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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Quelle orientation politique derrière la manifestation du 19 mars ?

Par Alex Lantier
19 mars 2009

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 Les manifestations organisées le 19 mars en France par la bureaucratie syndicale contre la crise économique mondiale posent, de la manière la plus nette, la question de la perspective de classe. Bien que la colère des millions de travailleurs qui y prennent part soit légitime, ces manifestations sont une fraude politique perpétrée par les syndicats et les partis bourgeois de gauche contre les travailleurs. Leur objectif primordial est de trouver un exutoire à la résistance populaire contre la crise et la politique du président Nicolas Sarkozy.

 Un immense fossé de classe sépare la journée d’action organisée par les syndicats et soutenue par les partis de gauche bourgeois et petits-bourgeois, et la colère sociale de la classe ouvrière. Une journée d’action isolée, même si elle est suivie par des millions de travailleurs, est tout à fait acceptable pour la bourgeoisie tant qu’elle sait que les syndicats vont garder la direction politique de ce mouvement. 

 Par ailleurs ce que Bernard Thibault, le dirigeant de la CGT appelle un « ras-le-bol général » est la profonde opposition des travailleurs à toute tentative de résoudre la crise sur leur dos. Avec des dizaines de millions de travailleurs qui perdent leur emploi de par le monde, la baisse annuelle de 10 à 40 pour cent de la production industrielle et du commerce de toutes les principales économies, et cinquante mille milliards de dollars de richesse anéantis de par le monde sur les marchés boursiers et de par l’effondrement des marchés immobiliers, il ne fait pas de doute que les travailleurs sont confrontés à une crise historique du capitalisme. Le refus des travailleurs de payer pour la crise les fait entrer en collision politique avec le phénomène des banques insolvables, des suppressions d’emplois annoncés par les PDG suite aux prévisions de faillites d’entreprises. Ceci pousse les travailleurs à entrer en conflit avec les représentants du grand capital dans les partis bourgeois. 

 La crise assène un coup dévastateur à la légitimité de la politique française, politique qui, au cours de cette dernière décennie, a, en grande partie, consisté à négocier des attaques contre les acquis sociaux entre le gouvernement, la CGT et d’autres syndicats. 

 Le plan de sauvetage des banques, de 360 milliards d’euros, organisé l’année dernière à la hâte par Sarkozy expose le caractère de classe de cette politique qui est dictée non pas par le manque de fonds mais par les intérêts de profit du capital. Mais ce n’est là qu’un exemple parmi toute une série de provocations à l’encontre des travailleurs, la dernière en date étant l’annonce faite par le géant pétrolier Total de licencier, en raison d’une activité économique en berne en France, plus de 500 salariés de l’entreprise malgré des bénéfices de 14 milliards d’euros. 

 Le niveau des tensions de classe objectives est démontré par le déclenchement d’une grève générale de plusieurs semaines dans les départements français d’outre-mer, notamment en Martinique et en Guadeloupe contre le prix élevé des carburants, la baisse du pouvoir d’achat et la poursuite de la domination de l’économie par des familles békés, les anciens colons propriétaires d’esclaves. 

 Contrastant avec la montée explosive de la résistance de la classe ouvrière, les syndicats ont adopté une politique fondamentalement pro-capitaliste et caractérisée par la prestation de Thibault lors de son interview télévisée du 11 mars sur TF1 avec Christophe Barbier. En dépit de l’attitude manifestement téméraire et irresponsable des banques et des agences de prêts et qui a débouché sur la crise financière, Thibault a refusé de dire s’il était pour la nationalisation des banques et d’autres entreprises bénéficiant de fonds de renflouement. Il a nié l’existence de projets d’une grève générale, se contentant de dire qu’il y avait un « mouvement ». 

 La politique réactionnaire des syndicats vient de leur étroite collaboration avec l’Etat. Après des négociations informelles entamées dès le début de la présidence de Sarkozy en 2007, les syndicats ont fini par élaborer la Position commune avec Sarkozy en avril 2008. En échange du financement de la CGT et d’autres grands syndicats, les syndicats ont accepté de réduire les retraites, de supprimer la semaine de 35 heures et ont entériné d’autres réformes antisociales qui ont été appliquées en juillet dernier. La réaction des travailleurs a été un taux d’abstention record de 74 pour cent lors des élections prud’homales en décembre dernier. 

