Les propositions de « réforme » des
soins de santé qui sont en train d’être élaborées par le gouvernement Obama
sont subordonnées, au même titre que le moindre élément de sa politique, aux
intérêts de l’élite patronale et financière. Pour cela, elles ne sont pas
seulement inadéquates, mais elles sont réactionnaires et ne feront qu’à
approfondir la crise de la santé aux Etats-Unis.
La nature de l’agenda politique du
gouvernement a été exposée dans les remarques faites jeudi par le président
lors d’une réunion de la Business Roundtable, une association de chefs
d’entreprise des principaux groupes américains. Au moment où l’économie
américaine et mondiale entrent dans une dépression aux dimensions historiques
et causée par la folie spéculative de l’élite dirigeante, Obama insiste pour
dire que le libre marché est « le moteur même du progrès américain, une
source de prospérité qui n’a pas son pareil dans l’histoire de
l’humanité ».
La crise économique, a dit Obama, ne doit pas
inciter à « remplacer l’entreprise privée », mais devrait plutôt être
considérée comme une incitation à créer « les conditions pour que
s’adaptent et prospèrent des milliers d’entrepreneurs et de nouvelles
entreprises ». Obama a proclamé son espoir que les affaires deviennent
plus rentables en précisant que son gouvernement serait plein de sollicitude
envers les besoins et les craintes de l’élite patronale. Ces remarques ont été
accueillies par des réactions chaleureuses et enthousiastes de la part des PDG
présents.
Ce sont ces intérêts sociaux qui détermineront
le contenu de la politique de santé du nouveau gouvernement. Parlant des soins
de santé, Obama a montré clairement que sa préoccupation fondamentale était de
faire baisser les coûts de façon à ce que les entreprises deviennent plus
compétitives. L’« explosion du coût de la santé », a-t-il dit,
contribue à faire « couler nos meilleures entreprises ou met à rude
épreuve vos objectifs de rentabilité. »
Afin de coïncider avec l’apparition d’Obama,
le Business Roundtable a publié jeudi un rapport, le « Care Value
Comparability Study » (étude comparative sur les questions de santé). Le
rapport décrit un « mauvais rapport qualité-prix » auquel les
entreprises américaines sont confrontées par rapport à leurs rivaux au Canada,
au Japon, en Allemagne, au Royaume-Uni et en France. Selon les PDG, les
entreprises américaines dépensent trop d’argent en soins de santé pour des
résultats moins bon en termes de santé pour les travailleurs américains.
Obama s’est déclaré réceptif à toutes sortes
de propositions droitières destinées à réduire les coûts. Durant la partie
questions-réponses de la réunion, un PDG a indiqué le besoin d’une
« réforme de l’assurance médicale », c’est-à-dire, la réduction de la
capacité des consommateurs à poursuivre en justice des prestataires médicaux et
des compagnies d’assurance négligents et d’une réforme des remboursements de Medicare
[système public d’assurance-santé pour les plus de 65 ans]. Obama a laissé
entendre qu’il soutenait ces deux idées.
Jusque-là, les propositions du gouvernement
relatives à la santé ont été décrites dans les termes les plus vagues. Et ceci
pour des raisons bien définies. Obama cherche un processus pour laisser tomber
ses promesses électorales relatives aux soins de santé. Dans le même temps, il
veut montrer clairement que les intérêts du patronat auront le dernier mot
quant à la structuration de tout nouveau programme.
L’événement de jeudi a coïncidé avec une série
de forums régionaux sur la santé, y compris un forum qui s’est déroulé dans le
Michigan le même jour et après un sommet qui s’était tenu la semaine passée à
la Maison-Blanche. L’objectif de ces réunions est de rassembler des politiciens
des deux partis avec des personnalités importantes du monde des affaires
américain, y compris de la santé et des assurances, afin d’élaborer des
propositions qui amélioreront la rentabilité des entreprises américaines.
