Le gouvernement des
Etats-Unis a jusqu’à ce jour offert quelque 300 milliards de dollars des
contribuables à plus de 400 banques sous le Plan de sauvetage des actifs à
risque (TARP) voté par le Congrès en octobre dernier. Ces apports de liquidités
ne sont qu’une partie d’un engagement bien plus large de fonds publics, y
compris des garanties de paiement, des prêts préférentiels et d’autres
subventions dont on estime que le total se situe entre 7 billions $ et 9
billions $.
Malgré cette aide, les pertes
des banques américaines s’aggravent et l’on pense qu’elles s’aggraveront
davantage avec la récession mondiale qui continue à se développer et le chômage
qui monte en flèche, minant des billions de dollars d’actifs adossés à des
prêts personnels et au secteur immobilier commercial. Déjà, quatorze banques
ont été saisies cette année par les autorités étatiques et fédérales, après la
faillite de 25 institutions en 2008. On croit que près de 1000 institutions
bancaires vont faire faillite au cours des cinq prochaines années.
L’administration Obama a
réagi en annonçant un nouveau plan de sauvetage, pratiquement illimité, qui va probablement
demander des billions de dollars supplémentaires aux contribuables. Néanmoins,
l’élite financière n’est pas satisfaite, elle qui ne souhaite rien de moins que
des garanties à toute épreuve que sa richesse et son pouvoir vont demeurer intacts
devant la crise qui a été précipitée par ses propres politiques spéculatives.
Les actions des banques ont continué de chuter depuis que le secrétaire au
Trésor Timothy Geithner a annoncé le plan de sauvetage financier de
l’administration le 10 février.
Face à ce désastre qui
continue de s’aggraver, on trouve dans le débat public officiel de plus en plus
de discussions sur la possibilité que certaines grandes banques puissent
devenir propriétés du gouvernement. La menace de la « nationalisation »
fait maintenant les manchettes.
En réponse à cela,
l’administration Obama a déclaré à maintes reprises qu’elle privilégiait la
propriété privée des banques et exprimé son aversion pour le contrôle
gouvernemental. Au même moment, elle s’est vue forcée par la crise financière
d’annoncer des mesures qui vont augmenter la participation du gouvernement dans
les grandes banques, notamment Citigroup.
Et cela malgré les efforts
tortueux de son administration et de celle de son prédécesseur, George Bush, pour
structurer le sauvetage des banques de telle sorte que la propriété et le
contrôle gouvernementaux soient limités au maximum, afin de protéger les
investissements des grands actionnaires et obligataires.
Lundi dernier,
l’administration a annoncé un nouveau plan au moyen duquel le gouvernement
allait convertir une partie des actions privilégiées qu’il détient dans les
banques, que les investisseurs considèrent comme une forme de dette, en actions
ordinaires, ou capitaux propres, dans le but de consolider le capital des
firmes en difficulté telles que Citigroup et en les soulageant des dividendes,
liés aux actions privilégiées, qu’elles doivent au gouvernement. Dans le cas de
Citigroup, cela représenterait des économies de 2,25 milliards $ par année.
Au même moment, la
déclaration émise par le Trésor, la Réserve fédérale et trois autres organismes
de réglementation chercha à rassurer les banques que le gouvernement éviterait
de prendre un contrôle majoritaire. On pouvait y lire que « le plan d’aide
au capital (Capital Assistance Program) considère fermement que les banques
doivent demeurer privées ».
Il est incroyable de
constater à quel point les discussions sur la politique gouvernementale se sont
concentrées non pas sur les besoins sociaux de la population, mais plutôt sur
les questions financières reliées aux intérêts des très riches qui font leur
fortune à Wall Street (une minuscule partie de la population). Cela témoigne de
la réalité des relations de classe aux Etats-Unis et de la domination d’une aristocratie
financière sur chaque aspect de la vie sociale et politique.