 Les syndicats ont maintenu leur appel à l’actuelle grève du 19 mars suite à la réunion au sommet du 18 février avec Sarkozy, laquelle faisait suite à la dernière « journée d’action » des syndicats, le 29 janvier. Lors du sommet social, les syndicats avaient jugé « trop parcellaire » la politique gouvernementale sur le salaire minimum et les emplois du secteur public. 

 La bourgeoisie sait bien que le refus des syndicats d’organiser une lutte politique contre le gouvernement est son principal atout pour traverser la crise. Dans Le Monde, le commentateur Michel Noblecourt appelle la CGT « un colosse aux pieds d'argile » et ajoute : « Avant le 19 mars, tous récusent une transposition [à la métropole] de ce qui s'est passé à la Guadeloupe. Pour organiser et canaliser le “ras-le-bol général”, les syndicats veulent résister à la tentation politique qui les verrait constituer un front anti-Sarkozy pour capter une hostilité à la politique — et parfois à la personne — du président de la République qui agit comme un aiguillon dans les “manifs”. » 

 La collaboration des syndicats avec la bourgeoisie n’est pas juste une décision politique, ou uniquement le reflet de leur interpénétration avec la machine d’Etat française dont ils dépendent financièrement. C’est avant tout l’expression de leur réformisme politique qui cherche à obtenir des augmentations de salaire et à défendre les emplois non pas par une lutte révolutionnaire contre le capitalisme, mais en « pesant sur » la politique du gouvernement français. 

 Cette orientation réformiste s’est exprimée de façon particulière et peu ragoûtante dans l’appel conjoint à la journée d’action du 19 mars, lancé par une coalition de partis, dont le Parti socialiste (PS), le Parti communiste (PC), le Parti de Gauche (PG) et le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) d’Olivier Besancenot. La déclaration applaudit la « victoire des Guadeloupéens » dans l’obtention de 200 euros mensuels d’augmentation de salaire, bien que le Medef de Guadeloupe n’ait toujours pas formellement accepté l’accord. 

 Cette déclaration commune lance un appel à Sarkozy : « Si la grève en Guadeloupe a fini par être entendue, la surdité du président de la République, du gouvernement, et du Medef à l'égard des revendications que la journée d'action unitaire du 29 janvier et les grèves dans l'ensemble des Antilles et à l'île de la Réunion ont portées, continue. » 

 Cette déclaration révèle la signification politique objective de la création du NPA qui a remplacé la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et jeté aux orties ses références antérieures au trotskysme. En fondant le NPA, la LCR a apporté la dernière touche à sa transformation en un parti bourgeois de gauche. Son étiquette « anticapitaliste » fournit à présent au NPA une plus grande marge de manoeuvre, tandis qu’il coopère avec le PS et d’autres éléments de l’establishment français pour revendiquer auprès de Sarkozy des augmentations de salaire et pour bloquer l’opposition de la classe ouvrière qui entre en conflit avec l’ordre capitaliste en crise. 

 Une telle perspective est à contre-courant de l’histoire. Il y a dans l’histoire de France en particulier de nombreuses expériences amères qui démontrent que la tâche fondamentale de la classe ouvrière n’est pas une lutte utopique pour obtenir des augmentations de salaire, mais plutôt la lutte pour le contrôle par la classe ouvrière de l’économie sur des bases socialistes et internationalistes. 

 Les augmentations de salaire, par lesquelles la bourgeoisie française a stabilisé les crises révolutionnaires, aidée en cela par les trahisons des socialistes et du PC, ont invariablement été suivies de défaites majeures pour la classe ouvrière. L’effondrement du gouvernement de Front populaire de 1936-1938, après la défaite des dernières vagues de grèves de 1938, a rapidement été suivi par la capitulation de la bourgeoisie française devant les nazis et sa collaboration avec eux. Les augmentations de salaire de 1968 ont conduit à une spirale inflationniste, les patrons augmentant les prix pour protéger les profits, qui a été finalement stoppée par la politique d’austérité du président PS François Mitterrand en 1983 et qui a posé les bases de la désindustrialisation du pays.

 Les journées d’action, même celles qui mobilisent un grand nombre de travailleurs ou celles qui obtiennent partiellement satisfaction aux revendications salariales, ne poseront pas les bases de la prospérité économique. Les travailleurs doivent construire un parti politique sur des principes trotskystes, c'est-à-dire ceux du marxisme révolutionnaire, afin de lutter pour mettre fin au système capitaliste. Le Comité international de la Quatrième Internationale appelle les travailleurs, les intellectuels et les jeunes de France à lire le World Socialist Web Site et à lutter pour construire en France une section du CIQI.


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