Plusieurs millions de travailleurs et de jeunes sont descendus
dans les rues de 213 villes dans toute la France pour s’opposer à l’augmentation
de la pauvreté, au chômage qui s’accroît rapidement et à la politique
d’austérité du gouvernement impliquant des attaques contre les services
sociaux.
Les sondages d’opinion ont révélé qu’entre 72 et 78 pour cent
de la population française approuvent cette journée d’action.
Cette journée
d’action s’est déroulée dans un contexte de crise économique et de récession
mondiale la plus grave depuis les années 1930, et qui frappe toujours plus
durement l’économie française et les emplois. Les prévisions de pertes
d’emplois pour 2009 sont de l’ordre de 400 000. Dans le numéro d’hier du
quotidien économique Les Echos, l’économiste Pierre Ferracci, président
du groupe Alpha, cabinet de conseil aux comités d’entreprise, fait une mise en
garde, « Nous pensons que la poussée du chômage n'en est qu'à ses débuts.
Au deuxième trimestre, si on n'y prend pas garde, on va devoir faire face à un
déferlement de plans sociaux impressionnant. »
Comme à l’accoutumée, il y avait des différences importantes
entre les chiffres de la police et ceux des syndicats concernant le nombre de
participants à la journée d’action. Mais les deux sources s’accordent sur le
fait que la participation massive dans les rues ce 19 mars a dépassé celle du
29 janvier. Malgré une légère diminution des grévistes dans le secteur public,
la réponse a encore une fois été massive.
Selon les chiffres de la CGT, il y avait 350 000
manifestants à Paris contre 85 000 pour la police ; à Marseille
320 000 (30 000 pour la police), à Grenoble 60 000 (34 000
pour la police), à Angoulême 25 000 (14 000 pour la police). Le total
pour les syndicats est de trois millions (1,2 million pour la police) contre
2,5 millions le 29 janvier.
Les chiffres fournis par les ministères pour les 5,2 millions
de travailleurs du service public sont les suivants : 17,5 pour cent à
Electricité de France (EDF), 35,9 pour cent aux chemins de fer (SNCF), 20 pour
cent à la Poste, 35 pour cent dans l’enseignement primaire et 24,5 pour cent
dans le secondaire.
Les universités, dont les étudiants et enseignants-chercheurs
sont en grève, occupent et bloquent les locaux depuis près de deux mois,
étaient fermées un peu partout en France. Le syndicat étudiant, UNEF a fait
état le 11 mars de 70 universités en grève et de 25 universités totalement ou
partiellement bloquées. De nombreuses assemblées générales avaient décidé la
veille de fermer les campus pour la journée d’action.
La mobilisation des travailleurs de la distribution, qui font
partie des couches de travailleurs les moins payés et les plus exploités, aux côtés
des travailleurs de l’éducation et de la santé ainsi que des travailleurs
d’usines, est un phénomène qui se répand. A Paris, un contingent de
travailleurs de McDonald manifestant contre leurs conditions de travail et
exigeant des hausses de salaire tenaient une banderole sur laquelle on pouvait
lire : « Nous ne sommes pas de la viande hachée. »
Cette mobilisation témoigne de la détermination des
travailleurs à résister aux attaques contre les emplois et les acquis sociaux.
Les syndicats qui ont organisé ces protestations ne mettent cependant
pas en avant un programme visant à empêcher la cascade de fermetures, de mises
au chômage technique et de licenciements qui affectent tout particulièrement
l’industrie automobile et ses équipementiers (Continental, Dunlop-Firestone et
bien d’autres). Etant donné qu’ils défendent le système capitaliste, les
syndicats ne peuvent proposer qu’une perspective consistant à faire pression
sur le gouvernement pour qu’il fasse quelques concessions à son programme
d’austérité. Le premier ministre François Fillon a dit clairement qu’il
n’ajouterait pas un centime de plus au plan de relance d’urgence de 2,6
milliards, rejeté par les syndicats au motif qu’il est absolument inadéquat et
ne leur permettra pas de canaliser les travailleurs derrière eux.
Dans Le Figaro du 16 mars on peut lire, « Si l’exécutif
compte sur le sens des responsabilités des syndicats pour modérer leurs
revendications, leur inquiétude a pris une nouvelle dimension avec la montée
des révoltes plus localisées. »
Comme lors de la grève du 29 janvier, le Parti socialiste (PS)
a mobilisé de petits contingents pour les manifestations du 19 mars. L’ancienne
candidate du PS à l’élection présidentielle Ségolène Royal, feignant
l’indignation face à l’intransigeance de Sarkozy a dit, « Aujourd'hui, nous avons des responsables syndicaux
extrêmement responsables. »
Les travailleurs et les jeunes interviewés par le WSWS lors
des manifestations ont fait part de leur scepticisme quant à l’efficacité des
actions de protestation et de leurs doutes quant à la volonté ou la capacité
des syndicats à lutter contre la crise et le système capitaliste qui la
produit.