Parmi les participants les plus actifs
figurent des représentants de l’industrie, y compris Karen Ignani, le président
de l’America’s Health Insurance Plans, Richard Umbdenstock, le président
de l’American Hospital Association et Billy Tauzin, le directeur du Pharmaceutical
Research and Manufacturers of America. Au cours de la durée de son mandat
de membre du Congrès de la Louisiane, d’abord en tant que démocrate de droite,
puis comme républicain, Tauzin avait promu assidûment les intérêts des géants
de l’industrie pharmaceutique.
Selon un article paru le 6 mars dans le New
York Times, ces trois individus sont également des personnalités influentes
au sein d’un groupe connu comme le Healthcare Reform Dialogue qui
développe les recommandations pour le gouvernement Obama. Le Times a
remarqué que deux syndicats avaient quitté la coalition après qu’il était
ressorti clairement que même leurs propositions de réformes excessivement
limitées ne feraient pas l’objet d’une audition.
Participent également aux discussions des
individus qui avaient mené la campagne visant à torpiller les tentatives du
gouvernement Clinton pour une modeste réforme de la santé, dont Chip Kahn, le
président de la Federation of American Hospital Systems.
Il ressort aussi qu’un certain nombre de
propositions seront abandonnées qui figuraient, il y à peine quelques semaines
encore, à l’ordre du jour de la campagne électorale d’Obama, dont un programme
limité d’assurance géré par le gouvernement et une mesure qui obligerait les
patrons à payer davantage pour les soins de santé. D’autres propositions plus
extensives, telle la mise en place d’un programme universel d’assurance maladie
où tous les paiements sont versés par un guichet unique (« single payer
system ») a été complètement exclu de la discussion.
Contrairement à de nombreux pays
industrialisés, les Etats-Unis n’ont jamais mis en place un système de
couverture maladie universelle ou d’aide médicale. Quelque 50 millions
d’Américains ne sont pas du tout assurés, tandis que des dizaines de millions
d’autres sont assurés de manière insuffisante. La plupart des travailleurs qui
sont en mesure d’avoir une couverture maladie le sont par leurs employeurs ou
par Medicare ou Medicaid, des programmes fédéraux fournissant une assurance
maladie pour personnes âgées ou à faible revenu. D’autres
sont obligés de contracter des assurances privées très chères.
En pleine crise économique croissante, les
employeurs sont désireux de limiter les coûts en réduisant les remboursements
des soins de santé ou en supprimant complètement les programmes d’assurance de
l’entreprise. Il est très probable que le programme développé par le
gouvernement Obama remplacera cela par un subventionnement partiel de
l’assurance privée. Ce sera une perte de temps pour les compagnies d’assurance
et permettra aux entreprises de réduire ou d’éliminer la couverture maladie de
leurs salariés tout en obligeant les travailleurs à payer plus pour une moindre
couverture de soins.
Dans le même temps, le gouvernement Obama a
fait connaître son intention de faire baisser le coût des principaux programmes
auxquels les gens ont droit et qui sont financés par le gouvernement, la
sécurité sociale, Medicare et Medicaid.
Une véritable solution à la crise de l’aide
médicale doit débuter par la nécessité d’éliminer l’emprise de la motivation du
profit au-dessus des besoins sociaux les plus basiques. Chaque année, des
dizaines de milliers de personnes aux Etats-Unis et des dizaines de millions de
par le monde meurent en raison de problèmes de santé évitables. Le système
capitaliste empêche que les progrès énormes de la technologie et ceux accomplis
par la médecine au cours de ces quelques dernières décennies soient mis à la
disposition de tout le monde.
Le programme du Parti de l’égalité socialiste
revendique la transformation des hôpitaux, des entreprises pharmaceutiques et
des compagnies d’assurances en services publics placés sous contrôle
démocratique afin de créer un système de soins de santé fonctionnant sur la
base des besoins humains et non pour le profit. Des soins de santé de qualité
doivent être mis à disposition de tout un chacun, c’est un droit démocratique.