Ce n'est pas par hasard si l'effondrement du capitalisme a émergé sous la forme d'une crise financière globale. Comme l'expliquait Marx, le système de crédit est le moyen par lequel le capitalisme a toujours surmonté les difficultés de son développement. Ainsi, le crédit « accélère le développement matériel des forces productives et la création du marché mondial, qu’il est de la responsabilité du mode de production capitaliste d’amener à un certain niveau de développement, pour constituer les fondations matérielles d'une nouvelle forme de production. En même temps, le crédit accélère les manifestations violentes de cette contradiction, les crises, et avec celles-ci les éléments de dissolution du vieux mode de production. »

« Le système de crédit a un double caractère qui lui est inhérent : d'une part, il développe la motivation pour la production capitaliste, l'enrichissement par l'exploitation du travail des autres, en le système le plus pur et le plus colossal du jeu et de l’escroquerie, il réduit encore plus le nombre déjà petit des exploiteurs de la richesse sociale ; d'autre part, il est la forme de transition vers un nouveau mode de production. »

Où en sommes-nous du point de vue historique ? Il ne fait aucun doute que l'année 2008 marque un tournant dans la courbe du développement capitaliste. Ce n'est pas qu'une sorte de récession très profonde, mais la fin de toute une époque historique. L'effondrement historique du mode de production capitaliste signifie que nous sommes à nouveau entrés dans une période de guerres et de révolutions.

Toutes sortes de luttes sociales et politiques vont avoir lieu sur l’ensemble du globe. Cela créera de nouvelles opportunités et de nouveaux défis pour notre parti.

Notre tâche centrale pour la période à venir est d'introduire dans ces luttes une perspective marxiste, s'appuyant sur l'analyse développée par notre mouvement, et par lui seul, des leçons historiques des expériences stratégiques de la classe ouvrière tout au long du siècle passé.

fin


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