Plusieurs
économistes et commentateurs libéraux sont parmi les principaux défenseurs de
nationalisation temporaire de certaines banques. Leur position est illustrée
par le chroniqueur du New York Times Paul Krugman qui a publié lundi un
éditorial intitulé « Banking on the Brink » (Les banques au bord du
gouffre). Krugman exprime son accord avec un récent commentaire de l’ancien
président de la Réserve fédérale Alan Greenspan qui a déclaré : « Il
pourrait être nécessaire de nationaliser temporairement certaines banques afin
de faciliter une restructuration rapide et ordonnée. »
« Je suis
d’accord », écrit Krugman. Pour défendre l’idée d’une acquisition
gouvernementale temporaire, il déclare que « les banques doivent être
sauvées… L’effondrement de Lehman Brothers a presque détruit le système
financier mondial et nous ne pouvons courir le risque de laisser imploser des
institutions beaucoup plus importantes comme Citigroup et Bank of America. »
Sans le mentionner
directement, Krugman fait référence au fait que de grandes banques sont
insolvables. Il souligne que la valeur combinée sur le marché de Citigroup et
Bank of America ne s’élève même pas à 30 milliards de dollars. Jusqu’à
maintenant, le gouvernement des Etats-Unis a injecté plus de 90 milliards de
dollars des contribuables dans ces deux banques.
Mais il insiste que « la
nationalisation à long terme n’est pas l’objectif… les grandes banques seraient
privatisées de nouveau dès que possible ». Il suggère même de qualifier de
« pré-privatisations », plutôt que « nationalisations »,
ces acquisitions gouvernementales temporaires.
Il n’y a rien de
progressiste, et encore moins socialiste, dans de telles propositions. Ces
dernières sont entièrement motivées par le désir de défendre les intérêts de
l’élite financière, avançant l’idée que la nationalisation temporaire serait le
moyen le plus efficace dans cette optique. En pratique, une telle politique se
traduirait par l’utilisation des ressources publiques pour payer les dettes des
banques et les ramener à la profitabilité, pour ensuite les remettre entre les
mains des intérêts privés, permettant aux directeurs généraux et aux grands
investisseurs de reprendre l’accumulation de leurs fortunes privées.
La position de Krugman
démontre que le libéralisme est une forme de politique bourgeoise, basée sur la
défense du système de profit. Il soutient que l’objectif devrait être de
maintenir la propriété privée des banques. Mais pourquoi cela devrait-il être
le but d’une politique publique ?
La catastrophe économique et
sociale qui englobe le monde est le produit inévitable de la propriété et du
contrôle privés du système financier et de l’économie en entier. La crise
actuelle est la conséquence de trois décennies pendant lesquelles l’élite
dirigeante américaine, dans la tentative de contrer le déclin de la position
mondiale du capitalisme américain et la baisse des taux de profit dans
l’industrie, a utilisé son contrôle de la finance afin de s’enrichir en
détournant les ressources de l’industrie manufacturière vers diverses formes de
spéculation financière.
La classe ouvrière a subi un
immense déclin dans sa position sociale, alors qu’a émergé une aristocratie
financière par la création d’une montagne de dettes et de valeurs
artificielles, qui est présentement en train de s’effondrer. Tous les divers
plans conçus pour sauver les banques, y compris ceux mis de l’avant par les
libéraux qui proposent la nationalisation temporaire, cherchent à faire payer
la classe ouvrière pour le désastre.
Le système bancaire est
l’expression la plus aiguë de l’anarchie et de l’irrationalité inhérentes au
système capitaliste. Il est précisément ancré dans la contradiction entre la
propriété privée des moyens de production et de la finance, et le caractère
social, mondial, de la production.
La participation croissante
du gouvernement dans les banques et la possibilité qu’il puisse se voir forcé
de prendre le contrôle de certaines grandes institutions soulèvent des questions
fondamentales. Au nom de quels intérêts s’exercera ce contrôle ? Aux
dépens de qui ? A quel prix ? Sous le contrôle de qui ? Et dans
quel but ?
La crise exige non pas une
acquisition gouvernementale temporaire dans le but de sauver les banquiers,
mais bien une politique socialiste et révolutionnaire dirigée contre le pouvoir
établi et la mainmise sur l’économie de l’aristocratie financière. Ce qui est
nécessaire est la nationalisation des banques sans compensation aux grands
actionnaires et obligataires, la transformation des banques et des institutions
financières en services publics sous le contrôle démocratique de la classe
ouvrière, et la transformation des politiques financières pour répondre aux
besoins de la population en termes d’emplois bien rémunérés, de logement,
d’éducation, de soins de santé et de retraites sûres, plutôt que pour la quête
du profit et l’accumulation de richesses personnelles par une mince couche
privilégiée.
Pour entreprendre cette
politique, la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière, aux
Etats-Unis et internationalement, dans la lutte pour le pouvoir politique est
essentielle. Seul un gouvernement ouvrier, un gouvernement de la classe
ouvrière et pour la classe ouvrière, implémentera un tel programme.
(Article original anglais
paru le 25 février 2009)